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Mémoire de Bernard
Petitdant
Date de mise en ligne : vendredi 4 février 2022, 12:05 ; Dernière modification : vendredi 20 janvier 2023,
Thèse acquise et mise en ligne avec l'autorisation de l'auteur. En cours de restitution (ne pas lire) après la (p.133) TITRE
: AUTEUR : Bernard Petitdant. ÉDITEUR : Date d'édition : 25 septembre 2021. Réédition : Lieu d'impression : France. LANGUE : Français. FORMAT : Envoyé sous format PDF, 188 pages. Type : Mémoire en un volume, complet. ISBN 13 : Droits : réservés, Bernard Petitdant 2021. Identifiant : http://www.cfdrm.fr RELIURE : ILLUSTRATIONS : _ ETAT : BIOGRAPHIE & THÈME : Kinésithérapie, Toucher. |
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POIDS : Résumé : Le mot français “massage” est commun à de nombreuses langues européennes d’origine latines ou germaniques. Il est d’un usage récent et d’une étymologie incertaine. Après avoir tenté de déterminer son origine d’usage et étymologique, nous retraçons brièvement l’histoire du Massage manuel en Europe et son intrication avec la gymnastique orthopédique. Nous présentons ensuite un panorama, sans avoir la prétention d’être exhaustif, du massage instrumental. Contrairement à ce qui se rencontre habituellement, cette présentation des instruments de massage ne se fait pas en fonction du type de manoeuvre que ces appareils suppléent. Nous avons tenté ici une classification en fonction des caractéristiques techniques propres des divers instruments de massage. Mots clés : Description : Livre en ligne sur : http://www.cfdrm.fr. Restitution de texte (Complète) : p Lire : Provenance : France Incorporation : vendredi 4 février 2022, Accès à l'emprunt : non, juste visible en ligne pour l'instant. Statut de l'ouvrage : don Reconnaissance associative : autorisation est donnée au CFDRM de Paris par Bernard Petitdant pour la restitution de son Mémoire. Qu'il en soit remercié. |
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Restitution de textes :
(Complète, en cours) par Alain
Cabello-Mosnier le vendredi 11 février
2022.
Je vous restitue ce mémoire rédigé par Bernard Petitdant dans le cadre d'un DU d’Histoire de la Médecine, Université de Paris. L'auteur a eu la bienveillance non seulement de me laisser restituer ici ce travail auquel j'ajoute tout un canevas de liens hypertextes mais aussi de citer le CFDRM de Paris ainsi que le parèdre (dieu subalterne) que je suis devenu pour cette délicieuse initiative. Je rappelle que ce travail est un acte d'amour à l'attention du massage complètement désintéressé duquel je ne tire aucune rétribution n'ayant à mon actif aucun livre à vendre. J'aime regarder le CFDRM comme un merveilleux châteaux construit au bord d'une falaise friable au bas de laquelle le temps le précipitera le temps venu.
Selon
la grille habituelle de notre site, je vous rassemble ci-dessous,
la liste des noms propres et parfois communs que Bernard Petitdant
cite mais aussi les ouvrages auxquels il se réfère.
Les liens violets renvoient à
des liens au sein du présent site, les bleus
ou cette flèche
Page 1
MÉMOIRE POUR LE DIPLÔME UNIVERSITAIRE en HISTOIRE DE LA MÉDECINE Présenté et soutenu Le 25 septembre 2021 Par
Massage manuel et instrumental en Europe du début du XIXème siècle à l’entre-deux-guerre.
Université de Paris Faculté de médecine de Paris Présenté
et soutenu
Page 2 Bernard Petitdant – Mémoire DU Histoire de la Médecine – 2021
Professor
Albert Mudry Ear,
Nose, Throat & Audiology News 2015 ; 4(24)
Étudier
l’histoire signifie regarder en arrière et
Professeur
Albert Mudry Ear, Nose, Throat & Audiology News 2015 ; 4(24)
Page 3
Page
4
Que les Professeurs Jean-Noël Fabiani-Salmon, Johan Pallud, trouvent ici la marque de ma sincère reconnaissance pour leur gestion de ce DU et la qualité de leur enseignement.
Page 5
Résumé
Résumé : Le mot français “massage” est commun à de nombreuses langues européennes d’origine latines ou germaniques. Il est d’un usage récent et d’une étymologie incertaine. Après avoir tenté de déterminer son origine d’usage et étymologique, nous retraçons brièvement l’histoire du massage manuel en Europe et son intrication avec la gymnastique orthopédique. Nous présentons ensuite un panorama, sans avoir la prétention d’être exhaustif, du massage instrumental. Contrairement à ce qui se rencontre habituellement, cette présentation des instruments de massage ne se fait pas en fonction du type de manoeuvre que ces appareils suppléent. Nous avons tenté ici une classification en fonction des caractéristiques techniques propres des divers instruments de massage.
Mots
clés : Appareil, Instrument, Kinésithérapie,
Massage, Physiothérapie, Histoire, Vibrothérapie
Keywords : Device, Instrument, Tool, Physitherapy, Massage, History, Vibrotherapy
Page 6 Liste des abréviations : APMC : Almeric Paget Massage Corps
Page 7
Remerciements
...................................................................................................................... 4
Page 8
Page 9
De la pensée médicale à la description des « outils du corps », nombreux sont les travaux consacrés à l’Histoire de la médecine1 ou des médecins2. Certains s’intéressent à la pensée médicale3, à une période historique particulière 4 5 6. D’autres aux instruments utilisés à toutes époques7 ou pendant une période plus ou moins longue 8. D’autres détaillent un type spécifique d’instruments9, les instruments d’une spécialité ou les instruments fabriqués dans un matériau particulier 10 11 12. Le choix de ce sujet vient d’un goût passionné
pour l’histoire de notre profession de masseur-kinésithérapeute
et d’une collection d’instruments de massage. Ce travail
ne fait qu’entrouvrir un dossier, sans pouvoir, bien sûr,
être exhaustif. 1 Lyons A.S., Petrucelli R.J.
Histoire illustrée de la médecine Paris : Presse de
la Renaissance ; 1979
classiquement, en fonction de la manœuvre qu’ils remplacent, c’est une classification en fonction de leurs caractéristiques techniques qui a été préférée. Après avoir indiqué l’origine des sources bibliographiques, sont définies la terminologie utilisée et son évolution. Les limites de cette étude sont tout d’abord présentées avant de passer en revue les techniques manuelles de massage décrites par les auteurs du XIXème et du début du XXème siècle. Ces manœuvres connues, ce sont les instruments et appareils, plus ou moins complexes, destinés à suppléer la main qui sont décrits. Enfin, sont évoquées les raisons de l’abandon relatif de ces instruments et leur évolution.
1.1 RecherchesLe mot « massage » et les manœuvres mises en œuvre pour le réaliser ont conservé leurs dénominations françaises à l’étranger. Son orthographe est identique dans de nombreuses langues comme l’Anglais, l’Allemand, le Néerlandais, le Suédois, le Danois. Par contre, le Norvégien, le Polonais, l’Italien, l’Espagnol par exemple ont adapté le mot qui se reconnaît facilement. Seul le Finnois l’a complètement modifié. Des documents dispersés et disparates sont collectés, classés selon les caractéristiques techniques de ces instruments. Ce travail se limite aux documents rédigés en Français, en Anglais. Pour une éventuelle iconographie ont été ajouté ceux rédigés en Allemand et en Suédois compte tenu de l’importance des Écoles suédoise et allemande de massage et de gymnastique au cours de la période définie dans le titre. Les recherches bibliographiques ont été effectuées sur les moteurs de recherches classiquement utilisés comme Pubmed, Science direct, Google scholar, Researchgate. Nous avons ajouté des sites en kinésithérapie et rééducation dont Kinésithérapie la Revue, Kinésithérapie Scientifique, Réédoc, Kinédoc. Nous avons terminé par des sites spécifiques d’Histoire, d’Histoire de la médecine et les sites numérisant des documents anciens comme la Bibliothèque Inter-Universitaire Santé, Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, Centre Français de Documentation et de Recherches sur les Massages (CFDRM), The Medical Heritage Library, Internet Archive, The Wellcome Library et Google livres. Le site de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) et le site Espacenet nous ont permis la recherche des brevets des divers instruments. Cette recherche numérique a été complétée par une recherche manuelle dans les catalogues de fabricants de matériel médical, dans les références des différents ouvrages, articles ou brevets retenus et dans notre documentation personnelle.
Les mots-clés utilisés sont « appareil », « histoire », « instrument », « kinésithérapie », « massage », « masseur », « masseuse », « physiothérapie », « device », « tool », « history », « massager », « physiotherapy » combinés sur les sites généralistes. Seul le mot « massage » a été pris en compte sur les sites d’Histoire ou numérisant des livres anciens. Dans les catalogues de matériels, le mode de numérisation ne permettant pas toujours une recherche par mot-clé, la recherche s’est faite manuellement dans la table des matières. La recherche des brevets a été réalisée soit par le nom de l’inventeur, soit par le numéro du brevet s’il était connu, soit avec un ou plusieurs mots clés décrivant l’instrument ou son fonctionnement. Si un brevet a été trouvé avec certitude, une nouvelle recherche est entreprise pour savoir si l’inventeur n’avait pas déposé d’autres demandes pour le même instrument, dans d’autres pays ou pour des instruments nouveaux. Cette recherche bibliographique s’est faite également en fonction des limites géographiques, chronologiques et des régions à masser après les avoir définies. Les publications faites au Royaume Uni, mais avec uniquement une édition américaine numérisée ou celles portant sur L'histoire du massage faites par des auteurs des États Unis d'Amérique ont été aussi prises en considération dans cette investigation.
1.2 LimitesCette étude s’intéresse au massage manuel et instrumental en Europe entre le XIXème siècle et l’Entre-deux-guerres. Les types de massage doivent également être circonscrits. Seuls les massages cutanés seront considérés. Les massages des orifices et conduits naturels, des muqueuses, des glandes ne seront pas décrits excluant ainsi le massage gynécologique, le massage prostatique, le massage tympanique. Les ouvrages et articles traitant spécifiquement de ces régions sont donc exclus de notre recherche bibliographique. Ainsi les massages des viscères seront possibles uniquement à travers la paroi abdominale ou le massage de l’œil à travers la paupière.
Estradère13 sépare le massage thérapeutique du massage hygiénique. Dès l’introduction de sa thèse il insiste sur le fait que le massage doit être considéré comme un acte médical. Le massage thérapeutique doit être réservé au médecin, ou éventuellement en sa présence s’il ne souhaite pas prendre une part active à ces manœuvres, par contre le massage hygiénique peut être pratiqué par un aide spécialement formé. Tous les auteurs, médecin ou non, émettent la même opinion. Le médecin laissera des consignes précises pour l’exécution du traitement et sa présence ne sera pas indispensable. Sans risque de complications, en présence d’un masseur maîtrisant parfaitement son art, agissant sans brutalité, un bénéfice pourra être retiré du massage hygiénique. Les manœuvres, mises en œuvre pour l’un ou l’autre de ces types de massage, sont identiques, seul l’opérateur et la finalité changent, aucune distinction ne sera faite dorénavant entre les deux types de massage.
13 – Estradère, Du massage, son historique, ses manipulations, ses effets
thérapeutiques. Paris Adrien Delahaye ; 1863 TDM
2.1 Étymologie
L’étymologie
du mot massage est incertaine. Actuellement on considère
que le mot "massage" prend ses racines, soit du
grec " massein "
Pour le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) 14 le suffixe « age » a été ajouté au verbe « masser ». Pour cette même source le verbe transitif masser au sens de « regrouper » date de la seconde moitié du XIIIème siècle. Par contre le récit de voyage de 1778 de Le Gentil 15 citant le voyage de Jean-Henri Grose traduit de l’Anglais16 donne, à ce terme, le sens qui nous intéresse ici. Ainsi, pour le CNRTL en s’appuyant sur l'apparition du mot dans des récits de voyages en Orient, l'emprunt à l'arabe est plus probable que l'origine grecque. Le
mot « massage » est donc apparu, semble-t-il,
au XVIIIème siècle. Le premier document
en Français l’utilisant serait l’ouvrage de Anquetil
Duperron 17 comprenant sa relation
de voyage aux Indes orientales et sa traduction du Zend-Avesta
de Zoroastre TDM
14 http://www.cnrtl.fr/etymologie/masser consulté le 15 décembre 2020
2.2 SynonymesL’origine récente du mot « massage » peut se confirmer avec l’utilisation en parallèle du mot « massement ». En effet, au début du XIXème siècle, le mot massage ne semble pas parfaitement fixé. Piorry 21, en rédigeant l’article « Massage » dans le dictionnaire en 60 volumes, ajoute à ce titre en plus petit caractère « massement » et il utilise tout au long de l’article indifféremment l’un ou l’autre. De même, [Léon] Rostan utilise aussi le terme « massement » dans la rédaction de l’article « Massage » du Dictionnaire de Médecine d’Adelon22. Cette terminologie se retrouve aussi sous la plume de Charles Londe23. Cette fois, le suffixe « ment » a été ajouté au verbe « masser ». Pour être complet, il nous faut ajouter le terme « psélaphie » ou « psellaphie » du grec tâtonner, caresser, toucher repris par Estradère citant l’article « palette » du dictionnaire de Panckoucke24. psélaphie est utilisé pour « exprimer élégamment ce que l’on appelle lourdement et grossièrement le massage, le massement »25 Dans la première partie du XIXème siècle les auteurs sont partagés. En 1828, Rostan dans son article « Massage » du Dictionnaire d’Adelon26 affirme que le massage n’est pas pratiqué dans nos contrées. D’autres ne font pas la distinction entre la gymnastique et le massage. Le massage est pour certains la forme passive de la gymnastique27. De Betou 28 ignore le massage. Pour lui, gymnastique active et passive sont des manipulations thérapeutiques (therapeutic manipulation), les différentes manœuvres sont considérées indépendamment les unes des autres sans être regroupées sous le
21 Piorry article « Massage » Une société
de Médecins et de chirurgiens Dictionnaire des sciences médicales
Tome 31 Paris : C.L.F. Panckoucke ; 1819.
vocable général de massage. Alors que pour Estradère29 le massage est une entité distincte même si le massage hygiénique prépare ou suit la gymnastique. Le terme « manipulation », souvent complété par les adjectifs « thérapeutique » ou « médicale », se rencontre avec « friction » ou « rubbing » (frottement). Il ne semble pas qu’une définition précise de ces termes existe. Les auteurs les utilisent alternativement, voire ensemble, dans un titre d’ouvrage30. Seule, la distinction entre frottement doux (soft rubbing) ou fort (hard rubbing) existe. Le mot anglais shampooing, dérivé de l'indien chamboni, signifie friction. Il a donc un sens plus large que de nos jours. Une confusion existe, parfois, entre massage et mouvement passifs de la gymnastique ainsi il a été proposé de ne parler que des « manipulations du massage » et des « mouvements de la gymnastique »31. A une époque où la terminologie n’est pas encore fixée se rencontre aussi le terme mécanothérapie (mechano-therapy). C’est un mode de traitement par le mouvement qui regroupe le massage et la gymnastique médicale, car tous deux utilisent la mécano-transduction pour stimuler les tissus. Pour Bell32 ce terme regroupe une gamme d’activités mécaniques utilisées à des fins thérapeutiques. Certains ont voulu imposer « massothérapie », la forme accourcie de « massage thérapeutique »33 ou de « l’application du massage à la thérapeutique »34. C’est aussi un moyen d’associer le mot « massage » avec une autre thérapeutique telle l’électrothérapie35,36. Murrell37 utilise également le terme de « massotherapeutics » en anglais, non pour en faire un domaine réservé, mais pour mettre l’accent sur l’aspect scientifique de cet agent thérapeutique.
29 Estradère
J. Du massage, son historique, ses manipulations,
ses effets thérapeutiques. Paris : Adrien Delahaye ; 1863
TDM
2.3 Évolution du vocabulaire
Avant que n’apparaissent le mot « massage » il n’est fait mention que de « friction », terme ancien déjà utilisé, par exemple, par Ambroise Paré38 ou plus près de la période qui nous intéresse par Tissot39 40. La friction est « un frottement exécuté sur toutes les parties du corps ou sur quelques-unes seulement … »41. La friction est souvent associée dans les récits de voyages ou chez les auteurs antiques à l’onction qui est « l’action par laquelle on applique des substances grasses sur les parties préalablement soumises aux frictions. »42. L’onction n’appartient plus aux manœuvres de massage hygiénique ou thérapeutique. Le mot « friction » est resté comme dénomination de l’une des manœuvres du massage. Quant à « massement » il a rapidement disparu. Il ne semble pas avoir été utilisé au-delà des années 1850. Seul Thooris43 réutilise, au milieu du XXème siècle, le terme « pour désigner, par un autre mot que massage, un ensemble de pratiques complétant les effets du mouvement ». Avec l’apparition d’appareils assurant la mobilisation des articulations et le massage, le terme « mechano-therapy » a adopté ces appareils. En France, le sens est plus restrictif puisque « la mécanothérapie est l’art d’appliquer à la Thérapeutique et à l’Hygiène certaines machines, imaginées pour provoquer des mouvements corporels méthodiques, dont on a réglé d’avance la forme, l’étendue et l’énergie »44. Le Reader’s Digest Universal Dictionary définit la mécanothérapie comme la physiothérapie utilis-
37 Murrell
W. Massotherapeutics or Massage as a mode
of treatment Philadelphia : Blakiston, son &C° ; 1890
ant des méthodes mécaniques pour faire fonctionner articulations et muscles en produisant des mouvements répétés45.
2.4 Définition
Il existe presque une définition du massage par auteur. Il serait possible de les multiplier, sans que cela soit d’un grand intérêt, donc seules les plus significatives ont été retenues. « Le massage le plus utilisé, c’est à dire celui des membres, n’est autre chose qu’une compression méthodique et intermittente, produite par des frictions manuelles d’abord douces, puis énergiques, enfin très puissantes opérées de bas en haut … »46. « Le massage thérapeutique n’est en somme que le massage hygiénique modifié selon la nature des maladies qui se présentent et le but que l’on veut atteindre. »47. Et enfin celle provenant de la thèse d’Estradère48, « le massage est l’art de pétrir le corps avec les doigts, de le frictionner avec la main ou un instrument spécial et de faire exécuter aux articulations les mouvements qui leurs sont propres ; le tout dans un but hygiénique ou thérapeutique. » Cette dernière définition, datant de 1863, présente le massage manuel, le massage instrumental et les mobilisations qui sont inclues dans le protocole de massage et se trouvent à la fin du soin de manière à profiter du réchauffement des muscles. Lent et doux, ce mouvement respecte le jeu articulaire et se doit d’être indolore. Ainsi, il se rapproche d'une réalité technique dénommée, de nos jours, « massage-mobilisation ».
7 Médecine, gymnastique et massage
Pour Dujardin-Beaumetz49, « l’histoire du massage se confond par bien des points avec celle de la gymnastique » et pour Kleen50 « il est impossible de séparer l’histoire du massage de celle de la gymnastique ». Mais, quelle place tient la gymnastique et le massage en Europe ?
3.2 En Allemagne
Bien que de 1815 à 1870 l’unité allemande soit en devenir, pour simplifier l’exposé, le détail des différents états Allemands ne sera pas abordé afin d'évoquer uniquement l’Allemagne. Le mouvement gymnique allemand est né à la fin du XVIIIème siècle, inspiré par les idées de Rousseau. Les guerres napoléoniennes font naître un sentiment pangermanique, ainsi le mouvement gymnique devient un instrument de mobilisation et de formation capital pour la naissance de cette nouvelle Allemagne unie. Friedrich
Hoffmann (1660-1742) est le premier représentant
de ce mouvement51
préparant l’arrivée de la gymnastique et du massage.
Médecin particulier de Frédéric-Guillaume de
Brandebourg
49 Dujardin-Beaumetz
G. De la massothérapie Nice-Médical
1887 ; 3 : 33-41
Johann
Bernhard Basedow Johann Christoph Friedrich Gutsmuths (1759-1839), enseignant et pédagogue, publie Gymnastik für die Jugend en 1793, premier livre d’enseignement de la gymnastique. Le titre complet de cet ouvrage est « La gymnastique pour la jeunesse : manuel pratique d'exercices fortifiants et récréatifs à l'usage des écoles ». Il est inspiré, lui aussi, des préceptes de Jean-Jacques Rousseau. Il reprend les exercices de l’Antiquité grecque. Une traduction anglaise sera publiée en 1800. Johann Peter Frank
52 Dumas J.L. Histoire de la pensée. Renaissance
et Siècle des Lumières Paris : Tallandier ; 1990
Friedrich Ludwig Jahn
En 1813 et 1814, Jahn et ses élèves se battent courageusement contre les troupes de Napoléon pour la libération du pays. Face à cet exemple, les « Sociétés » ou « Cercles de Gymnastique » (Turnverein) se développent dans toute l'Allemagne. À partir de 1860, le mouvement se développe avec vigueur ; 6000 gymnastes participent au festival de 1861 à Berlin ; 20000 à celui de Leipzig en 1863. En 1864, le nombre des adhérents est déjà de 170 000 ; il atteint 550 000 en 1896. Johann
Heinrich Pestalozzi
54 Busch F. General orthopaedics, gymnastics and massage in Von Ziemssen’s handbook of general therapeutics vol.5 New-York : William Wood & Co ; 1886
loppement progressif de toutes les facultés, sont exposées dans ses ouvrages. Ses principes éducatifs sont fondés sur la présentation de l'aspect concret avant d'introduire les concepts abstraits ; de commencer par l'environnement proche avant de s'occuper du distant ; de faire précéder d'exercices simples les exercices compliqués et enfin de procéder graduellement et lentement. Tous ces pédagogues ont fait progresser l’exercice physique en ce début du XIXème siècle. En
1836, le Docteur Lorinser
55 Lorinser K.I. Zum Schutz der Gesundheit in den Schulen Berlin : Ludwig Hold ; 1836 56 Busch F. General orthopaedics, gymnastics and massage in Von Ziemssen’s handbook of general therapeutics vol.5 New-York : William Wood & Co ; 1886 57 Ibid 58 Spiess A. Turnbuch für Schulen als Anleitung fiir den Turnunterricht durch die Lehrer der Schulen 2vol. Bale : Schweighaufer’sche Verlagsbuchhandlung ; 1847 59 Spiess A. Die Lehre der Turnkunst 4 vol. Bale : Schweighaufer’sche Verlagsbuchhandlung ; 1874 60 Busch F. General orthopaedics, gymnastics and massage in Von Ziemssen’s handbook of general therapeutics vol.5 New-York : William Wood & Co ; 1886 61 Quin G. Approche comparée des pratiques médicales de « massage » et de « gymnastique » à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle (Angleterre, France, Allemagne, Suisse) Histoire des sciences médicales 2014 ; 48(2) : 215-24 62 Neumann A.C. Die Heil-gymnastick oder die Kunst die Leibesübungen, angewandt zur Heilung von Krankheiten Berlin : P.Jeanrenaud ; 1852 63 Eulenburg M. Die Schwedische Halgymnastik, Versuch einer wissenschaftlichen Begründung derselben Berlin : A. Hirschwald ; 1853
La
première guerre
mondiale, l’hyperinflation jusqu’en 1924, le chômage ne sont
guère propices à la gymnastique et au massage.
Les réformes de la « Grande coalition »
de Stresemann
3.3 En FranceEn
1741, Nicolas
Andry de Boisregard64
Vandermonde
64 Andry
de Boisregard N. L'Orthopédie ou
l'Art de prévenir et de corriger dans les enfans les difformités
du corps. Le tout par des moyens à la portée des Pères
& des Mères, & de toutes les personnes qui ont des
enfans à élever. Bruxelles : Georges Fricx ; 1743
TDM 65 Quin G. Genèse et structure d'un inter-champ orthopédique (première moitié du XIXème siècle) : Contribution à l'histoire de l'institutionnalisation d'un champ scientifique. Revue d'histoire des sciences 2011 ; 64(2) : 323-47 66 Vandermonde Ch.-A. Essai sur la manière de perfectionner l'espèce humaine Paris : Vincent ;1756 67 Desessartz J.Ch. Traité de l'éducation corporelle des enfants en bas âge Paris : J. Th. Hérissant ; 1760 68 Verdier J. Discours sur l’éducation nationale, physique et morale des deux sexes Paris : chez l’auteur ; 1772 69 Quin,
G. Genèse et structure d'un inter-champ orthopédique
(première moitié du XIXème siècle) : Contribution à l'histoire de
l'institutionnalisation d'un champ scientifique. Revue d'histoire
des sciences 70 Ballexserd J. Dissertation sur l'éducation physique des enfans depuis leur naissance jusqu'à l'âge de puberté Paris : Vallat-La-Chapelle ; 1762
du corps » 71. Les progrès de l’orthopédie au XVIIIème siècle s’expriment à travers un plus large choix thérapeutique. De nouvelles pratiques émergent, notamment les exercices corporels. Ils ne correspondent pas à de la véritable "gymnastique orthopédique" mais à des pratiques rationnelles72. Les principales innovations orthopédiques du XVIIIème siècle restent cependant, malgré les critiques73, davantage dans le domaine technique avec le « lit mécanique » ou le « lit à extension » ou encore le corset redresseur. Les
médecins intéressés par l’éducation
physique et la gymnastique,
dans la première moitié du XIXème
siècle, font figure de pionniers. Quin74
les dénomme « médecins-orthopédistes »
pour les démarquer des orthopédistes non médecins
qui gravitent auprès d’eux. Claude
Jacques Mathieu Delpech Depuis la promulgation de la loi le 4 décembre 1794, par la Convention, il n’y a que trois Facultés de Médecine (Paris, Montpellier et Strasbourg) et une vingtaine d’Écoles de médecine préparant les étudiants. Le 10 mars 1803 (19 ventôse an XI) une nouvelle loi donne un système cohérent à la médecine française. Pour obtenir un doctorat en médecine ou en chirurgie, il faut étudier au moins quatre années dans une école médicale et passer une série d’examens ouvrant ensuite les portes de la pratique sur l’ensemble du territoire français. Par contre, les Officiers de santé devaient étudier au moins trois ans dans une école médicale, ou bien servir un médecin durant six an-
71 Tissot
C.-J. Gymnastique médicinale et
chirurgicale, ou essai sur l'utilité du mouvement, ou des
différents exercices du corps, et du repos dans la cure des
maladies Paris : Bastien ; 1780 TDM 72 Ibid. 73 Londe Ch. Bibliographie : Nouvelles preuves du danger des lits mécaniques Archives générales de médecine 1828 ; 1(16), 646-8 74 Quin,
G. Genèse et structure d'un inter-champ orthopédique
(première moitié du XIXème siècle) : Contribution à l'histoire de
l'institutionnalisation d'un champ scientifique. Revue d'histoire
des sciences 75 Monet
J., Quin G. Sauveur-Henri-Victor Bouvier (1799–1877) : orthopédiste,
chirurgien et promoteur 76 Quin G. Jules Guérin: brève biographie d’un acteur de l’institutionnalisation de l’orthopédie (1830-1850) Gesnerus 2009 ; 66(2) : 237–55 77 Quin G., Monet J. De Paris à Strasbourg : L’essor des établissements orthopédiques et gymnastiques (première moitié du XIXème siècle) Histoire des Sciences médicales 2011 ; 45(4) : 369-79 78 Desseaux A. François Humbert, orthopédiste méconnu, initiateur du traitement curatif des “boiteux” Histoire des sciences médicales 2015 ; 49(3/4) : 381-92
nées, ou encore servir dans un hôpital pendant cinq ans79. L’officiât de Santé sera supprimé en 1892. Cependant, à cette époque, il n’y a pas de Ministère de la Santé ni d’Ordre des Médecins. Les seuls organismes nationaux sont l’Académie de Médecine, créée sous la Restauration en 1820 et le Conseil supérieur de l’Hygiène. Les hôpitaux sont autonomes et n’acquièrent une fonction thérapeutique que pendant cette période. Ainsi la Santé dépend d’organismes différents. Le Ministère de l’Intérieur gère la défense contre les épidémies, le Ministère du Commerce lutte contre les falsifications alimentaires ou les intoxications. La médecine sort difficilement du statut de métier au service de la noblesse et de la bourgeoisie aisée80. L’État devient prégnant sur la médecine et la chirurgie. Le massage est aux mains des « rebouteurs », « rebouteux », « rhabilleurs », « souffleur d'entorses, » [Fig.2] dans les campagnes ou les villes, aux mains des « garçons de bains » dans les bains publics ou les villes thermales, aux mains des gymnastes dans les gymnases publics ou hospitaliers, aux mains de « garçons de salle » dans les hôpitaux81 82. Figure 2 : Rebouteux breton
massant une cheville « foulée » [Le masseur de Pont-Scorit
79 Quin G. Le mouvement peut-il guérir ? Les usages médicaux de la gymnastique au XIXème siècle Lausanne : Editions BHMS ; 2019 80 Defrance J., Brier P., El Boujjoufi T. Transformations des relations entre médecine et activités Gesnerus 2013 ; 70/1 : 86–110 81 Petit
L. Le massage par le médecin, physiologie,
manuel opératoire, indications Paris : Alexandre Coccoz ;
1885 TDM 82 Lardry
J-M. Etude de l’ouvrage intitulé
« Du massage, son historique, ses manipulations, ses effets
thérapeutiques TDM
« Le rebouteur est né, a vécu et continue à vivre de par la faute du médecin » écrit Léon Petit83, « l’étudiant manque d’enseignement, le médecin ne sais pas pratiquer si, malgré tout, il s’y essaie il n’a pas de résultat et abandonne en faisant appel à des mains auxiliaires ». Pour Murrell84 au début du siècle le « vrai massage était pratiqué en France » mais les professeurs étaient peu enclins à dispenser leur savoir. Même si des actions communes avec la médecine apparaissent,85 la gymnastique peine à se faire reconnaître en France malgré la place qu’elle a prise en Allemagne. Des conflits apparaissent entre le Docteur Lachaise et Amorós par exemple. Don Francisco Amorós y Ondeano, marquis de Sotelo, colonel espagnol pro-napoléonien a fui l’Espagne après la défaite de Victoria. Il dirige le gymnase normal civil et militaire à Grenelle. Il travaille en collaboration avec les Docteurs Begin et Verdier qui lui confient des jeunes filles avec des problèmes orthopédiques. En raison du non-respect des consignes médicales, le Docteur Lachaise refuse une compétence médicale au colonel Amoros86 en s'opposant à titre personnel aux redressements de la colonne vertébrale à l'aide de machines orthopédiques. À l’inverse, en 1847, très précisément le 12 juillet, s’est déroulée la première séance d’exercices de gymnastique dans un hôpital, « d’emblée, on crée un cours pour les garçons (20 scrofuleux) et un autre pour les filles (15 scrofuleuses) »87. C’est Napoléon Laisné (1810-1896) qui est le premier « gymnasiarque hospitalier » selon l’expression de l’époque88. En 1831, comme sous-officier, il dirige le gymnase de son régiment à Metz. En 1835, il est aux côtés d’Amorós. En 1840, il professe à l’institution des jeunes aveugles. En 1842, il crée le gymnase du lycée de Versailles et y enseigne.
83 Ibid 84 Murrell W. Massotherapeutics or Massage as a mode of treatment Philadelphia : Blakiston, son & C° ; 1890 85 Defrance J., Brier P., El Boujjoufi T. Transformations des relations entre médecine et activités Gesnerus 2013 ; 70/1 : 86–110 86 Quin G. Genèse et structure d'un inter-champ orthopédique (première moitié du XIXème siècle) : Contribution à l'histoire de l'institutionnalisation d'un champ scientifique. Revue d'histoire des sciences 2011 ; 64(2) : 323-47 87 Quin G. A Professor of Gymnastics in Hospital. Napoléon Laisné (1810-1896) introduce Gymnastics at the « Hôpital des Enfants malades » Staps 2009 ; 86(4) :79-91 88 Lardry J-M. Étude de l’ouvrage « Application de la gymnastique à la guérison de quelques maladies avec des observations sur l’enseignement actuel de la gymnastique » de Napoléon-Alexandre Laisné. Kinesither Rev 2016 ;16(174) : 63-6
En 1846, ce sera la création d’un gymnase pour chaque sexe à l’institution de Sourds-Muets. En 1847, il sera choisi par l’administration hospitalière pour assurer les nouveaux enseignements de gymnastique créés à l’Hôpital des Enfants Malades. Laisné séduit les médecins et l’Assistance publique qui multiplient les sites dispensant un enseignement de gymnastique. En 1849, ce sera à l’Hôpital de la Salpêtrière, un second gymnase verra le jour en 1853, puis en 1854 aux Hospices de Bicêtre, enfin en 1861 à l’Hospice des Enfants-assistés. En
1847, l’année où Laisné débute sa gymnastique
hospitalière, Carl
August Georgii [1808-1881]
publie « Kinesitherapie ou Traitement des maladies par
le mouvement TDM Les années suivantes paraissent des publications majeures concernant le massage la thèse d’Estradère91, l’ouvrage de Laisné sur le massage92 et celui de Phélippeaux93. Qu’Estradère ou Phélippeaux, médecins, publient sur le massage ne peut pas nous étonner. Le massage peut, par contre, être étranger à un gymnasiarque comme Napoléon Laisné. Il n’en est rien, comme le prouve, par exemple, les 70 occurrences de ce mot dans son « Application de la gymnastique à la guérison de quelques maladies… ».94 La lecture des travaux de Laisné, nous montre que sous le vocable de « gymnastique » se cachent aussi des exercices et des massages. Il va contribuer à légitimer le massage par l’emploi raisonné qu’il fait de celui-ci 95 et par sa publication de 186896.
89 Georgii
A. Kinésithérapie ou Traitement
des maladies par le mouvement selon la méthode de Ling Paris
: Germer Baillière ; 1847 TDM 90 Georgii A. A few words on kinesipathy or swedish medical gymnastics. The application of active and passive movements to the cure of diseases according to the method of P.H. Ling London : Hippolyte Bailliere ; 1850 91 Estradère J. Du massage, son historique, ses manipulations, ses effets thérapeutiques Paris : Adrien Delahaye ; 1863 92 Laisné
N. Du massage, des frictions et manipulations
appliquées à la guérison de quelques maladies
Paris : Victor Masson et fils ; 1868 ***
* 93 Phélippeaux M.V.A. Etude pratique sur les frictions et le massage ou guide du médecin masseur Paris : l’Abeille Médicale ; 1869 94 Lainé
N. Application de la gymnastique à la guérison de
quelques maladies avec des observations sur l’enseignement actuel
de la gymnastique Paris : Louis Leclerc ; 1865 TDM 95 Quin G. Le mouvement peut-il guérir ? Les usages médicaux de la gymnastique au XIXème siècle Lausanne : BHSM ; 2019 96 Laisné N. Du massage, des frictions et manipulations appliquées à la guérison de quelques maladies Paris : Victor Masson et fils ; 1868
Par exemple, Murrell de Londres, dans son traité aux nombreuses éditions97, signale que, pour lui, le meilleur massage de l’abdomen est celui proposé par Laisné. Le Professeur Dujardin-Beaumetz (1833-1895) tente d’imposer, en France, le terme « massothérapie » pour lier le massage à la médecine98. La science commence également à avoir des appareils pour enregistrer le geste et ses conséquences sur l’organisme. Ainsi, l’apparition des chronophotographies ou le sphygmographe de Marey (1830-1904), des dynamomètres d’un usage facile99, l’arthro-dynamomètre de Jules Amar [1879-1935]100, 101 qui permet de mesurer non seulement les amplitudes articulaires mais aussi la force musculaire en fonction de l’angulation articulaire. Il permet donc de faire une courbe tension-longueur du muscle. Les écoles de massage apparaissent sous la tutelle médicale dans le cadre de la loi du 30 septembre 1892102, telle l’École Française d’Orthopédie et de Massage (EFOM) créée par le Docteur Archambaud, toujours présente de nos jours à Paris. Cet établissement a été créé en 1889 selon nos sources [Fig.3], en 1895 pour Quin103 et Monet104 et en 1899 pour Remondière105. En 1906, le docteur Fabre ouvre la première école pour masseurs aveugles [École des masseurs et masseuses aveugles]. Les masseurs médicaux voient leur nombre augmenter et leur statut légal reconnu en 1937. Une partie des soldats de la Grande Guerre, devenus aveugles, se reconvertissent en masseur, avec la création d’un diplôme spécifique en 1927106.
97 Murrell W. Massotherapeutics or Massage as a mode of treatment Philadelphia : Blakiston, son & C° ; 1890 98 Monet J. La naissance
de la kinésithérapie Paris : Glyphe ; 2009 **** TDM 99 Petitdant B. Origines, histoire, évolutions de la mesure de la force de préhension et des dynamomètres médicaux Kinesither Rev 2017 ; 17(181) : 40-58 100 Petitdant B. Le goniomètre médical au fil du temps Kinesither Rev 2016 ; 16(179) : 48-61 101 Amar J. Principes de rééducation fonctionnelle Académie des sciences séance du 19 avril 1915 CR hebdo Sciences 1915 ; 160 : 559-62 102 Hoerni B La loi du 30 septembre 1892 Histoire des Sciences médicales 1998 ; 1(32) : 63-7 103 Quin G. Approche comparée des pratiques médicales de »massage » et de « gymnastique » à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle (Angleterre, France, Allemagne, Suisse) Histoire des sciences médicales 2014 ; 48(2) : 215-24 104 Monet J. Emergence de la Kinésithérapie en France à la fin du XIXème et au début du XXème siècle Thèse Doctorat Sociologie, Université Paris I Panthéon-Sorbonne Juin 2003 105 Remondiere R. L'institution de la kinésithérapie en France (1840-1946), Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques 12 | 1994, mis en ligne le 27 février 2009, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ccrh/2753 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ccrh.2753 106 Ibid
Figure
3 : Médaille commémorative du centenaire
de l’EFOM
Il faut remarquer que l’EFOM se revendique de l’orthopédie et non de la gymnastique suédoise. Les cours sont d’abord ouverts aux médecins et aux étudiants en médecine, une formation secondaire s’ouvre pour les masseurs. Bourneville107 indique clairement le rôle de chacun « les masseurs et masseuses doivent borner leur rôle à exécuter fidèlement les prescriptions médicales, et se garder de prendre aucune espèce d’initiative. … Un massage hors de propos peut déterminer des accidents mortels. » Dans les hôpitaux, le massage est mis en œuvre par les infirmières [Fig.4].
107 Bourneville Dr Manuel pratique de la garde-malade et de l’infirmière
Paris : Progrès médical ; 1889 TDM
La littérature sur le massage s’enrichit de nombreuses publications, souvent rééditées jusqu’à l’entre-deux-guerres, telles celles de Just Lucas-Championnière [Fils]108, Georges Berne109, Gustav Norström110. Quant à Georges de Frumerie [le CFDRM dispose du prénom de Gustave]111 112 113 114 115, il multiplie les publications, car il enseigne aux infirmières et aux médecins et publie ses cours.
108 Lucas-Championnière
J. Traitement des fractures par le massage
et la mobilisation Paris : Rueff et Cie ; 1895 TDM 109 Berne
G. Le massage manuel théorique
et pratique Paris : Rueff et Cie ; 1894 TDM 110 Norström
G. Formulaire du massage Paris : JB Baillière
; 1895 TDM 111 de
Frumerie
G. La pratique du massage. Cours à
l’usage des infirmiers et infirmières Vigot : Paris ; 1901
TDM 112 de
Frumerie G. Cours de massage accessoire des soins d’accouchements
à donner aux femmes enceintes et parturientes aux nourrices
et nourrissons Vigot : Paris ; 1904 TDM 113 de
Frumerie G. Le massage pour tous Indications et technique du massage
général Vigot : Paris ; 1917 2ème éd. TDM 114 de
Frumerie G. Traitement manuel des déviations pathologiques
du rachis Vigot : Paris : 1924 TDM 115 de
Frumerie G. La pratique du massage. Manuel à l’usage des
étudiants en médecine, des infirmiers et infirmières,
des candidats au diplôme de l’état de masseur et de
masseuse Vigot : Paris ; 1941 TDM
En 1900, des médecins fondent la Société de Kinésithérapie (SDK) et en 1912 le Syndicat des médecins-masseurs116. La Revue de Cinésie et d’Électrothérapie publie les comptes rendus des séances de la Société. Toutes les facettes de cette nouvelle spécialité médicale qu’est la massothérapie sont représentées par les instances dirigeantes et les membres fondateurs. Le Dr Just Luca Championnière [le fils], promoteur du massage dans les fractures, en est le Président, le Dr Fernand Lagrange, promoteur de la gymnastique suédoise et de la mécanothérapie, le Vice-président, le Dr Horace Stapfer, promoteur de la kinésithérapie gynécologique, le Trésorier et enfin le Dr Mesnard, promoteur de la gymnastique orthopédique, le Secrétaire117 [Fig.5]. Figure
5 : Schématisation des pôles
d’intérêts de la SDK à sa création et
leurs animateurs d’après Monet Le Président d’Honneur est le Pr Etienne-Jules Marey [1830-1904] , membre de l’Institut, Professeur au Collège de France, Président de l’Académie de Médecine en cette année 1900. Ses travaux sur le mouvement et la locomotion, ses titres, apportent une forme
116 Remondiere R. L'institution de la kinésithérapie en France (1840-1946), Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques 12 | 1994, mis en ligne le 27 février 2009, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ccrh/2753 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ccrh.2753 117 Monet
J. Emergence de la Kinésithérapie
en France à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, Thèse Doctorat Sociologie, Université
Paris I Panthéon-Sorbonne Juin 2003 TDM
de reconnaissance à cette Société prônant l’utilisation du mouvement et d’exercices justifiés scientifiquement.
La Grande Guerre par ses millions de blessées, de « gueules cassées » donne un élan extraordinaire au massage, à la rééducation et à la réadaptation118, mais ce n’est qu’un catalyseur. En effet c’est la longue évolution, décrite en amont, qui a permis d’en arriver là.
3.4 Au Royaume UniLe Royaume Uni est une terre de sports, la gymnastique médicale ou scolaire n’y a jamais pris une grande place119. En 1794, John Pugh [1794-1830] publie un traité120 où il consacre plusieurs chapitres aux méfaits de l’inactivité, à la nécessité et à l’importance de l’exercice. En 1808, Barcklay121 signale des traitements musculaires par percussions. John Grosvenor (1742-1823), chirurgien à Oxford, traite les articulations enraidies par des frictions122. Le docteur Gower décrit ses inventions dans un petit livre. Il évoque les frictions ou shampooing, lors de la description du Pulsator instrument de massage destiné aux percussions. Il y décrit également le Sudatorium, une enceinte individuelle pour bain de vapeur en décubitus, l’Illuminator sorte de lanterne magique, ancêtre du laryngoscope et le Valetudinarian, siège pour soutenir à l’horizontale un membre inférieur fracturé. Il a fait évoluer ce même siège en siège obstétrical ou en un lit avec option dite garde–robe pour les soins d’hygiène. Gibney123 consacre, une
118 Remondière R. La mécanothérapie au temps de la Grande Guerre Revue historique des armées [En ligne], 274 | 2014, mis en ligne le 18 juillet 2014, consulté le 11 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/rha/7969 119 Busch F. General orthopaedics, gymnastics and massage in Von Ziemssen’s handbook of general therapeutics vol.5 New-York : William Wood & Co ; 1886 120 Pugh J. A physiological, theoric and practical treatise on the utility of the science of muscular action for restoring the power of the limbs London : C. Dilly ; 1794 121 Barcklay J. The muscular motion of the human body Edinburgh : W. Laing and A. Constable ; 1808 TDM 122 Cleoburey W. A full account of the system of friction, as adopted and pursued with the greatest success in cases of contracted joints and lameness, from various causes Oxford : Munday and Slatter ; 1825 123 Gibney J. A treatise on the properties and medical application of the vapour bath: in its different varieties and their effects : in various species of diseased action London : Thomas and George Underwood ; 1829 TDM
partie des chapitres 6 et 7 de son traité, à la description du shampooing et aux avantages des frictions et des percussions.
Nous sommes sous le règne de la Reine Victoria. Cette période est riche, les débuts de l’émancipation de la femme, les progrès de l'hygiène, mais aussi la surpopulation des villes, le problème irlandais, le libéralisme politique et économique, les guerres outremer, le colonialisme. Dans les années 1880, le massage intéresse la médecine. Des masseurs et masseuses étrangers enseignent des rudiments aux infirmières. Le nombre de masseuses augmentent, certaines sans aucune qualification, avec des débouchés devenus rares. La fin du siècle est marquée, à partir de 1894, par un scandale. Il débuta par le signalement dans le British Medical Journal124 (BMJ) d’établissements de prostitution dissimulés en salons de massage. Le titre accrocheur du BMJ, attire l’attention de la presse grand public, l’affaire remonte jusqu’à la Chambre des Communes. En réaction, des professionnelles créent la Society of Trained Masseuses (STM). Elle gère l’enseignement, les examens, la délivrance du diplôme. En 1900, en acquérant les statuts d’organisation professionnelle, la STM devient l’Incorporated Society of Trained Masseuses (ISTM). Plus tard, l’Institute of Massage and Remedial Gymnastics rejoint l’ISTM. En 1920, le Roi George V octroie une charte royale et l’ISTM devient Chartered Society of Massage and Remedial Gymnasts. Elle est connue, depuis 1944, sous le nom de Chartered Society of Physiotherapy.125 Parallèlement, l'« Institut suédois » a été fondé en 1904 par le Dr Mary Coghill-Hawkes. C’est la première école de ce type en Grande-Bretagne donnant une formation semblable aux écoles de Stockholm. L'Institut délivre ses propres certificats et présente les étudiants pour les examens de l’ISTM. Au Royaume Uni également, la Grande Guerre donne une forte expansion au massage et à la rééducation. L’Almeric Paget Massage Corps (APMC), corps de 50 masseuses financé par le riche député Almeric Paget, a été rapidement mis en place. Les
124 Anonyme Immoral « massage » establishment Br Med J 1894 ; 2: 88 125 Nicholls D.A., Cheek J. Physiotherapy and the shadow of prostitution: the Society of Trained Masseuses and the scandals of 1894 Soc Science Med 2006; 62 : 2336-48
membres de l’APMC devaient avoir le certificat de formation délivré par l’ISTM. Le conseil de l’ISTM a encouragé ses membres à rejoindre l’APMC. De septembre à novembre 1914, les 50 masseuses ont travaillé dans des hôpitaux militaires en Grande-Bretagne. Le flot des victimes grossissant, le War Office demande aux Paget de financer une clinique de massages et de consultations externes à Londres. En 1915, ce sont près de 200 patients par jour qui sont traités. Pendant l’été 1915, 150 masseuses travaillaient pour l’APMC dans 110 hôpitaux et institutions militaires. Financé maintenant par le War Office, en décembre 1916, l’APMC devient Almeric Paget’s Military Massage Corps (APMMC). À cette date également, des hommes devenus aveugles au front, titulaires du certificat de l’ISTM sont embauchés. En 1917, l’APMMC est présent également en France et en Italie. En janvier 1919, l’APMMC fut dissout et ses membres invités à rejoindre son remplaçant, le Military Massage Service126 127. Les massage sisters, les infirmières-masseuses, les masseurs et masseuses qualifiés se rencontrent couramment dans les années 1920 dans les hôpitaux grands et petits et dans les maisons de convalescence. En 1907, Goldstone128 a analysé les questions posées lors des examens de l’ISTM. Dix des douze questions portent sur le massage et en 1908, huit sur neuf. A la fin des années 1930, seul un tiers des questions porte sur le massage. Pour Goldstone, le massage était à son apogée pendant la Grande Guerre et immédiatement après. Puis l’électrothérapie, l’hydrothérapie, les machines, les appareils à rayons violets sont devenus bien plus populaires sans pourtant supplanter complètement le massage. Ces techniques à la mode furent elles-mêmes détrônées, d’autres sont apparues mais le massage est toujours là.
3.5 En SuèdeAu XIXème et au début du XXème siècle, la Suède est la référence de toute l’Europe en gymnastique, avec Pehr Henrik Ling (1776-1839) comme figure de proue. Il est originaire de la province de Smaland, au Sud de la Suède. Il devient orphelin de père peu de temps après sa naissance, puis quelque temps plus tard sa mère décède. Il
126 http://www.csp.org.uk/frontline/article/foreign-fields-physiotherapy-during-first-world-war
127 http://www.scarletfinders.co.uk/180.html
128 Goldstone A.L. Massage as an orthodox medical treatment past and future Complementary Ther Nursing Midwifery 2000 ; 6 : 169-71
est
soumis à un tuteur sévère. Il étudie
ensuite à Wexio en Gothie méridionale où son
assiduité et ses capacités sont remarquées.
De sa sortie de l’école, jusqu’à ses examens de théologie
en Småland en décembre 1797 il voyagea. Son périple
reste peu précis, voire inconnu. Il devint précepteur
dans plusieurs familles. En 1800, il étudie à Copenhague,
l’année suivante il est volontaire sur un bateau danois lors
d’une bataille navale contre l’Amiral Nelson. Il se déplace
en Europe malgré son dénuement et revient en Suède
avec une bonne connaissance des langues des pays visités.
Lors d’un nouveau séjour à Stockholm, il se passionne
pour l’escrime et y excelle. L’escrime améliore un rhumatisme
dont il souffre au niveau du bras. Il en déduit qu’un exercice
systématisé peut avoir un effet bénéfique
pour rétablir la santé, la force ou la beauté.
Contrairement à ses prédécesseurs, il ne cherche
pas à copier les Anciens (quoiqu’on lui prête de s’être
inspiré du Kung-Fu
chinois [Note CFDRM Notice du Cong-Fou des Bonzes Tao-sée de 1779 pour le tome IV. La gymnastique pédagogique, la gymnastique militaire, la gymnastique médicale et la gymnastique esthétique sont les 4 branches de la gymnastique reconnue par Pehr Henrik Ling [Fig.6]. Pour Ling, la gymnastique n’est donc pas uniquement pour les bien-portants mais également pour aider les malades à recouvrer la santé.
Figure
6 : Portrait de Pehr Henrik Ling
129 Pfister G. Cultural confrontation : German Turnen, swedish gymnastics and english sports- european diversity in physical activities from a historical perspective Culture, Sport, Society 2003 ; 6(1) : 61-91
Le point qui lui importait avant tout, était l’exécution intelligente et précise des mouvements. Pour tous les mouvements passifs ou actifs, une stricte observance de leur direction, de leur rythme, de leur force doit être de mise130. Il imagine les mouvements actifs, résultat de l’activité contractile du sujet et passifs, résultat d’une activité extérieure sur tout ou partie du corps. Après quelques déboires, le roi de Suède lui accorde un établissement à Stockholm dénommé Institut de Gymnastique. Ling explique les mouvements du corps par la physiologie. Cette gymnastique rationnelle s’applique surtout à une meilleure connaissance des exercices militaires. Ling commence en 1834 un ouvrage, Gymnastikens Allmänna Grunder. Il sera publié à titre posthume, en 1840, par ses élèves. Son héritage direct n’est que partiel, peu concis et parfois difficile à comprendre131. Pour de Genst132 c’est « un mélange curieux et caractéristique de l’époque : imagination, empirisme, technique, science et surtout amour de la vérité ». Ses élèves, associés à son fils Hjalmar, développeront la gymnastique médicale pour le traitement de nombreuses affections chroniques et la gymnastique éducative pour lutter contre les effets pernicieux de l’oisiveté. En 1864, un cours fut créé pour des professeurs féminins sous l’impulsion de Santesson (1825-1892) [Berndt Peter Anton Santesson] et d’Hildur Ling [1825 - 1884], la fille de Pehr Henrik Ling133. La gymnastique jusqu’alors exclusivement masculine s’ouvre, avec quelques difficultés, aux filles et aux jeunes femmes. L’institut a essaimé dans toute l’Europe. Pfister134 s’interroge sur le succès et l’attractivité des exercices répétitifs en groupes de la gymnastique suédoise. Est-ce un désir profond des participants ou le pouvoir de l’autorité sur des élèves ou des militaires ? Elle l’explique par la situation politique à la suite des guerres napoléoniennes. La Suède a rejoint la 3ème coalition
130 Georgii C. Kinésithérapie
ou Traitement des maladies par le mouvement selon la méthode
de Ling Paris : Germer Baillière ; 1847 TDM 131 Pfister G. Cultural confrontation: German Turnen, swedish gymnastics and english sports - european diversity in physical activities from a historical perspective Culture, Sport, Society 2003 ; 6(1) : 61-91 132 de Genst H. Histoire de l'éducation physique, tome II. Temps modernes et grands courants contemporains Bruxelles : A. de Boeck ; 1949 133 Westberg J. Adjusting swedish gymnastics to the female nature: discrepancies in the gendering of girls’ physical education in the mid-nineteenth century Espacio, Tiempo y Educatión 2018 ; 5(1) : 261-79 134 Pfister G. Cultural confrontation: German Turnen, swedish gymnastics and english sports - european diversity in physical activities from a historical perspective Culture, Sport, Society 2003 ; 6(1) : 61-91
contre la France qui s’est terminée par la victoire d’Austerlitz. En 1808, les concessions faites à la Russie par la France, place la Suède en conflit avec la Russie et le Danemark. Ne pouvant combattre sur deux fronts, elle abandonne la Finlande. La Suède est aux côtés des Alliés contre Napoléon en 1813, ce qui lui vaut, en 1814 avec le traité de Kiel, de pouvoir annexer la Finlande perdue aux débuts des conquêtes napoléoniennes. La gymnastique suédoise prépare les jeunes hommes à se battre pour leur pays. Un conflit entre la gymnastique suédoise et les Turnen allemands (cf.3.1.1.), est connu sous le nom de Barrenstreit qui peut se traduire par « le différent des barres ». En effet les barres parallèles sont l’un des éléments du différent. De grands noms s’investissent tel le physiologiste Emil Du Bois-Reymond (1818-1898) [Note CFDRM Emil Heinrich] ou Rudolf Virchow (1821-1902) l’un des pères de l’anatomie pathologique, pour la défense des barres parallèles et des Turnen en général, mais leurs arguments sont rejetés par Pehr Henrik Ling135. A travers toute l’Europe, des gymnasiarques comme Jahn, Nachtegall ou Amoros vont développer des systèmes de pratiques d’exercice corporel à l’échelle de leur pays respectif au cours de la première moitié du XIXème siècle. Ces systèmes « nationaux » d’éducation physique doivent être pensés et articulés avec l’émergence d’une modernité médicale. Dans son ouvrage, Georgii écrit précisément « Ling entend par mouvements passifs tout mouvement communiqué, tel que : pressions, frictions, percussions, froissements (massage), tremblements, soulèvements, balancements, ligatures, mouvements ou attitudes propres à produire des congestions sanguines, passagères et artificielles dans un organe quelconque, etc. »136 Ainsi Georgii montre donc une évolution dans la gymnastique suédoise, courant menée par Ling lui-même d’après Georgii et par les utilisateurs de chaque pays. Arvid Kellgren, qui a été étudiant de l’Institut Ling de 1877 à 1879 [Note CFDRM l'Institut royal central de gymnastique à Stockholm], indique137, lui aussi, que le massage fait partie du système de Ling. Il lance dès la préface quelques piques contre Mezger. Il règle également des comptes envers les auteurs étrangers
135 Ibid. 136 Georgii
C. Kinésithérapie ou Traitement
des maladies par le mouvement selon la méthode de Ling Paris
: Germer Baillière ; 1847 TDM 137 Kellgren
A. Technique du traitement manuel suédois
( gymnastique médicale suédoise) Paris : Maloine ;
1895 TDM
ayant publié sur le système Ling. Il trouve leurs comptes rendus et les illustrations de leurs ouvrages « incorrects dans la plupart des cas ». Il a une explication simple, ces auteurs ont dû rester peu de temps à l’Institut. Par ailleurs, l’hiver suédois les a conduits à y aller, en été, quand l’Institut est fermé. Gustav Zander [Fig.7] naquit à Stockholm en 1835. A cette époque, la gymnastique de Ling est en vogue.
Figure 7 :
Portait de Gustav Zander
Pour Ling, nous l’avons vu, l’exercice doit toujours être dosé et localisé. Pour tous les mouvements passifs ou actifs, une stricte observance de leur direction, de leur rythme, de leur force doit être de mise. Doser l’exercice c’est mesurer son intensité pour avoir un effet utile. Le localiser c’est limiter son effet à une région précise. Seule, la main en est capable. Le médecin prescrit ces exercices. La résistance est appliquée
par des assistants. Cette résistance manuelle est fonction de la force de l’assistant, de son état physique et sa motivation. Pour éviter les variations liées à ces assistants, Zander pense qu’une machine pourra appliquer une résistance identique indéfiniment pour les appareils actifs ou fournir un mouvement adapté à une thérapie physique pour les appareils passifs 138 139 140. Il met en œuvre sa « méthode médico-mécanique » dans son « institut médico-mécanique » en 1865. Il est nommé professeur agrégé de gymnastique médicale à l’École de médecine de Stockholm en 1880. En 1892, il est élu membre de l’Académie royale des Sciences de Suède. Il est décédé, à Stockholm, le 17 juin 1920. Les préconisations pour une séance de mécanothérapie sont les suivantes. Le malade y vient sans hâte et se repose dix minutes au moins « avant de commencer les exercices afin qu’il ne soit ni essoufflé, ni échauffé »141. Les exercices se feront à distance des repas mais jamais à jeun. En général, les exercices passifs précédent les exercices actifs. Entre les exercices s’intercalent des exercices de respiration tout comme en fin de séance. Au fil de la séance, la progression n’est possible qu’en s’assurant par l’interrogatoire et la prise de pouls du bon état du patient. A New-York, dans l’Institut Zander de Wischnewetzsky142, les patients sont pris en charge par 3 médecins. Deux hommes et sept femmes dénommés « instructeurs » les aident à utiliser les appareils. Ces instructeurs sont secondés par douze femmes et douze hommes qui adaptent les appareils en fonction des prescriptions. En 1911, à l’apogée du développement des Instituts de mécanothérapie Zander, 300 étaient dénombrés de par le monde. Zander a été pressenti pour le prix Nobel mais il n’a pas été décerné en 1916 à cause de la Grande Guerre143.
138 Göranssons Mekaniska Verkstadt : La gymnastique médico-mécanique de Zander, ses principes, ses applications suivis de quelques indications sur la création d’établissements gymniques d’après cette méthode – Stockholm : Imprimerie royale, Norstedt 139 Zander G. : Notice sur
la gymnastique de Zander et l’établissement de gymnastique
médicale mécanique suédoise à Stockholm.
Paris : Imprimerie A. Reiff ; 1879 TDM 140 Guyenot
P. : La mécanothérapie à
l’institut Zander d’Aix les Bains. Aix les bains : Imprimerie Gérente
; 1904 TDM 141 Régnier
L.R. La Mécanothérapie,
application du mouvement à la cure des maladies, J.P. Baillière
;1901 Paris
TDM 142 Wischnewetzky L. The mechanico-therapeutic institute. Contributions to mechanico-therapeutics and orthopedics Vol 1, N°1, New-York, Mechanico-therapeutic and orthopedic Zander, 1891 143 Hansson N., Ottosson A. Nobel price for physical therapy ? Rise,fall and revival of medico-mechanical institutes Phys Ther 2015 ; 95(8) : 1184-94
Quatrième partie : L’Histoire tortueuse du massage dit suédois
Pehr Henrik Ling est souvent, à tort, crédité de l’invention du massage suédois. Cette confusion historique courante est toujours présente de nos jours. Les ouvrages consacrés au massage au cours du XIXème siècle donnent Ling comme pionnier de la gymnastique et du massage suédois. Par exemple, Axel V. Grafstrom 144 le qualifiait de « père de la mécanothérapie ». Nellie Elizabeth Macafee [1873-1954]145 ne tarit pas d’éloges sur l’ensemble du « système Ling ». Il faut attendre les travaux de Patricia Benjamin en 1986, à travers son analyse des travaux de Ling, elle s’aperçoit que le Français n’est pas utilisé pour dénommer les manœuvres. L’utilisation des mots français « effleurage », « pétrissage », « tapotement », « friction », toujours universellement admis par les masseurs, a été introduite par Johann Georg Mezger146 [Fig.8]. Latson147, dès 1904, écrivait que le mouvement de renouveau scientifique du massage s’était installé simultanément en France, en Hollande et en Allemagne. Donc, en Suède, comme l’écrit Arvid Kellgren148, les manipulations du massage ne sont qu’une petite part des techniques passives du système de Ling. En Suède, le terme « massage suédois » n'est pas employé. Le massage dit suédois a été codifié, à partir de 1868, par le médecin néerlandais Johann Georg Mezger (1838-1909). Comme Ling, Mezger pratiquait la gymnastique, régulièrement, à la Gymnastics Institution du Westermarkt à Amsterdam. La Gymnastics Institution est réputée pour ses avancées médicales dans le traitement de la scoliose et d'autres malformations
144 Grafstrom A. V. A Text Book of Mechano-Therapy (Massage And Medical Gymnastics) New-York : O.M.Foegri & Co ; 1898 145 Mcafee N.E. Massage : An Elementary Textbook For Nurses Pittsburgh : Reed & Witting Co ; 1917 146 Calvert R.N. The history of massage An illustrated survey from around the world Healing Arts Press : Rochester ; 2002 147 Latson W.R. Common disorders with rational methods of treatment the Health Culture Company New-York 1904 148 Kellgren A. The technic of Ling’s system of manual treatment Edinburg & London : Y.J. Pentland ; 1890
squelettiques. Mezger était réputé pour son talent de gymnaste et pour sa connaissance de la physiologie. Le Docteur Justus Lodewijk Dusseau (1824-1887) l’encourage à étudier la médecine149. Il suit ce conseil en intégrant l'Université de Leiden. En 1868, il passe son examen de doctorat et rédige une thèse de 47 pages intitulée "De Behandeling van distorio pedis met fricties" (Traitement de l’entorse de cheville par frictions). Elle servira de base thérapeutique au massage dit suédois. Elle contient de longues citations en Français de la Gymnastique médicale et chirurgicale de Tissot 150 ou de la communication de Girard [1770-1852] à la séance de l’Académie de Médecine du 9 novembre 1858.
Figure 8 :
Portrait de Johann Georg Mezger
149 Terlouw T. Roots of physical medicine, physical therapy, and mechanotherapy in the Nederlands in the 19th century : a disputed area within the healcare domain J Man Manipul Ther 2007 ; (15)2 : 23-41 150 Tissot
C.-J. Gymnastique médicinale et
chirurgicale, ou essai sur l'utilité du mouvement, ou des
différents exercices du corps, et du repos dans la cure des
maladies Paris : Bastien ; 1780 TDM
Mezger se sert de ses connaissances médicales pour mettre au point, avec les techniques françaises de massage, un système de cinq manœuvres thérapeutiques, encore utilisées aujourd'hui, pour traiter les patients. Normalement, les entorses de cheville guérissent spontanément au repos, mais parfois arrivent des complications comme les causalgies (appelées maintenant syndrome douloureux régional complexe). Le repos est aussi préconisé pour ces complications, mais Mezger s’oppose au traitement passif. Il devient assistant du professeur de médecine Jan van Geuns (1808-1880). L'approche active de Mezger est mise en doute par ses collègues, mais il attire l'attention de la presse et du grand public. En 1870, Mezger fonde une clinique à l'hôtel Amstel à Amsterdam [Fig.9]. Cet hôtel trop grand et trop coûteux voit ainsi ses problèmes financiers soulagés par cette création.
Figure
9 : Plaque commémorative apposée sur un mur
de la piscine de l’hôtel Amstel © foto BMBeeld 2017 En effet, la clinique de Mezger attire les familles royales, princières et des patients fortunés de toute l'Europe. Mezger ne va pas consulter le patient, fut-il roi, c’est le patient qui vient à lui. Une seule exception est faite pour le Pape. Parfois, les revenus de l’hôtel de luxe doivent attendre. En effet, Mezger défend aussi le principe d’une priorité pour les agriculteurs afin de leur permettre de retourner au travail rapide-
ment. Ainsi, il traite les pauvres de la région gratuitement par contre l'élite doit payer et se déplacer à Amsterdam. Des ouvrages chinois ont été traduits en Français en particulier par le Père Amiot (1718-1793), auteur avec d’autres jésuites missionnaires à Pékin d’un ensemble de 15 volumes151. Le tome 4 traite du Cong-Fou (ou Kung-Fu ou Kong-Fu) à la fois massage et gymnastique. Cet ouvrage aurait inspiré Ling. Le Français depuis le XVIIIème siècle est la langue internationale. Mezger devait le parler compte tenu des longues citations françaises de sa thèse et ce devait être le moyen de converser avec ses patients venus de toute l’Europe. Par rapport à Ling, le statut de médecin de Mezger, ses succès thérapeutiques (en particulier la blessure de la hanche de Gustav V de Suède) lui permettent de s’imposer pour promouvoir le massage d’un point de vue médical et scientifique. Ainsi, le massage dit suédois serait donc la synthèse de techniques manuelles avec une terminologie française, utilisées et codifiées par un médecin hollandais.
151 Amiot
J. Mémoires concernant l’histoire,
les sciences, les arts, les mœurs et les usages des Chinois Tome
4 Paris : Nyon ; 1779
Un pléonasme pourrait se voir en ajoutant « manuel » à massage. Il n’en est rien puisque « massage » n’est pas, étymologiquement, lié à « main ». C’est au pire une redondance, quoique l’existence du massage podal n’en fait seulement qu’une précision sur le mode d’action.
Figure 10 : Massage
podal d’après une édition
de 1595 du Canon d’Avicenne, Déjà
représenté dans le Canon d’Avicenne TDM
152 Abu ‘Ali al-Husayn ibn ‘Abd Allah ibn Sina dit Avicenne Avicennæ Arabum Médicorum Principis Canon Medicinæ, d’après la traduction latine de Gérard de Crémone Venise : Juntas ; 1595
Figure 11 : Carte postale ancienne de Géorgie
montrant un massage
podal
Marcireau153 nous indique
qu’il pouvait se pratiquer aussi dans un environnement plus fruste,
car à « l’époque coloniale, les porteurs
qui fournissaient une longue marche avec des fardeaux…, arrivés
à l’étape très fatigués, se piétinaient
le dos entre eux. » La revue Illustrated London News
153 Marcireau
J. La médecine physique secrets
d’hier, techniques d’aujourd’hui Paris : Le courrier du Livre ;
1965 TDM
Figure 12 : Ce n’est pas un supplice mais un traitement par
massage podal
en Ouganda
5.1 Les différentes manœuvres
« Le massage a ses règles et ses principes. Par eux, il est devenu un agent puissant en thérapeutique et en hygiène » 154 Le massage dit suédois utilise des mouvements longs et fluides, souvent en direction du cœur. Ainsi les 5 techniques de base du massage dit suédois : L'Effleurage consiste en balayages lents et glissés, ils permettent au praticien d’identifier les tensions musculaires et au patient de commencer à se détendre. Le Pétrissage est constitué de pressions, compressions, malaxages des muscles. Le pétrissage est utilisé pour « chauffer » profondément les muscles et améliorer la circulation. Il est considéré comme débarrassant le muscle et les tissus nerveux des « toxines ».
154 Estradère
J. Du massage, son historique, ses manipulations,
ses effets thérapeutiques. Paris Adrien Delahaye ; 1863 TDM
Les frictions sont des frottements en mouvements fermes, profonds et circulaires. Le but de cette technique est de faire céder l'hypertonicité ou les "nœuds". Les frictions s’appliquent sur une ou toutes les parties du corps, avec plus ou moins de force, plus ou moins de rapidité. Les frictions sont dites sèches ou humides, en fonction de l’utilisation ou non d’un corps gras ou d’un principe médicamenteux, comme huiles, liniments, onguents, baumes, pommade, etc. Après avoir travaillé profondément les muscles, il faut les soulager avec des mouvements plus légers. Les deux dernières techniques se composent de tapotements (percussions) et de vibrations. Les Tapotements sont des mouvements de percussions à mains ouvertes, ou fermées ou pressions alternatives légères. Le tapotement permet de relâcher le muscle après un travail profond. Les Vibrations consistent à « secouer », ou faire onduler, vibrer des muscles spécifiques. Les Vibrations stimulent la circulation sanguine et détendent le patient.
Estradère155 a proposé un tableau (Tab.I) qui montre l’articulation des techniques de base avec des techniques détaillées plus finement. Un langage imagé, des subtilités dans le détail des manœuvres sont apparues. Ces variantes des techniques de base ont progressivement disparu au fil du temps. La pratique de ce massage se fait avec ou sans huile, crème ou lotion. Estradère étant l’auteur de ce tableau, les descriptions des manœuvres y apparaissant lui sont empruntées
5.1.1 L’onction« L'onction est toujours humide, elle a pour but d'étaler avec douceur un principe médicamenteux sur une ou plusieurs parties du corps. L'onction ne fait pas, à
155 Estradère
J. Du massage, son historique, ses manipulations,
ses effets thérapeutiques. Paris Adrien Delahaye ; 1863 TDM
proprement parler, partie des manœuvres classées parmi les frictions, puisque celles-ci réveillent l'idée d'un frottement ; mais …elle est souvent prélude de la friction … »156
Tableau I : Les manœuvres de massage d’après Estradère [Note CFDRM page 65 Article III]
156 Ibid
5.1.2 Les frictions doucesEstradère emprunte à Oribase, médecin grec du IVème siècle, le critère visuel d’une friction douce à modérée. Il ne faut pas que la peau dépasse une « rougeur fleurie ». Les passes vont du visage aux extrémités. Il s’agit de « l’application de la pulpe des doigts des deux mains à la partie médiane du front pour… les faire glisser doucement, légèrement de chaque côté du front, en descendant sur les tempes, les paupières, les joues, sur les parties latérales du cou, les épaules et la racine du bras jusqu’aux extrémités des doigts ; puis, abandonnant brusquement les parties touchées on réapplique les doigts sur le front … ». L’on redescend soit jusqu’aux doigts comme précédemment ou bien le long de la paroi antérieure du tronc, de chaque côté, jusqu’aux pieds. Les frôlements sont « des mouvements lents de va-et-vient allant de la périphérie au centre et du centre vers la périphérie ; ils sont faits avec la pulpe des doigts de l’une ou des deux mains, accompagnées d’une pression modérée. » Les attouchements se confondent avec les frictions douces.
5.1.3 Les frictions moyennes ou rudesLes frictions moyennes ou rudes sont constituées de pressions plus ou moins fortes et plus ou moins prolongées. Elles sont dites rectilignes si la main se déplace en ligne droite. Elles sont anguleuses si la main ne reproduit pas la direction du premier va-et-vient. Si la main se déplace, entre les deux extrémités de la zone à masser, en parcourant un demi ou les trois quarts d’un cercle, les frictions sont dites en spirale. Elles sont courbes excentriques puis concentriques, si en partant du centre de la zone à masser, la main décrit des circonférences de plus en plus grandes jusqu’à la périphérie puis des cercles de plus en plus petits jusqu’au point de départ.
Les pressions se font, soit avec l’extrémité des doigts, soit avec la paume entière. En fonction de l’intensité de la force mise en œuvre, elles sont douces à modérées ou fortes. Pour Estradère157, agacements et chatouillements ont été employés plus dans un but lascif que pour un massage hygiénique ou thérapeutique. Il réserve les titillations à l’appareil génito-urinaire. Le taxis est une manœuvre de pression méthodique destinée à refouler les hernies pour les réduire.
5.1.5 Les pressions fortesElles se subdivisent en pétrissage, malaxation, froissement, pincement, foulage et sciage. Le pétrissage consiste à appliquer, sur les masses charnues, les mains aux doigts joints ou écartés et à les faire ramper comme une chenille avec une pression plus ou moins forte. La malaxation diffère du pétrissage au moment de l’étape préparatoire. La main est, d’abord, posée à plat avec plus ou moins de force, les doigts se fléchissent secondairement pour pratiquer le pétrissage. Le froissement est un pétrissage superficiel qui n’intéresse que le tissu cutané et sous-cutané. Le pincements est une pression pollici-digitale à deux ou trois doigts qui ne doit pas être trop forte pour ne pas entraîner de déchirure tissulaire. Pour le foulage les deux mains opposées roulent le segment de membre du centre vers la périphérie et inversement en se déplaçant le long du segment de membre. Le sciage est une pression avec le bord ulnaire de la main pratiquant un va-et-vient analogue au mouvement d’une scie.
157 Ibid
5.1.6 Les percussionsElles consistent à frapper la zone choisie, subitement, de façon intermittente, avec une force déterminée. Elles s’exercent avec la main ou des instruments divers. La force des percussions va toujours croissante de douce au début elle peut devenir graduellement forte en fonction de l’accoutumance du patient. Elles se subdivisent en hachures, claquements, vibrations pointées ou profondes et les percussions à proprement parler. Les hachures se pratiquent uniquement avec une main ou les deux alternativement. La main frappe avec le bord ulnaire et le 5ème doigt. Les doigts peuvent être réunis ou écartés. Pour les claquements le masseur utilise la paume de la main, doigts étendus modérément ce qui donne à la main une forme de cuillère. Comme les hachures les mains peuvent percuter la peau en alternance. Les vibrations pointées ou pointillages se font avec le bout des doigts réunis en cercle plus ou moins grand. Les vibrations profondes se font poing fermé en frappant avec le bord ulnaire ou la face dorsale des phalanges. Les percussions à proprement parler ne sont qu’instrumentales. L’instrument le plus couramment utilisé est la palette (cf. 6.3.1.6.). Celles-ci frappent avec une rapidité et une intensité plus ou moins importantes. La brosse (cf. 6.3.1.2.), le gant (cf. 6.3.1.3.), la roulette (cf. 6.3.1.5.) ou le faisceau de branches (cf. 6.3.1.7.) peuvent remplacer la palette. L’utilisation de ce faisceau de branches est la base de la flagellation.
5.2 ÉvolutionQuarante-cinq ans plus tard, en 1908, [Note CFDRM 4eme ed. mais dans la 1ère de 1894 le tableau existe déjà page 59, voir tableau des mouvements] Berne158 propose, lui aussi, un tableau des manœuvres de massage. Malheureusement il ne les explicite pas toutes. Comme évoqué précédemment certaines ont disparu. Pour Berne, l’effleurage consiste à promener la face palmaire de la main sur la peau en va-et-vient dans un seul sens, c’est à dire dans le sens centripète, avec une lé-
158 Berne
G. Le massage manuel théorique
et pratique, Paris : Rueff et Cie ; 1894
TDM
gère pression pour une action superficielle. Plus l’action devra être profonde, plus la pression sera forte. Le pétrissage est pratiqué avec la face palmaire des mains et la pulpe des doigts. Elles exercent des pressions alternatives sur les parties molles, jamais sur des régions pourvues d’artères, de veines, de nerfs et de ganglions.
Tableau II : Les manœuvres de massage d’après Berne
Les pincements sont une variété de pétrissage. Ils s’exercent avec la pulpe des doigts. Ils peuvent être faibles ou forts et intéressent une zone bien délimitée.
Les malaxations sont une autre variété de pétrissage. Elles se pratiquent avec la paume et concernent une région plus étendue que les pincements. Les pressions se pratiquent, soit avec la pulpe des doigts, soit avec la paume. Elles peuvent être douces ou fortes. Elles peuvent être rectilignes, elliptiques, ou spiroïdes et sont destinées aux lésions superficielles ou récentes. Pour les lésions anciennes ou profondes les pressions seront fortes et pourront aller jusqu’au « froissement », voire au « foulage » si elles sont très anciennes ou très profondes. Le talon de la main, le poing, le pouce, la pointe de l’index peuvent être utilisés pour ces différents types de pressions. Berne présente les percussions uniquement sous la forme d’un tableau. Cette présentation diffère peu de celle d’Estradère.
Les manœuvres décrites à 45 ans d’intervalle diffèrent très peu et vont surtout vers une simplification. Les cinq techniques de base du massage dit suédois (effleurage, pétrissage, friction, tapotement ou percussion et vibration) sont préservées.
Tous les auteurs s’accordent pour reconnaître que rien ne remplacera la main, que la main douée d’un sens du toucher exercé est le meilleur et le plus simple des instruments159, le seul capable de s’adapter à toutes les parties du corps, le seul capable de doser la force exercée. « Les doigts, le poing, le tranchant de la main, l’avant-bras et le bras agissent de mille manières différentes que l’on peut encore multiplier à l’infini à l’aide d’un second facteur : la gradation de la force, savamment dosée… »160
6.2 Le meilleur instrument, mais … !Parfois très simples, parfois élaborés voire complexes, il existe pendant la période considérée une multitude d’inventions destinés à suppléer la main, « inventions faites beaucoup plus pour soulager le praticien que pour venir en aide au malade »161. Ces instruments permettent de rendre certaines manœuvres moins pénibles pour le masseur et (peut-être) plus efficaces pour le patient. Certains ont été spécialement conçus pour permettre aux patients eux-mêmes de se masser.
6.3 Proposition de classification des instrumentsAu départ simple prolongement de la main, afin de faciliter ou améliorer l’efficacité du geste, ces instruments se sont complexifiés au fil du temps. En partant des manœuvres de massage, des classifications de ces instruments ont été parfois tentées. Dans ce travail une classification originale est proposée, en partant, cette fois, des caractéristiques des instruments. Ainsi :
159 Petit
L. Le massage
par le médecin, physiologie, manuel opératoire, indications, Paris : Alexandre Coccoz ; 1885 TDM 160
Schreiber J. Traité
pratique de massage et de gymnastique médicale, Paris : Octave Doin ; 1884 TDM ***
* 161 Laisné
N. Du massage,
des frictions et manipulations appliquées à la guérison
de quelques maladies, Paris : Victor Masson
et fils ; 1868 ***
*
Les instruments simples regroupent des objets du quotidien ou empruntés à la nature ou de conception très simple, devenant instrument particulier dans la main du masseur. Les instruments élaborés mettent en jeu des mécanismes plus ou moins complexes dans leur fonctionnement. Ils utilisent des matériaux nécessitant une élaboration industrielle. Les instruments de massage induisant une électrisation simultanée se subdivisent en deux catégories : les instruments dont la conception met en jeu un mécanisme permettant de créer un courant ou un champ électromagnétique lors de leur déplacement, les instruments reliés à une pile dont le courant est transmis au patient ou servant à créer un champ électromagnétique. Les instruments de massage vibratoire se subdivisent en instruments manuels actionnés ou non par une manivelle, instruments à ressort, instruments fonctionnant avec un fluide sous pression, instruments de massage vibratoire électriques portatifs ou non. Les instruments dédiés à un organe ou une pathologie, leur conception peut les placer dans l’une ou l’autre des catégories précédentes mais ils ont une destination spécifique. Les machines à masser : mues par le courant électrique ou une machine à vapeur, la taille de ces appareils interdit toute utilisation manuelle, seuls des réglages sont possibles pour une adaptation au patient.
Des auteurs comme Brousses162 décrivent également le massage électrique. Il s’agit d’un massage manuel mais avec le port par le masseur de bracelets métalliques ouverts recouverts de peau de chamois et resserrés par un lacet. Ils sont reliés, par des câbles électriques d’au moins trois mètres de long, à un appareil produisant du courant faradique. La peau de chamois des bracelets et les mains du masseur doivent être imbibées d’une solution salée. Lorsque les deux mains sont en contact avec le patient, le courant s’établit, la peau du patient frissonne, les muscles sous-jacents entrent en contraction. Le masseur perçoit les mêmes impressions, les muscles de ses avant-bras se contractent. L’intensité du courant varie en fonction de la surface des mains en contact avec la peau. Ainsi, plus la surface est petite, plus le courant est intense. Pour Brousses163, « ce procédé … ne saurait avoir que la valeur du massage simple, suivi ou précédé d’électrisation faradique » et « il s’agit plutôt là d’une petite mise en scène qui impressionne … le malade ». Le massage électrique ne sera donc pas retenu dans les techniques de massage instrumental. Les massages associés à la balnéothérapie, l’hydrothérapie, la crénothérapie nécessitent également une multitude de tuyauteries souples ou rigides, des réservoirs, des mélangeurs, de la robinetterie, des manomètres, des buses, des pommes de douche [Fig.13]. Figure 13 : Carte postale
ancienne montrant l’installation nécessaire pour amener l’eau
thermale d’Aix
les Bains dans la salle de douche-massage
162 J.
Brousses Manuel technique de massage,
Paris : Masson & Cie ; 1920 [Note
CFDRM probablement la 5eme
édition, la 1ère 1896 TDM ***
* 163 Ibid.
Ces appareils ne sont pas, pour autant, des instruments de massage, ils ne font qu’amener, au patient, l’eau à la température choisie et à sécuriser l’installation. Cela reste un massage simple avec irrigation de la peau. Le massage sous eau, quelle que soit son origine, sera donc exclu du massage instrumental [Fig.14].
Figure 14 : Carte postale
ancienne montrant bien qu’en hydrothérapie, balnéothérapie ou crénothérapie, le massage
reste un massage
standard 6.3.1 Les instruments simplesCe sont donc des instruments du quotidien ou empruntés à la nature et façonnés pour un usage particulier. Cecil164, Deville165 ou Estradère166 citent et décrivent les plus simples comme des brosses, des gants, le strigile ou raclette, des éponges, la roulette, la palette ou férule ou tapette ou battoir.
6.3.1.1 Les instruments de l’Admiral HenryEn Angleterre, au tout début de la période considérée, l’Admiral Henry Ravelden, dit Admiral Henry, est un personnage incontournable. En 1786, il regagne le Kent
164 Cecil T. Massage sèche London : Simpkin, Marshall & Co ; 1888 165 Deville
E. Considérations sur le massage
et son application dans l'entorse Thèse Médecine Strasbourg
: Silbermann ; 1864 TDM 166 Estradère J. Du massage, son historique, ses manipulations, ses effets thérapeutiques Paris : Adrien Delahaye ; 1863
après la défaite anglaise lors de la guerre d’Indépendance des États Unis. Dès 1787, il commence ses automassages. Autodidacte, il en est l’inventeur, l’expérimentateur et le bénéficiaire. Pour lui, tous les maux viennent d’un déficit de vascularisation et les vaisseaux, les nerfs, les tendons doivent conserver leur mobilité167. Pour cela, il a utilisé tout d’abord des instruments de bois, mais ils entraînaient des excoriations cutanées. Il les remplaça par des instruments en os, comme des côtes de bovins ou d’ovins. Il prenait la précaution de les faire bouillir pour les dégraisser au maximum, puis il les façonnait à la lime. Il utilisait également un flacon de verre comme rouleau pour les cuisses et des instruments façonnés avec des manches de brosse à dents pour la bouche [Fig.15]. Figure
15 : Les instruments de l’Admiral
Henry
(3) battoir lesté de plomb à sa partie centrale et recouvert de cuir, (4) instruments en os, les tubérosités naturelles sont conservées, d’autres façonnées à la lime et servent à crocheter les tendons, (5) petits instruments en os pour la bouche.
En 1810, il complète sa panoplie avec une cuillère en bois et un marteau de fer, recouvert de liège et de cuir [Fig.16].
167 Johnson W. The anatriptic art : a history of the art termed anatripsis by Hippocrates, tripsis by Galen, frictio by Celsus, manipulation by Beveridge, and medical rubbing in ordinary language, from the earliest times to the present day : followed by an account of its virtues in the cure of disease and maintenance of health, with illustrative cases London : Simpkin, Marshall, & Co ; 1866
Figure 16 : Les instruments
de l’Admiral Henry, le marteau de fer dont la tête est recouverte
de liège et emballée dans un morceau de cuir et la
cuillère de bois pour battre la plante
des pieds et les talons, Il soigna ainsi, ses rhumatismes des genoux, ses crises de goutte des doigts, une cataracte de l’œil gauche et divers maux allant des engelures jusqu’à ce que l’on dénomme, maintenant, sarcopénie. Il vécut jusqu’à plus de 100 ans et pouvait, à plus de 90 ans, marcher 25 miles (plus de 40km) par jour.
6.3.1.2 Les brossesLes brosse de massage sont des brosses ordinaires avec des poils de dureté différente (chiendent, crins) pour réaliser des frictions plus ou moins fortes.
6.3.1.3 Les gantsLes gants sont en réalité des moufles. Ce sont des sacs de tissu munis d’un cordon pour les fixer au poignet, avec un compartiment pour les quatre doigts longs et un pour le pouce. La face palmaire est recouverte d’un tissu de poils de chameau 168 ou de peau de chamois169. Le tissu en poils de chameau remplace la brosse en plus doux. Par contre, la peau de chamois et la main se moulent sur le galbe cutané afin d’effectuer une friction plus douce et plus uniforme. Pour les frictions sèches ou humides, existent encore le gant de crin avec un tricotage simple ou double et le gant de laine [Fig.17].
168 Ibid. 169 Cecil T. Massage sèche London : Simpkin : Marshall & Co ; 1888
Figure 17 : gants
de crin double tricotage, à gauche
et gant de laine à droite
Gant et brosse sont parfois combinés avec ce « gant-brosse » du catalogue Natton170 [Fig.18] proposé avec ou sans pouce en flanelle ou en toile. La flanelle est utilisée pour les massages avec les liniments et les onguents, la laine avec l’alcool ou l’eau de Cologne, le crin pour les frictions sèches.
Figure 18 : Gant brosse
sans pouce du catalogue Natton
170 Natton Instruments et appareils de l’art médical Paris : Imp Grandremy ; circa 1900
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