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Retranscription de l'ouvrage de 1672
en vieux françois

Discours des bains et antiques exercitations grecques et romaines
Chez André de Hoogenhuyse Imprimeur de la ville 1672

Par Guillaume Du Choul, traduction bénévole : Alain Cabello pour le CFDRM. La lecture de ces ouvrages anciens n'étant pas aisée, des fautes d'orthographes ont pu se glisser. Les erreurs, les manquement du livres n'ont volontairement pas été corrigées. Chaque numéro de feuillet contient un lien hypertexte vers la version d'origine qui vous permet de naviguer avec aisance mais aussi de voir le scan de la BNF, de le consulter sur place ou de passer à la bibliothèque du CFDRM. Il est naturel de souhaiter laisser les ouvrages retranscrit, le plus possible de leur jus et intervenir sur la sémantique que lorsque cela s'avère nécessaire à la compréhension. Les scans de textes en veux français sont toujours très mauvais et donnent des résultats insatisfaisants pour la recherche.
Nous vous épargnerons la police de caractère façon moyen-âge qui ne ferait que compliquer le bonheur d'une telle lecture. Sur le lien suivant nous vous donnons quelques indications pour lire le vieux français
Tabeau des massages de Berne et Dujardin.
Le mode de pagination, comme il été classique de le voir à cette époque, procède par la numérotation des feuilles et non des pages comme nous le connaissons aujourd'hui. Ainsi, seules les pages de droites comportent un numéro pour son recto comme pour son verso. Voir notre petite histoire du livre
Tabeau des massages de Berne et Dujardin.

 

 

 

Des bains et

antiques exercitations

grecques et rommaines


Dernier chapitre *


Recto de la feuille 2
Correspondance en français moderne
Correspondance exégétique 

AU ROY.

Sire, ces jours passes estant en vostre royale maison de Fontainebleau, je me pri à regarder ce, qui a mis souventes fois les espris des bons Architectes en admiration : et entre les autres choses, vostre galerie, et les personnages qui y sont, faicts par telle diligence, et fi bien reires du naturel, qui à les bien voir l'on penseroyt que ce fust la nature mesme. D'avantage, fi la paincture est belle, la decoration du stuc n'est pas moindre, pour raison de ses fruicts, estans plus plaisans que les naturels : d'autant que ceux-cy se depouillent de leur fleurs, et, en changeant leur couleur, s'envieillissent et laissent leur beaute : et ceux-là monstrent une primevere perpetuelle, et les fleurs immortelles de sorte que ceux, qui s'en approchent, cuidants recevoir l'odeur suave des fleurs et des fruicts, reçoyvent la senteur par grand risee. Là ne se treuve rien d'affecte ny de trop , ny choses que l'on puisse reprendre. Quant à la doreure, le peinctre en a mis a suffisance, sans superfluite. Ce qui enrichit le lambris par si grande grâce, que l'on jugeroyt que ce fust un Ciel accoustré de ses estoiles : avec certains espaces tellement distans de l'un a l'autre, qu'ils font monstrer que l'or n'y demeure point otieux, mais y est mis pour rendre le lieu (quand le soleil se jette dedans) plus delectable.

* Ce qu'il appelle Dernier chapitre est en fait un livre qui vient en clôture de deux autres sur la numismatique et l'art militaire romain.

Verso de la feuille 2
Correspondance en français moderne
Correspondance exégétique
Outre toutes ces choses là, si nous voulons parler de son regard, il est decouvert, sans qu'il soyt empesche d'aucune part, et si bien dispose, que la maison en est plus belle, plus elegante, et digne de plus grand louange. Pource que fur vostre verger royal (qui est accoustre d'ambulations spatieuses pour se proumener) et sur le grand jardin, se voyt l'estang, par les bors garni d'une saussayes, qui presente aux regardans une grâce de verdure si grande, que l'on jugeroyt estre une demeurance divine, et que les Dieux seroyent venus choisir ce lieu, pour inviter les nymphes à la musique. De quoy ne se faut ebahir. Car le regard des choses belles a eu grand force et pouvoir d'attraire à soy le cueur des Dieux. Et entre les autres singularités de vostre bastiment, voz thermes, Sire, et vos bains, sont faicts par telle diligence; et somptuosite, que, à les bien regarder, peuvent combattre la comparaison avecques ceux de M. Agrippe. Parquoy quand je suis venu à considerer combien de beaute pour le contentement de l'oeil, et d'utilite et proffit ilz apportoyent aux anciens pour la sante du corps : je me suis mis au devoir, suyvant vostre commandement, de vous en donner la cognoissance par la lecture de ce petit livre : que je vous present, accompaigne du vouloir tres humble du Bailly des Montaignes, vostre tres obeissant serviteur : qui vous supplie tres humblement de luy faire tant de faveur et de bien, que de le mettre au nombre de ceux que vous tenez en obeissante servitude aupres de vous.


Recto de la feuille 3
Correspondance en français moderne
Correspondance exégétique 

Des bains et

antiques exercitations

grecques et rommaines

Escrit par Guillaume du Choul, Gentilhomme Lyonnois, Conseillier du Roy, & Bally Information ouverte dans une nouvelle page des Montagnes du Dauphine Information ouverte dans une nouvelle page.

 

Pour avoir, Sire, la congnoissance du premier usage des bains, thermes, & gymnases ou se laverent jadis les anciens, l'on pourra sommairement voir par ce petit discours, ou abregé, ce que nous en lisons es Histoires Grecques & Latines. Chose, qui tousjours servira pour l'intelligence de l'antiquité sacro sainte. Il faut donc entendre pour le commencement, que les thermes publicques furent ordonnees aux anciens Grecs & Rõmains pour se laver, & pour la santé : comme furent les thermes Agrippiniénes, Neroniénes, Domitiénes, Antoniénes, & autres : la grandeur & magnificence desquelles se voyt par les ruines, qui sont à Romme, lesquelles povoyet estre cõparées à l'un de sept spectacles

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Correspondance en français moderne
Correspondance exégétique
du monde : tant elles estoyent construites avecques grad labeur, et prodigieuse depense, et enrichies d'une infinite de colomnes de marbre diferent, qui avoyent esté amenées des dernieres regions, et quasi de tout monde : de maniere que les montaignes, desquelles ont esté tirées ces grosses pierres, se plaignent encore aujourd'huy de la puissance des Rommains : et pleure encores la mer du grand fais, et de la charge qu'elle a portée. Toutefois devant Agrippa, Nero, Domitian, et Antonin, la chose estoyt bien venue jusques à tel poinct, que les gentilshommes Rommains les faisoyent edifier en leurs maisons par somptuosité singuliere : comme nous monstre Cicero en ses epistres à Térentia sa femme, et à Quintus son frere, quand il leur escrit, qu'ils donnent ordre que la cuve soyt en ses bains, et qu'ils le rendent certain en Asie (ou il estoyt Proconsul) de la diligence que l'on faisoyt a bien edifier ses bains en sa vile Arpinate. Depuis lequel temps semblable chose fut continuée : comme plus clairement nous ensigne Pline le jeune, en la description de sa vile Laurentine de laquelle, outre les autres structures & edifices, il loue le gymnase : & de ses bains la celle frigidaires, les baptisteres, l'unctuaire, l'Hypocauste Image, la piscine chaude, les zetes, le stibade, & l'heliocamine. Or, pource que tous ces noms sont tirés de la fontaine Grecque, je me mettray au devoir de les declaire particulierement, & de monstrer ce qu'a tiré souventes fois les gens doctes en admiration : c'est qu'avecques les bains se faisoyent les jeux & exercitations : & si estoyent entremeflées avecques les bains, les disputations des gens doctes & vertueux. Je ne doute pas que l'on ne le trouve estrãge : mais si fut il toutefois observé & gardé des anciés : comme Pollio (Vitruve) l'escrit

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Correspondance exégétique
au cinquiéme de son Architecture, & comme encores fait Joseph, parlant du Roy Hérodes quand il dit qu'il avoyt edifie à Tripoli & à Damus bains publiques (qui furent nommés gymnases) & à Bibli exedre, sores & portiques. Encores Herodian au premier de ses liures, recite que Cléander (serf premierement de Commode, par lequel il fut poussé si haut, qu'il le feit Capitaine de sa garde, & luy donna la superintendance de la gendarmerie) des grans richesses qu'il avoyt amassé, feit bastir un gymnase, ou escole fort magnifique, pour exerciter un chacun à la luitte, & aux autres armes : & des bains qu'il donna au peuple, ou l'on pouvoyt aler se laves sans rien payer. Ainsi donc, pour monstrer que les Philosophes aloyent aux gymnases pour disputer, escoutons Vitruve, qui dit, parlant d'Aristippus, philosophe Socratique, jetté par fortune de mer au port de Rhodes, qu'apres qu'il eut veu des figures de Géométrie, commença à crier à ses compagnons, qu'ils devoyent esperer quelque bonne chose, pource qu'il avoyt veu la trace des hommes : & soudainement s'en ala à la ville de Rhodes, & tout droit au gymnase : ou apres qu'il eut disputer en Philosophie, luy furent faicts plusieurs presents. A ce propos servet les paroles de Cicero, fecond de l'Orateur : qui escrit que les auditeurs du Philosophe, aux gymnases, estoyent  trop plus aises de veoir le disque que le Philosophe : lequel, s'il commençoyt à disputer de choses graves & ardues, ils le laissoyet, pour s'aler oindre, au milieu de son oraison. Par ces mots, & par la sentence de ces Auteurs, facilement l'on pourra cõgnoistre que les gymnases furent en usage pour l'exercitation du corps & de l'esprit : & que les bains & gymnases furent une même chose : & que la disputation estoyt au

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Correspondance exégétique
nombre des autres exercitations, pour garder la bonne santé. Au demeurant nous eserions particulièrement les parties de noz thermes & bain, pour après suyure les exercitations  du gymnase, de la palestre, & des lieux necessaires, ou s'exercitoyent palestrites : & commencerons à l'Hypocauste Image : qui estoyt le lieu ou l'on faisoyt le feu pour echaufer estant aux pains, à la façon des fourneaux que l'on voyt encores pour les barbiers et teinturiers. La bouche se nommoyt Praefurnium, comme l'escrit Cato au livre de la chose rustique, quand il nous enseigne de quelle hauteur & largeur se doyt faire la fournaise de la chaux. Toute fois, pour savoir le nom de ces vases, ou pour l'usage des bains, l'eaue se gardoyt, le plus diligent de tous les Architectes, Vitruve, le nous enseigne, quand il escrit de ces bains la disposition, le lieu, la situation, & structure ; disant que par dessus l'Hypocauste il faut mettre trois vases d'airain : l'un nommé Caldaire, ou soyt l'ave chaude : l'eautre Tepidaire, pour l'eaue tiede : & le troisiéme Frigidaire, recevant l'eau froide, qui venoyt par le dessus des thermes tomber dedans une cuve de marbre : dont elle descendoyt per accord au vase Frigidaire, de l'Hypocauste au Tepidaire, & consequemment au Caldaire, comme plus clairement le nous montrera la figure cy-apres mise.

 

 

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Correspondance exégétique 

(Gravure d'un Hypocauste.Image)

 

 

 

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Toutefois Galien a divisé les bains en quatre lieux separés : desquels le premier estoyt l'Hypocauste : que Senecque nomme le sudatoire : par la chaleur duquel l'on provoquoyt la sueur : comme nous faisons en nos estuves d'aujourdhuy. Le second lieu estoyt le Lavacre, où estoyt la cuve, nommée Labrum : qui estoyt ordonnée pour laver tout le corps avecques l'eaue chaude. Le troisiéme servoyt pour se laver d'eaue froide : & au quatriéme ils abbatoyent la sueur, & nettoyoyent avecques les strigiles Dossier sur le strigile & esponges. Je cuide que l'eaue venoyt par tuyaux, des vases desquels à parlé Vitruve : & prenoyt dedans ces lieux l'eaue avecques les fontaines de bronze. Qui a fait dire audict Galien, au livre troisiéme, qu'il a fait pour garder la bonne santé, que le bain estoyt divisé en chaud, en temperé, & en froid : qui sont les trois vases desquels nous avons parlé ci-dessus. Et servoyent ces lieux anciénnement pour quatre choses. La premiere, pour nettoyer le corps : la seconde, pour la chaleur : l'autre, pour la santé : & la derniere, pour la volupté : comme dit Alexandrinus/Alexandre? : qui rejette cette derniere, disant qu'il faut prendre le bain pour se nettoyer, & pour la santé seulement. Le Baptistere se fouloyt edifier aux celles (c'est à dire, au lieu le plus secret de la maison) dont les unes estoyent chaudes, & les autres froides. Ce que monstre Pline ad Apollinarem, qui dit que le Baptistere grand, & spatieux, se trouvoyt en celle Frigidaire : & là les anciens se plongeoyent entierement pour se laver : dont est venu le nom de Baptistere, que nous avons en nos eglises : où, selon nostre religion Chretiéne, sont baptisés les enfants, & reçoyvent leurs noms, apres  qu'ils ont esté par trois immersions purgés. Parquoy ne sera point mauvais de monstrer la coutume

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des anciens à ceux, qui l'ont ignoré jusques à present, que, neuf jours apres qu'ils estoyent nés, on les nommoyt par leurs noms : & ce jour estoyt appelé Lustrique, comme Macrobe le tesmoigne, escrivant que les Rommains avoyent une Deesse de grande religion, qu'ils nommérent, pour le neufiéme jour de ceux qui estoyent nés Nundina, à cause des enfants, qui estoyent lustrés, & prenoyent leurs noms de ce jour là. La raison estoyt, suyvant l'opinion d'Aristote, pource que, devant le septiéme jour, les enfants demeurent exposés à plusieurs inconveniens : &, au contraire, la coustume des Athéniens, & quasi de toute la Gréce, estoyt d'imposer le nom à leurs enfants au dixiéme jour de leur nativité.
Les piscines au commencement furent lieux donnés pour tenir le poisson. Depuis la coutume vint que tous lieux natatoires, où l'on pouvoyt se baigner, estoyent nommés des anciens Piscines : &, combien que les Rommains les eussent en leurs thermes publiques, toutefois la piscine servoyt de Lavacre froid & chaud, aux maisons privees, pour nager, & pour se laver : comme nous congnoissons par Cicero : qui demandoyt en ses bains plus grande Piscine, où les bras en nageant ne se fussent point rencontrés : & l'Empereur Heliogabalus (ainsi que nous lisons en Lampridius) fut si dissolu, qu'il ne voulut oncques se laver ou nager en piscines, qu'elles ne fussent teinctes de safran, ou d'autre composition bien noble.
Les Zetes, comme l'on pourra congnoistre par le jeune Pline (qui les a nommées ses délices) estoyent lieux edifiés aux maisons pour la recreation de l'esprit, & plaisir du corps. Dont les unes estoyent carrées, les autres exagones, & octogones : c'est à savoir

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à six, & huit pants : de maniere que le soleil y battoyt temperément, depuis qu'il se leuoyt, jusque à ce qu'il se couchoyt, par le cours qu'il fait tout le jour : combien que, de la partie du midi, les Rommains y feissent mettre contrefenestres, pour temperer l'ardeur du soleil, jusques à ce qu'il s'en aloyt. Par ce moyen le lieu, bien architecté, estoyt orné triomphamment, plein de jour, & odorifere, comme une demeurance diuine : & là s'ebatoyent les anciens rommains avecques delices & plaisirs secrettement. Pource que le lieu estoyt secret & separé du bruit de la maison, accompaigné de plaisans & gracieux vergers, de portiques ou de galerie pour se promener. Des zetes, l'entree n'estoyt permise qu'aux Princes, ou bien au maistre de la maison, qui demeuroyt en ce lieu, accompaigné de sa femmes, de ses amis, de Gentilshommes & demoiselles : & fouuentefois les Princes vertueux y faisoyent venir  gens de sauoir, & de vertu pour parler de bonnes lettres, de la peinture, de l'architecture, & autres arts excellens. Par ces moyens jouissoyent les Rommains de la felicité de ce monde.
Les antiques eurent les stibades, ainsi nommés pour les herbes que les Grecs nommérent sibúdus : desquelles les anciens auoyent de coustume faire de petis licts de terre couuers de verdure, pour auoir l'ombre & pour repousser l'esté l'iniure du soleil, comme nous faisons encore aujourdhuy : &, au lieu qu'ils sont fait de bois à la façon de petites chambres ou cabinets couuert de vigne, de jasmin, de smilax, ou autre verdure, ils les edifioyent de marbre blanc enuironné d'ouurage topiaire, pour y manger non seulement auecques leurs amis, mais encores auecques leurs municipes, & estrangers en grande somptuosité de délice.

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Heliocaminus estoyt un  lieu incrusté & vouté, & totalement exposé au soleil : dont il receuoyt la chaleur du jour la plus vehemente :  & le seul non Grec nous fait congnoistre que c'est une fournaise du soleil.
Il se trouuoyt encores en ces bains le Spheristere, faict en forme ronde, commode pour le jeu de la paume, & autres diverses exercitations. En ce lieu (comme recite Tranquillus "Suétone") Vespasian l'Empereur ne faisoyt autre chose que de frotter ses membres, pour garder sa bonne santé. Les autres principales mansions des bains estoyent appelées des Grecs lhgróh.
L'Apodytaire estoyt un lieu ordonné pour se despoviller & déuetir, deuant que d'entrer aux bains : où se tenoyt un officier, nommé des anciens Capsaire : qui avoyt la charge de garder les robes & accoutrements de ceux qui venoyent de la palestre.

Au plus pres de l'Apodytaire estoyt l'Unctuaire, habitation amene & elegante : qui se trouuoyt pleine de delicates & prestigieuses unctions : qui estoyt garnie de deux entrées, pour receuoir ceux qui venoyent de la palestre.
La tierce mansion servoyt pour se lauer d'eaue froide (que les Grecs ont nommée lvtrós) & devoyt, sur tout, le lavacre froid auoir le regard sur boreas (que nous appelons le vent de bize) & fuir le soleil du midi  : &, tout au cõtraire, la lauation chaude (qui demandoyt un grãd Soleil & plus de chaleur) estoyt mise contre les vents de Nothus, Eurus, & Zephirus : & si estoyt accompaigné des lieux propices pour suer, qui estoyent fait de forme ronde, & que les Grecs ont nommés laponica, pour les Lacedemoniens, desquels l'on receuoyt à l'entree, par une alée, le chaud si suave & si doux, que les perfonnes n'estoyent point surprises ny suffoquées de la chaleur.
Aucuns ont voulu ajouter une quatrième demeu-

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rance aux thermes, appelée Escole, ample, & spatieuse pour receuoir ceux, qui estoyent vestus, & qui attendoyent es bains leurs familiers & compaignons. En ces thermes l'on trouuoyt des sieges pour se seoir & pour se reposer : les uns faits en forme d'hemicicle, & les autres quarrés, pour seruir les Rommains, qui prenoyent le soleil & l'ombre de matin & de soir, tout ainsi que la commodité le requeroyt. Le lieu, ordonné pour les bains, se trouuoyt triomphant, & l'habitation interieure pleine d'aménité & l'elegance, clere & resplendissante, & toutes les appartenances illustrées de lumiere & de grand iour, de portiques peins au frais, pour se pourmener, & propices pour se reiouir : qui passoyent de magnificence & de beauté, pour les coulonnes & peintures, toutes les autres habitations. Quand à la decoration du frontispice, il estoyt enrichi de deux statues de marbre, ou de bronze : dont l'une estoyt consacrée à Esculapius, & l'autre dediée à la Santé : lesquelles monstroyent une face elegante & splendide, que les Grecs ont nommée iuruqmiu, que nous disons forme venuste & bien proportionnée : qui monstre par destination des membres la chose belle auecques delectation. Les autres parties, necessaires pour la commodité des bains, sont assés congnues par ce que Vitruue en escrit au cinquiéme liure de son Architecture. Quant à la cuue, nommée Labrum, la semblance se voyt par celles, qui sont deuant la Rotunde de Romme (l'vne desquelles ie representeray ci-apres) & celle de porphire, qui est en l'eglise de S. Denys en France.

CVVE

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Emplacement d'une gravure de Labrum, édition de 1672.

Il demeure à veoir par figure les Strigiles (que nous pouons nommer des Estrilles à estuues) à ceux qui n'ont veu celuy que i'ay presenté à votre majesté (qui est faict selon la description d'Apulée, au commencement du liure second de ses Florides) & par celuy de bronze doré que j'ai entre mes mains, fort antique.

STRI

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Emplacement d'une gravure de Strigiles.


Et pource que ceux qui verront les strigiles, en pourroyent demander l'usage : il faut qu'ils entendent que les anciens Rommains les faisoyent porter aux bains par leurs pages, quand ils alloyent aux thermes, auec les guttes (comme l'on pourra veoir ci-apres) pour abbatre la sueur, au lieu que nous usons de couurechefs : & les faisoyet faire d'or, d'arget, & de bronze : cobien que Strabo, au quinziéme de sa Géographie, recite que les Indiens, entre les autres exercitations, avoyent coustume de se polir le corps avecques strigiles legéres d'ebéne. Les plus delicas des anciens Rõmains (come nous lisons en Pline) usérent d'esponges pour les strigiles : qu'ils faisoyent teindre en escarlatte, pour leur delices : & souuentefois les faisoyent blanches, par grande singularité.

HERVS

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Emplacement d'une gravure : romain et son laveur. Image

Guttus, ou le gutte, que nous avons veu ci-dessus, fut ainsi nommé, pource que la liqueur en descendoyt goutte à goutte. Les grans Princes & les plus nobles les avoyent de licorne, & la plus grande partie de voirre, ou de corne de buffle. De ce vase usérent les Rommains en leur bains, pour tenir les huiles odoriferans, desquels, apres  qu'ils estoyent lavés, ils se faisoyent oindre, vnir, & adoucir la chair : comme l'on pourra veoir par la figure, que j'ay emprunté de Fabius, aux simulacres qu'il a faits de la cité de Romme.

C

BAIN

Verso de la feuille 9
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Correspondance exégétique 

Emplacement d'une gravure pleine page :
scène de bain dans un Labrum.Image

 

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Les mixtions toutefois & compositions en furent differentes. Car les uns demandoyent les huiles composés de fleurs : comme le Rhodinum, qui estoyt de roses, & le Lirinum, des fleurs du lis : ou du Cyprus : qui a la fleur blanche & bien fort odoriférante. Il vient en plusieurs lieux mais en l'isle de Cypre passe d'odeur suave tous les autres. Les anciens eurent encor entre les huiles, le Baccarin : duquel parle Aristophane, l'herbe est nommee Baccar : qui porte une fleur de couleur de pourpre : dont la racine en quelque chose porte la senteur du cinnamome. Il s'en trouve assez en nostre France : lequel est appelé vulgairement Cabaret par transposition de lettres. Ils eurent aussi l'huile Gleucin & Myrrhin en grands delices. Le Gleucin se faisoyt de moust, que les Grecs appellent gleuc, combien que Columelle, au cinquantjéme chapitre de son treiziéme livre, le compose de simples odoriferant. Pline a mis cest huile entre les especes des artificiels, disant, qu'il est froid, au vint-&-troisieme livre de son histoire naturelle, ce qui est encore contre l'opinion de Theophraste & de Dioscoride. Le Myrrhin se composoyt de myrrhe, & désechoyt suffisamment. Nous avons perdu l'usage de telles compositions, pource que la myrrhe, que l'on apporte aujourdhuy d'Alexandrie est entierement contrefaicte & sophistiquée : & en vient bien peu de la vraye en France & en Italie, j'enten de celle que Dioscoride a laisse par escript, transparente comme la corne de beuf. Les autres huiles se faisoiyent des fueilles d'herbes : comme ceux qui estoyent de mariolaine, de lavande, & de la fleur de vigne sauvage : qui furent dicts Amaracinum, Nardinum, & Oenanthinum. Les autres se composoyent de la racine & escorce des

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arbres : comme le Cinnamominum : qui estoyt précieux & de grande despense, qui se faisoyt anciénement avecques l'huile de been, le bois du baume, nommé Xylabalsamum, & du squinanthe : qui est la fleur du jonc odoriferant, aromatizé, comme recite Dioscoride, avecques le cinnamome & le Carpobalsamum (qui est le fruict du baume) y ajoutant quatre fois autant de myrrhe que de cinnamome, & du miel autant qu'il suffisoyt, pour detremper le tout ensemble. Aujourdhuy feroyt chose bien difficile, & quasi impossible, de faire tel unguent. Car le vray cinnamome est du tout incongnu : comme disent ceux qui vont querir les espiceries jusques au Levant : & desia du temps des empereurs (qui estoyent obeîs partout le monde) estoyt rare & difficile à recouvrer. Pour le cinnamome l'on prend aujourdhuy la casse odoriferante (que nous appellons canelle) pour ajouter à la composition de nos unguens : &, quand Galien fit le theriaque pour M. Aurelius Antoninus, il ne se trouvoyt point ailleurs qu'au cabinet des Empereurs : qui le faisoyent garder bien clérement entre leurs pretieuses choses. Ledict Empereur fit monstrer à Galien plusieurs vases de bois remplis de cinnamome : lesquels avoyent esté mis en son palais : les uns du temps de Trajan, & les autres d'Adrian, qui adopta Antonnin Pie : lequel succeda à l'Empire, & recouvra du cinnamome frais : qui passayt  de bonté & de senteur tous les autres. Depuis, Commode l'Empereur (incommode à tout le monde) se souciant bien petit du cinnamome & du theriaque, laissa perdre tout ce qui estoyt demeuré de bon, & que les bon Empereurs, ses predecesseurs, avoyent amassé de long temps par grande singularité : de sorte que, Galien vint à composer le

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theriaque pour l'Empereur Severus, il fut contraint de prendre le plus viel cinnamome qu'il trouva de reste au palais desdits Empereurs : qui estoyt (ainsi comme il dit) fort foible de senteur & de force : & si ne passoyt pas trente ans qu'il avoyt esté aporté à Romme. Quant aux autres huiles, le Narcissin (qui se fait de la fleur de Narcissus, que les François nomment la fleur de Pasques) & l'Irin, de la racine du glaieul, se faisoyt au temps de Pline, bon en Pamphilie, mais  meilleur, plus suave, & l'Iris de Florence tienne aujourdhuy le premier lieu.
L'huile Rhodin à esté toujours le meilleur à Naples & a Capoüe, &, du temps des anciens, à Malthe : à cause de la bonté des roses, desquelles on fait aujourdhuy la meilleure conserve & la plus belle que l'on puisse trouver : & duquel, comme recite Possidonius usoyent les Carmaniens ponr reprimer les vapeurs du vin. Le Nardin se trouvoyt le meilleur à Rhodes, qui se composoyt d'huiles Omphacin, de been, bois de baume, fleur du jonc odorant, calame odorifére aromatisés avecques l'Amaracus (qui est la mariolaine) coste, amoine, nard, casse odorante, du fruit de baume & de myrrhe. Et ceux, qui le vouloyent rendre plus pretieux, y ajoutoyent du cinnamome : qui avoyt ja trente ans, au cabinet de Marcus Aurelius Antonius, pour luy faire sa theriaque : de laquelle il usoyt tous les jours. Car, à ce que dit Galien, il ne feut avoir la patience qu'il n'en prist deux mois  apres qu'il l'eu fait : &, à ce que recite Dion en la vie dudict Marc Aurele, il estoyt si sujet à maladie, qu'il ne prenoyt rien sur jour, outre ce medicament, qu'estoyt le theriaque : &, ne prenoyt pas tant ce pharmaque pour crain-

C3

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Correspondance exégétique
crainte qu'il eust d'estre empoisonné, que pource qu'il avoyt l'estomac debile. Il y à long teps que telle cõposition n'a esté vrayment faicte, pour avoir esté les noms de plusieurs simples corrompus par les Arabes. L'huile Balanin, que les Anciens ont ainsi nommé, se faisayt du gland unguentaire nommé des Grecs murszalanv.* Les Perfumeurs l'ont appelé huile de been : pource que le fruict a esté nommé des Arabes. Sa proprieté toutefois porte (combien qu'il soyt fort vieil) qu'il ne ransit point. Qui est la cause que lesdits Perfumeurs  s'en servent, pour incorporer leurs mixtions, qu'ils font pour perfumer gands, faire pommes de senteurs, & patenostres, avec le musc, ambre, & zybed, & autres senteurs odoriferentes. Ce gland s'apportoyt autrefois de la region Barbarique (qui est au jugement des doctes, l'Aethiopie en general, ou la Troglodytique partie d'icelle) & usoyent de la liqueur tirée de la chair de son fruict les Perfumeurs, comme recite Galien. Et n'est pas de merveille si le fruict, duquel se prend cest huile, a esté nommé des Anciens Gland unguentaire : pource  que sa liqueur est la plus propre & la plus frequentée es compositions de leurs unguens précieux & odoriferes. C'est grand'chose qu'en toutes les liqueurs unctueuses ne se treuve que l'huile de Been, qui ne soyt subiet à ransir : & pour sa vertu particulière, detrempent les unguentaires toutes leurs compositions odoriferentes en cest huile de Been : pouce qu'ils sont affeurés qu'elles se peuvent garder sans craindre l'injure du temps. L'Amaracin estoyt le meilleur en isle de Coo (que nous avons depuis nommee Langou) &, selon la diversité & proprieté de tous ces huiles, les Anciens en usérent en leurs bains, pour garder & entretenir leur bonne santé : &, à

* Retranscription grecque aléatoire.

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Correspondance exégétique
ce que nous lisons, ils se faisoyent frotter les sourcils & les cheveux, le col & la teste, d'huile de Serpolet (qui est autrement nommé Polliot) dict Serpyllinum, & les bras de celuy de Sisymbre (qui est mente aquatique) & de celuy de Cresson, & de l'Amaracin ou Mariolaine, les os & les nerfs. L'Amaracin estoyt le meilleur de tous principalement pour l'hyver, & pour ceux qui habitoyent es regions froides. Les plus delicas des Atheniens (comme recite Cephisodorus) se faisoyent oindre les pieds d'onguent : & telle estoyt la coustume en Athenes comme il le dit. Nous lisons que les Thoriciens, peuple d'Attique, se frottoyent les jambes depuis le genoil en bas, & jusques à l'extremité des pieds (*) les jouës & les mammelles, (*) : l'un des bras, (*) : les sourcils, & les cheveux, (*) : les genoils & le col, (*). De l'huile Baccarin (duquel nous avons parlé cy dessus) ont escrit plusieurs Comiques, & principalement Hipponax, quand il a dit (*), dont le sens est tel : Je me perfume le nez & visage du baccarin. Toutefois Aeschylus a mis la difference du baccarin aux autres onguents, disant ainsi : (*) : c'est à dire, le demande le baccarin & les perfums. Par resolution les Acoliens nommerent (*), les onguents, que les autres Grecs (*) : parce que la plus grand partie de la composition des onguents, se faisait à Smyrne : &, ce qu'ils nommerent Stacte, est faict de la seule myrrhe, comme dit Athenæus. Par ces compositions nous congnoisons la grande recommendation, où furent ces huiles à l'endroit des anciens Rommains : veu que les Italiens en ont gardé les noms & usage, jusque à ce jour : & outre ceux-cy, de l'huile Imperial, de l'huile de fleur d'Oranges, de Jasmin, de Benioin, & du Stirax : mais

* Termes en grecs non établit.

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principalement de l'huile Royale nomme des Grecs (*) dont usérent les Roys des Parthes, comme nous lisons en Pline : qui en escrit la composition, & de plusieurs, qui se vendent par les Myropoles & Unguentaires, que nous avons nommés Perfumeurs. Les montaignes de Perse portent des noix Persiques, desquelles l'on faisoyt l'huile pour le Roy, comme dit Amyntas. Et en Carmanie, (auteur Ctesias) estoyt composé l'huile Acanthin, duquel le Roy du païs se faisoyt frotter le corps. De l'huile qui a esté nommé des Grecs (*) a fait mention Theophrate au livre qu'il a fait des odeurs : lequel afferme qu'il se faisoyt des olives non encores meures, & amandes. Les autres compositions, seches & arides (que les Grecs ont nommées (*) servoyent, selon Pline, pour arrêter & secher la sueur de ceux, qui sortoyent des bains, pour apres se laver d'eaue froide. Je croy que ce peuvent estre poudres semblables à celles de violettes & de Cypre : dont l'on use encore aujourdhuy.
Toutes ces compositions liquides se faisoyent avecques huiles : &, d'autant que l'huile estoyt plus gras, elles estoyent meilleures & plus utiles. Qui fut cause que l'huile d'amande fut le plus propre & le plus estimé anciennement. En parlant des huiles, Dioscoride dit que ceux, qui se font sans y ajouster autre chose que ce que l'on prend du fruict des arbres, ou de la semence, sont nommés huiles, & tous les autres, unguent : qui sont composés d'huile, & d'autre matiere : comme les huiles Rosat, Sansucin, Amaracin, Melin, Telin, Eleatin, Oenanthin, Anetin, Crocin, Megalin, appelé des Grecs (*), comme dit Sosibius, & de l'unguent duquel a parlé Epilycus, dict Sagedes, & de plusieur sautres, que je passeray, n'ayans pas deliberé d'escrire en ce petit Traicté si grand nom-

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bre de compositions, & encore moins de parler des bains salés, sulphurés, alumineux, bitumineux, ferruginés, & plusieurs autres : & des composés avecques des plantes, & fleurs : ni de ceux qui sont faits pour restorer & remettre fus les personnes, qui sont consumées & extenuées par maladie, remettant ce demeurant aux Médecins. Ains j'ay voulu sommairement escrire de ceux, qui estoyent du temps des anciens Grecs, & Rommains : qui les frequentèrent pour conserver la santé, & pour obvier à plusieurs maladies. Car c'est un reméde singulier pour les gens de lettres, que le bain : si nous voulons croire Gallien, au troisiéme liure, qu'i la fait pour entretenir la bonne santé. Pour obvier à toutes ces grandes depenses, Athenæus recite que les Lacédémoniens chaçoyent les vendeurs de toutes ces delicates compositions : pource qu'ils perdoyent & consumoyent inutilement l'huile comme les teinturieres des laines, qui corrompoyent la blancheur : & Pline dit qu'il est certain que les Rommains n'en firent pas moins, apres la defaite du Roy Antiochus, & que l'Asie fut suppeditée, lannée, depuis que la cité de Romme fut fondée, cinq cens soixante cinq : &, alors que Publius Licinius Crassus, & L. Julius Cesar estoyent Censeur, fut faict un edict que personne ne vendist huiles & unguens exotiques : ainsi nommerent les estrangéres & peregrines compositions. Or, pour monstrer en quelle reputation estoyent, je reciteray, en passant, les paroles de l'Empereur Vespasian à un jeune adolescent, bien perfumé : qui le venoyt remercier d'un magistrat, dont il avoyt esté pourveu : auquel il dit, tout fasch : J'aimeroye mieux que tu sentisses les aux : faisant revo-

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quer les lettres de l'office, qu'il luy avoyt donné. En cela le sage Empereur fuyuoyt la mouche à miel : qui ne peut endurer la senteur, ains picque aigrement ceux, qu'elle sent perfumés. Suyvant aussi l'opinion de Cicero : qui dit que les odeurs, qui sentent la terre, sont plus gratieuses que celles, qui tiennent l'odeur du saffran. Par la lecture de ce, que nous avons dit ci-dessus, l'on congnoistra les grandes despenses, que firent les Rommains, à bien edifier leurs bains : ou ils ne garderent ny moyen ny mesure. Ce qui se voyt par les ruines des thermes d'Antonin, & de Diocletian, à Romme : ou se treuvent coulomnes de marbre de couleur differentes, & lieux infinis appropriés à plusieurs usages : qui estoyent entretenus curieusement par les anciens : qui se lavoyent quasi tous les jours, en provocant la sueur, pour entretenier leur bonne santé. Ce que monstre Seneque en ses Epistres à Lucille, quand il dit que Scipio l'Africain, qui s'estoyt retiré voulontairement à Linterne, en une maison, qui estoyt construite de pierre quarrée : avoyt en sa vile un bain estroict & obscur, lequel ne luy eust point semblé chaud, sans qu'il eust esté obscur : & en ce petit bain l'horreur de Carthage Scipio lavoyt son cors lassé, apres qu'il avoyt travaillé tout le jour en ses oeuvres champestres & rustiques. Depuis, les Rommains tournérent les bains en delices, & firent les thermes pour aider à la digestion crue de l'estomac. Qui a fait dire à Pline, chastiant une si mauvaises façon de faire, que pour ceste cause en son temps avoyent ordonné les bains chauds les Médecins : qui avoyent persuadé aux Rommains que la concoction & digestion de la viande se faisoyt par ce moyen dedans l'estomac : combien qu'au sallir des bains ils se trouvassent si mal, qu'ils

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se faisoyent porter, par trop croire les médecins, tous vifs en leurs sepultures. Pour les bons Capitaines & Empereurs Rommains, nés au labeur, furent ordonnés les bains, & non pour délices, dont usa depuis le peuple de Romme. Car ils furent à la fin si communs, que les Princes se lavoyent avecques le peuple : & fut le premier Hadrian : lequel, en se lavant un jour aux bains, & regardant un vieux soldat (qu'il avoyt autrefois congnu en la gendarmerie) qui se frottoyt le dos contre les murailles, apres avoir entendu de luy que c'estoyt par necessité, luy donna serviteurs & argent par grand liberalité. Une autrefois plusieurs gens-d'armes vindrent aux bains, pour ainsi provoquer la liberalité du Prince : & alors Hadrian leur commanda que chascun frotast son compaignon, par grand risee.

Nous avons asses demeuré sur les Bains, thermes, & Lavacres; Nous escrirons presentement des Gymnases, & de la Palestre : que les Grecs firent pour exerciter les jeunes gens, les uns à luiter, à jover de l'espee, à la picque, & les autres à sauter, à tirer de l'arc, à lancer le dard à picquer les chevaux, à voltiger, à courir au stade, & à toutes autres militaires exercitations. Et pour unciter les jeunes enfans à la vertu, ils faisoyent dreçer statues aux Gymnases, pour la memoire de ceux qui estoyent parvenus à la sommité de ces exercitations & disciplines : lesquelles statues reposoyent sur base insculpées & gravées des inscriptions & excellence de leurs exercices. En ces Palestres devoyent estre mis les jeunes enfans (comme dit Aristote, au huitiéme des Polytiques) pour les rendre plus forts & plus robustes. Encores Plato ne reprouvoyt point que les vier-

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ges s'exercitassent toutes nues à jetter le Disque, à courir, à luiter : fut son opinion que non seulement les jeunes filles, mais encores les femmes d'aage, luiteroyent avecques les hommes, pour entreprendre, avec la patience de ces labeurs, choses ardues & difficiles. Ce que Xenophon a monstré en la politie des Lacédémoniens : qui dit que Lycurgus pensa que les esclaves suffiroyent pour faire les robes, & accoustremes, & que les femmes libres (qui vaqueroyent à faire des enfants) exerciteroyent leurs corps comme les hommes : cuidant que de tous deux les enfans se feroyent plus robustes & plus forts, fuyant l'opinion des Grecs. Cicero ne reprouve point toutes choses, quand il escrit que ceux, qui donnérent la façon de viure aux Republiques de Gréce, voulurent fortifier le corps des jeunes hommes, avecques le labeur. Ce que les Spartiates avoyent traduit aux femmes : lesquelles aux autres viles vivoyent serrées dedans les murailles delicieusement. Parquoy Properce, perdu d'impatience d'amour, se plaignant que les filles rommaines n'estoyent point veves publiquement, loue la Palestre Spartiane, avecques une vehemence d'amour & fureur de jeunesse, tout ainsi :

Multa tuœ, sparte, miramr jura palæstæ,
Sed mage virginei tot bona gymnasii.
Quod non infames exercet corpore laudes
Inter luctantes nuda puella viros,
Cum pila veloceis fallit per brachia jactus,
Increpat & verfi clavis adunca trochi,
Pulverluentaque ad extremas stat fœmina metas,
Et patitur duro vulnera Pancratio,

 

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Nunc ligat ad cœstum gaudentia brachia loris,
Missile nunc disci pondus in obe rota,
Gyrum pulsat equis, niveum latus ense revincit,
Virgineumque cavo protegit ære caput.

Lire la totalité de ces Élegies de Properce Ouvrage en ligne sur un autre site. que nous propose J. Grenouille en 1834 en latin et en français.

Pour retourner à notre propos, les Princes frequentoyent non seulement les Gymnases, pour plaisir & pour congnoistre les bons Athletes, mais aussi pour ouir les disputations des philosophes, & de ceux qui disputoyent autres facultés & disciplines. Parquoy faloyt  qu'en ces Palestres fussent diverses habitations, grandes places, & Portiques : que nous avons nommés galeries) & aux Portiques Exedres spatieuses : qui estoyent lieux semblables aux escoles publiques, & mieux aux chapitres des cloistres de noz Religions : & là estoyent sieges ordonnés : ou estoyent assis les Philosophes & ceux qui prenoyent plaisir à disputer. Outre les Exedres se trouvoyent Peristyles quarrés (qui estoyent garnis & enuironnés de coulomnes, qui avoyet douze cen piéds de tour) pour se pourmener, que les Grecs nommerent (*). L'un des Portiques, & celuy, qui regardoyt sur la region du midi, estoyt double, pour eviter que le vent ne portast la pluye jusques au dedans. De ce double portique tenoyt le milieu l'Ephebeum : qui estoyt la place, ou les adolescens avoyent sieges pour estudier, comme nous pourrions dire les sieges extrémez des chores ecclesiastiques. Et devoyent avoir ce Portique plus de longueur, la troisiéme partie, que de largeur. Au plus presestoyent lieux ordonnés pour le service de ceux, qui s'exercitoyent en la Palestre : comme le Corycée (qui estoyt le jeu de la grosse bale, nommé Corycum) & conistere : qui servoyt à tenir la poudre de ceux, qui luittoyent à force de bras : & aux Geometriciens,

* Termes en grecs non établit.

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pour designer, en estudiant, leurs figures. Entre ces portiques avoyt petits bois, jardins, & vergers, plantés en quincunce, ou à la ligne, dont les arbres estoyent lauriers, cyprés, palmes, myrrhes, pins, sabines, jeneures, cedres, tamaris, houx, bovis, & oliviers : qui sont tous arbres qui ne se despovillent point de leurs feuilles, & rendent pour cela les vergiers plaisans : & si donnoyent aux Athletes & à ceux, qui les regardoyent, outre l'ombre, senteur & verdure, confort & consolation. Parmy ces arbres se faisoyent pourmenoirs & hypetrres ambulations : que les Grecs ont nommés (*) & que nous pouvons interpreter descouvertes & soubs le soleil ausquelles l'hyver (quand le temps estoyt cler & beau, & le ciel serin) les Athletes, appelés Xystiques pour le Xyste, qui estoyt couvert, descendoyent pour se pourmener, exciter, & courir. Apres le Xyste estoyt le stade, lieu de la course : qui estoyt  faict par telle maniere que chacun, à son plaisir, pouvoyt regarder courir les Athletes : qui estoyent (comme dit Julius Pollux) tous ceux, qui s'exercitoyent au Gymnase de la Palestre.
Apres que nous avons congnoissance des habitations diverses de la Palestre, il faut exposer, à cette heure, qui estoyent les noms de ces Athletes. Et premierement nous escrirõs de ceux, qui de celerité passoyet tous les autres : lesquels les Grecs nomméret (*) : c'est-à-dire Coureurs : qui couroyent legérement & longuement : & avoyent la force & le pouvoir, en courant, de pousser & retenir leur adversaire. De ces coureurs les uns estoyent Stadiodromes (pource qu'ils couroyent au stade) & les autres Diaulodromes : qui redoubloyent leur course : c'est à savoir que, quand ils avoyent couru jusques aux metes[3], retournoyent, dont ils estoyent partis.

* Termes en grecs non établit.

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Des Diaulodromes couroyent six courses au stade : toutefois ils est à presumer que c'estoyent ceux, qui le plus longuement continuoyent une course : & les Athletes, qui se exercitoyent nus à la luitte, furent nommés Palestiques. Telle coustume de monstrer au Gymnase le corps nud, & de le frotter d'huile, vient des Lacedemoniens : ainsi que nous le lisons en Thucidide. Les autres ajoustérent de la terre avecques l'huile : & telle composition fut depuis nommée Ceroma : qui servoyt pour fortifier les nerfs & les mebres (pouce que l'huile mollifie le corps : & luy donne force & vigueur) selon Pline qui dit : Duo sunt liquores corporibus humanis gratissimi, intus vini, foris olei : arborum è genere ambo prœcipui, fed olei necessarius, C'est à dire, qu'il ya deux liqueurs gratieuses pour le corps humain, le vin pour le dedans, &l'huilé pour le dehors : l'huile toutefois fort necessaire. Encore parlant ledit Pline d'Auguste Cesar, qui s'enqueroyt de Romulus Pollio son hoste (qui avoyt passé cent ans) du moyen qu'il avoyt tenu, pour garder la vigueur & force de son corps : il luy respondit, Intus mulso, foris oleo : qui nous fait congnoistre, que l'huile de sont temps a esté meilleur pour les parties exterieures, que pour les interieures. Combien que anciennement l'on servoyt l'huile à la premiere table, comme l'on fait encore aujourdhuy. Et celuy se trouvoyt en plus grand estime, qui estoyt le plus blanc : comme à-present entre nous l'huile vierge : duquel a parlé Antiphanes auteur Grec, qui l'a nommé huile Samique. La renommée dure encores de Democritus Abderites qui avoyt deliberé de donner fin à la longue vieillesse : & pour ce faire, journellement il appetissoyt son manger : parquoy il fut prie de ses femmes domestiques de se laisser point mourir aux

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jours, qui estoyent consacrés à Ceres : ce qu'il accorda, commandant qu'on luy apportast un vase plein de miel, qu'il mangea : & par ce moyen prolongea sa vie jusques à ce que les Cereals (jours consacrés à la Deesse) fussent passés. Et interrogé de ses amis, comme pourroyt un homme en santé viure longuement : il leur feit responce, s'il usoyt du miel par le dedans, & de l'huile par le dehors. A ce propos servent les paroles de Themistocles : qui se mit en cholere contre son argentier (qui luy rendoyt compte de la despence) d'une bien petite somme d'argent, qu'il avoyt emplié pour acheter de  l'huile : & regardant les assistants, qui s'ebahissoyent bien fort de son espargne, il commença à leur dire, qu'ils avoyent mal entendu la cause de son courroux, qui estoyt pource que son cuisinier luy fait trop manger de l'huile assés mauvais pour le dedans du corps de l'home.  Quant aux olives, on les servoyt anciennement à la seconde table : desquelles les unes estoyent nõmées des Grecs(*), & des Latins drupoe, quand les bacques (comme tesmoigne Pline) commençoyent à noircir. Diphilus a dit qu'elles sont de bien petit nourrissement, & engendre douleur de teste : & que les noires sont pernicieuses à l'estomac. Les plus saines & les meilleures sont celles, qui ont esté nommées des anciens (*). Les autres qui sont confictes avecques le fenoil, ont esté dictes (*) & celles, qui estoyent pilées dans un mortier, furent appelées des Atheniens, (*), comme recite Athenaeus. Quoy que disent les Grecs, les Rommains userent des olives depuis le commencement de table jusques à la fin : comme dit Martial,

Hæc, quæ Picenis venit subducta trapetis,
Inchoat atque eadem finit oliva dapes.

* Termes en grecs non établit.

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Plusieurs autres especes ont esté nommées de Macrobe & Pline : comme les Africaines, Liciniene, Sergianes, Salentines, & Royales. Et certainement de toutes les olives la plus grosse est meilleure pour manger, que la petite, qui est plus convenable pour faire l'huile : comme Columelle l'escrit au sixiéme liure de la chose rustique. A l'olive firent cest honneur les Rommains, qu'ils en coronnerent ceux qui triomphoyent en leurs petis triomphes : & la Grece coronnoyt les visiteurs à Olympe d'olivastre. Les Atheniens en leurs monnoyes accompaignerent la chevesche (consacrée à Minerve) d'une branche d'olive : comme plus amplement nous en monstrons la figure au liure de noz Antiquités de Romme. Aucuns ont voulu
dire que l'huile servoyt pour rendre le corps des Palestrites plus lubriques, & pour prendre les bras avecques une plus grande difficulté : toutefois les Grecs (qui furent les premiers inventeurs de tous vices) le tournoyent à luxure, en le publiãt aux Gymnases : & l'huile, qui servoyt pour les Athletes, fut à la fin mxtionné de choses odoriferentes : si nous voulons croire Pline : qui dit que aucuns mesloyent aux Gymnases senteurs avecques l'huile, mais plus utiles & de moindre valeur. Apres que les Luitteurs sestoyent faits oindre, ils estoyent arrousés & couverts d'une poudre, ou sable (qui estoyt nommé Aphé) pour aider â fortifier le corps. Ce que nous enseigne Lucain : quand il dit, en parlant du combat d'Hercules & d'Anteus : Auxilium membris calidas insundit arenas 1. Qui nous fait cognoistre que les Luitteurs & Pugiles combattoyent avecques la poudre : dont est venu le proverbe, que l'on disoyt entre les Grecs (*) : qui veut dire

1 Auxilium membris calidas insundit arenas : arrose d'huile ses membres nerveux. Livre IV de Lucain Lapharsale Ouvrage en ligne sur un autre site.
* Termes en grecs non établit.

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emporter la victoire, sans s'estre mis en besogne, sans peine & sueur, ne se presentant personne au combat. Ce que nous lisons dans Pausanias : qui parle de Dioreus Athlete : qui avoyt esté victorieux à Olympe (*): que Pline a interpreté sans poudre (c'est-à-dire, sans que nul se presentast pour l'attendre, & sans qu'on le mist en peine de prendre la poudre pour faire  son devoir) quand il escrit, au trentecinquiéme de l'Histoire naturelle, qu'Alcimachus avoyt peint ou portrait Dioxypus : qui estoyt demeuré victorieux à Olympe, sans avoir combatu : que les Grecs avoyent dit (*), & à Némée (*) (c'est-à-dire, de force apres avoir conbatu) pour le nom de la poudre : qui estoyt nõmée (*): dont est venu au Gymnase le nom de Conistere : duquel nous avons fait mention ci-dessus qui servoyt pour garder la poudre palestrique : laquelle fut de si grande curiosité aux anciens, qu'ils la faisoyent venir d'Aegypte : comme recite Tranquillus, quand il monstre l'indignation du peuple de Romme contre Néron : qui avoyt fait venir, au temps de la famine publique, un navire, chargé de ceste poudre, pour les Athletes de la court. Son usage nous enseigne Pline : qui escrit, que la difference estoyt bien petite de la poudre Puteolane à la plus subtile partie du sable du Nil : non qu'elle servist pour resister aux ondes de la mer, comme la poudre de Pussol : mais bien pour esseminer les corps des Athletes en la Palestre : & d'Aegypte la faisoyt venir à Rõme Patrobius liberte de Nero. Leonatus, & Meleager, Capitaines d'Alexandre le Grand (comme il dit) la faisoyent porter apres eux avecques leur bagage. Les pyctes ou Plectiques, que les Latins nomment Pugiles, combattoyent à coups de poing : &, en frappant leur adversaires

* Termes en grecs non établit.

Recto de la feuille 18
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comme dit Cicero second des Tusculanes, ils se plaignoyent in jettant les Cestes, non par faute de courage, ou pour douleur qu'ils sentissent, mais pource qu'avec le cry & la voix ils avoyent le cueur plus grand, & donnoyent le coup plus véhement. Et, pour venir au combat, ils s'accoustroyent les bras & les mains de Ceste, qui estoyent faicts de cuir de buffle, remplis de plomb par dedans. De ce combat escrit la façon Virgile, au cinquiéme des Æneides : qui en donnera aux lecteurs la cognoyssance, avecques la figure retirée de l'antique, que j'ay fait peindre ci-apres.

 

 

 

E    2                                                      COM

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Page recouverte d'une gravure

 

Combat des Cestes entre
Dares & Antellus, selon la description
Virgile.

 

(GRAVURE)

 

 

 

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Les Pancratiastes estoyent Luitteurs & Pugiles tout ensemble, & les Discoboles Image jettoyent une boule ronde de pierre ou de cuyure, persée par le milieu, appelé le Disque : &, d'autant que celuy qui le jettoyt estoyt plus fort, il le recevoyt de plus haut à force de bras. Quant aux sailleurs, ils portoyent en leurs mains, pour mieux saillir, des Alteres : qui estoyent petites maces, ou boules de plomb, faictes à la façon d'un cercle, qui avoyt la moitié plus de longueur que de largeur : & si avoyent des boucles pour y mettre les mains à l'aise, comme dedans un bouclier. Le lieu, dont partoyent les Sailleurs, les Grecs le nommerent (*), & lamesure (*), & le saut (*) : c'est à dire, fossé pource que le saut le plus souvét se faisoyt à sauter sur un fossé, pour servir à l'exercitation militaire, & pour garder l'ennemy à la guerre, en sautant un fossé, de se sauver. Tous ceux, qui s'exercitoyent en ces cinq especes de jeux (c'est à savoir à courir, à luitter, à saillir, à ruer la barre de fer, & aux Cestes (furent nommés des Grecs (*), & des Latins Quinquertiones : desquels à parlé Pline, en parlant de Myroné : qui avoyt un discobole, Minerve, les Penthales Delphiques, & les Pancratiastes. Les autres exercitations furent différentes. Car les unes estoyent lentes, & les autres robustes & legéres tout ensemble. La robuste, de laquelle les Grecs s'exercitoyent violentement sans celerité, fut par eux nommée (*), & la violente (*). La valide estoyt comme de monter par une corde à force de bras : & telle exercitation faisoyent exerciter les jeunes enfans ceux, qui les préparoyent à la force. Car il est certain, si l'on monte par une corde à force de bras, que c'est une robuste, & valide exercitation, outre toutefois la celerité : & si est meilleure celle, qui se faisoyt en jettant

E    3                                                      les

* Termes en grecs non établit.

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les Alteres, ou bien de tenir en un lieu le pié ferme, & à la main une pomme, qui ne se puisse oster : comme le faisoyt Milo Crotoniates, pour monstrer une grande ostentation de force. Et Sostratus Sicyonius, Athlete Pancratiaste, estoyt si fort, que Pausanias recite qu'il fut sornommé Acrochersites : pource qu'en prenant son adversaire avecques les mains, il le froissoyt de telle sorte, qu'avant que de le laisser, il le contraignoyt â mourir. Au contraire, les exercitations legéres estoyent sans force & violence : comme (*) & (*) : dont (*) se faisoyt marchãt sur le bout des piés & remuant continuellement les mains, l'une par devãt en haut, & l'autre par derriere en bas : & (*), quand en la sixiéme partie d'un Stade appelée (*), on couroyt s'evançant & reculãt alternativement, sans se tourner ça ny là : & à chasque course on gaignoyt quelque avancement, jusques à ce qu'on fut venu au bout. La Pile ou la Paume, la petite Bale, l'Harpastum ( qui est la grosse Bale, ou Pelotte) la Sciamachie ( qui est un cõbat umbratile, que nous disons le jeu de l'escrime, lequel les Lanistes & Maistres-d'espee mõstrent & enseignent aviourdhuy par tout le monde) & le Phenis estoyent toutes exercitations légeres : desquelles a parlé Galinus, au second liure, qu'il a fait pour garder la bõne santé. Le jeu de Phenis estoyt (comme dit Alexandrinus) quand celuy, qui tenoyt une Bale, faisoyt semblant de la jetter à celuy de ses compaignõs, qui le regardoyt : toutefois il la jettoyt à un autre : & fut ce jeux nommé Phenis de l'inueteur  (qui estoy nommé Phenestius) ou bien (*) : qui signifie decevoir, pource que ce jeu n'estoyt autre chose que de trõper son compaignon. Les exercitations, qui estoyét cõposées (cõme nous avõt dit) de la robuste & de la légére, estoyt jetter le Disque ( qui est une

* Termes en grecs non établit.

Recto de la feuille 20
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grosse pierre ronde & percés au milieu) sauter sans se reposer, & jetter incessamment une grosse barre de fer. si  ceux qui s'exercitoyet ainsi, se reposoyent, cela faisoyt la différence de l'exercitation cõtinuelle à l'interposée qui nous fait congnoistre la varieté de ces exercices : qui servoyent les uns pour les os, cõme la course : (*), & la sciamachie pour les bras & les mains. Ceux, qui demandoyent l'exercitation du corps, faisoyent mettre les Alteres devant eux l'espace d'une aune. Depuis qu'ils estoyet au milieu, sans remuer les piés d'une place, en pliãt le corps ils les dreçoyent, pour les mettre l'un en la place de l'autre : & par ce moyen ils exercitoyet tout le corps, avecques ces mouvemens : qui furent tous introduits & trouvés des Grecs, pour entretenir leur bonne santé. Les gens de lettres s'exercitoyent à lire à haute voix : que les Latins ont nommé affa voce. Pittacus, Roy des Mytileniens, avoyt une estrãge façon de s'exercer qui estoyt de tourner une meule : & tel exercice il trouvoyt bon pour sa santé. Les autres tiroyent de l'ave, & portoyent & couppoyent du bois. Ce que j'ay veu faire souvente fois à l'un des plus doctes hõme de nostre Europe. Il ne se trouve chose, qui tant entretienne la bonne santé que l'exercitation. C'est le uray bain que le labeur, qui ne passe point la sueur, car le labeur trop grand est mauvais. Parquoy suffit à plusieurs persõnes le pourmener, aller doucement à pié depuis la vile jusqu'aux champs.
Pour satisfaire aux Lecteurs je me suis mis au devoir de mettre par escrit les exercitatiõs Gymniques, desquelles usérent les Grecs, car les Rõmains eurent autres jeux pour passer le temps : cõme les Circeses, le jeu de Troye (que nous appellõs le tournoy) &, pour l'exercitatiõs, Portiques & Deambulations, pour se pourmener. Aussi sans

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Correspondance en français moderne
Correspondance exégétique
difficulté il n'est choses au monde, qui tant maintienne & garde le corps, que l'exercitation : que Celsus nous enseigne faire avant de manger, & à celuy, qui moins a travaillé, plus grande. Au contraire,  l'homme, qui est las & fasché, la doyt faire moindre, & la prendre plus gratieusement. Car commodement s'exerciter, lire haut, manier les armes, jover à la paume, courir, se pourmener, & plus tost sous le soleil qu'à l'ombre, sont toutes choses qui gardent la bonne santé : que les Philosophes ont estimée entre la felicité & bien divin. Ledit Celsus escrit que l'homme, qui est sain & qui porte bien, & qui vit en liberté, ne doyt point obliger sa vie aux loix  des Médecins : & est necessaire qu'il prenne une differente façon de viure, une fois demeurant aux champs, l'autre à la vile, à la campaigne, aller par eaue, à la chasse, se reposer quelque fois, mais le plus souvent s'exerciter. Car il ne se treuve chose, qui tant rende hebeté le corps que la paresse, qui haste la vieillesse, & le labeur rend la longue jeunesse. Il profite encores de ne fuir point la diversité des viandes, desquelles le peuple mange. Il convient se treuver aux festins, & d'autresfois s'en retirer : & manger deux fois le jour plus tost qu'une : combien que Cicero, aux Questions Tusculanes, escrit que Plato souloyt reprendre la vie des  Italiens : pource qu'ils mangeoyent deux fois le jour. Qui est contre l'opinion dudict Celsus : qui dit que le plus salutaire est de largement disner, & souper sobrement : &, de la meilleure opinion, il s'en faut rapporter aux Physiciens & Médecins.

Fin des Bains & antiques exercitations.

 

 

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