Des bains et
antiques
exercitations
grecques
et rommaines
Dernier chapitre *
Recto
de la feuille 2
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
AU ROY.
Sire, ces jours passes estant
en vostre royale maison de Fontainebleau, je me pri à regarder
ce, qui a mis souventes fois les espris des bons Architectes
en admiration : et entre les autres choses, vostre galerie,
et les personnages qui y sont, faicts par telle diligence,
et fi bien reires du naturel, qui à les bien
voir l'on penseroyt que ce fust la nature mesme. D'avantage,
fi la paincture est belle, la decoration du stuc n'est
pas moindre, pour raison de ses fruicts, estans plus
plaisans que les naturels : d'autant que ceux-cy se
depouillent de leur fleurs, et, en changeant leur couleur,
s'envieillissent et laissent leur beaute : et ceux-là
monstrent une primevere perpetuelle, et les fleurs immortelles
de sorte que ceux, qui s'en approchent, cuidants recevoir
l'odeur suave des fleurs et des fruicts, reçoyvent
la senteur par grand risee. Là ne se treuve rien
d'affecte ny de trop , ny choses que l'on puisse reprendre.
Quant à la doreure, le peinctre en a mis a suffisance,
sans superfluite. Ce qui enrichit le lambris par si
grande grâce, que l'on jugeroyt que ce fust un
Ciel accoustré de ses estoiles : avec certains
espaces tellement distans de l'un a l'autre, qu'ils
font monstrer que l'or n'y demeure point otieux,
mais y est mis pour rendre le lieu (quand le soleil
se jette dedans) plus delectable.
* Ce qu'il appelle Dernier chapitre est en fait un livre qui vient
en clôture de deux autres sur la numismatique
et l'art militaire romain.
Verso
de la feuille 2
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique Outre
toutes ces choses là, si nous voulons parler
de son regard, il est decouvert, sans qu'il soyt empesche
d'aucune part, et si bien dispose, que la maison en
est plus belle, plus elegante, et digne de plus grand
louange. Pource que fur vostre verger royal (qui est
accoustre d'ambulations spatieuses pour se proumener)
et sur le grand jardin, se voyt l'estang, par les bors
garni d'une saussayes, qui presente aux regardans
une grâce de verdure si grande, que l'on jugeroyt
estre une demeurance divine, et que les Dieux seroyent
venus choisir ce lieu, pour inviter les nymphes à
la musique. De quoy ne se faut ebahir. Car le regard
des choses belles a eu grand force et pouvoir d'attraire
à soy le cueur des Dieux. Et entre les autres
singularités de vostre bastiment, voz thermes, Sire, et vos bains, sont faicts
par telle diligence; et somptuosite, que, à les
bien regarder, peuvent combattre la comparaison avecques
ceux de M. Agrippe. Parquoy quand je suis venu
à considerer combien de beaute pour le contentement
de l'oeil, et d'utilite et proffit ilz apportoyent aux
anciens pour la sante du corps : je me suis mis au devoir,
suyvant vostre commandement, de vous en donner la cognoissance
par la lecture de ce petit livre : que je vous present,
accompaigne du vouloir tres humble du Bailly des Montaignes,
vostre tres obeissant serviteur : qui vous supplie tres
humblement de luy faire tant de faveur et de bien, que
de le mettre au nombre de ceux que vous tenez en obeissante
servitude aupres de vous.
Recto de la feuille 3
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
Des
bains et
antiques
exercitations
grecques
et rommaines
Escrit
par Guillaume du Choul, Gentilhomme
Lyonnois, Conseillier du Roy, & Bally des Montagnes du Dauphine .
Pour
avoir, Sire, la congnoissance du premier usage des bains,
thermes,
& gymnases ou se laverent jadis les anciens, l'on
pourra sommairement voir par ce petit discours, ou abregé,
ce que nous en lisons es Histoires Grecques & Latines.
Chose, qui tousjours servira pour l'intelligence de
l'antiquité sacro sainte. Il faut donc entendre
pour le commencement, que les thermes publicques furent
ordonnees aux anciens Grecs & Rõmains pour
se laver, & pour la santé : comme furent
les thermes
Agrippiniénes, Neroniénes, Domitiénes,
Antoniénes, & autres : la grandeur &
magnificence desquelles se voyt par les ruines, qui
sont à Romme, lesquelles povoyet estre cõparées
à l'un de sept spectacles
Verso de la feuille 3
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
du monde : tant elles estoyent construites avecques
grad labeur, et prodigieuse depense, et enrichies d'une
infinite de colomnes de marbre diferent, qui avoyent
esté amenées des dernieres regions, et
quasi de tout monde : de maniere que les montaignes,
desquelles ont esté tirées ces grosses
pierres, se plaignent encore aujourd'huy de la puissance
des Rommains : et pleure encores la mer du grand fais,
et de la charge qu'elle a portée. Toutefois devant
Agrippa, Nero,
Domitian, et Antonin,
la chose estoyt bien venue jusques à tel poinct,
que les gentilshommes Rommains les faisoyent edifier
en leurs maisons par somptuosité singuliere :
comme nous monstre Cicero
en ses epistres à Térentia
sa femme, et à Quintus
son frere, quand il leur escrit, qu'ils donnent ordre
que la cuve soyt en ses bains, et qu'ils le rendent
certain en Asie (ou il estoyt Proconsul) de la diligence
que l'on faisoyt a bien edifier ses bains en sa vile
Arpinate.
Depuis lequel temps semblable chose fut continuée
: comme plus clairement nous ensigne Pline
le jeune, en la description de sa vile Laurentine
de laquelle, outre les autres structures & edifices,
il loue le gymnase : & de ses bains la celle frigidaires,
les baptisteres,
l'unctuaire,
l'Hypocauste
, la piscine chaude,
les zetes,
le stibade,
& l'heliocamine.
Or, pource que
tous ces
noms sont
tirés de la fontaine
Grecque, je me mettray
au devoir
de les
declaire particulierement, & de
monstrer ce
qu'a
tiré souventes fois les gens
doctes
en admiration : c'est
qu'avecques les bains
se faisoyent
les jeux
& exercitations
: & si estoyent
entremeflées
avecques les bains,
les disputations
des gens
doctes &
vertueux. Je ne doute
pas que
l'on ne
le trouve
estrãge
: mais si
fut il
toutefois
observé
& gardé
des anciés
: comme
Pollio (Vitruve)
l'escrit
Recto de la feuille 4
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
au cinquiéme de son Architecture, & comme
encores fait Joseph,
parlant du Roy
Hérodes quand il dit qu'il avoyt edifie
à Tripoli & à Damus bains publiques
(qui furent nommés gymnases) & à Bibli
exedre,
sores & portiques. Encores Herodian
au premier de ses liures, recite que Cléander
(serf premierement de Commode,
par lequel il fut poussé si haut, qu'il le feit
Capitaine de sa garde, & luy donna la superintendance
de la gendarmerie) des grans richesses qu'il avoyt amassé,
feit bastir un gymnase, ou escole fort magnifique, pour
exerciter un chacun à la luitte, & aux autres
armes : & des bains qu'il donna au peuple, ou l'on
pouvoyt aler se laves sans rien payer. Ainsi donc, pour
monstrer que les Philosophes aloyent aux gymnases pour
disputer, escoutons Vitruve,
qui dit, parlant d'Aristippus,
philosophe Socratique, jetté par fortune de mer
au port de Rhodes, qu'apres qu'il eut veu des figures
de Géométrie, commença à
crier à ses compagnons, qu'ils devoyent esperer
quelque bonne chose, pource qu'il avoyt veu la trace
des hommes : & soudainement s'en ala à la
ville de Rhodes, & tout droit au gymnase : ou apres
qu'il eut disputer en Philosophie, luy furent faicts
plusieurs presents. A ce propos servet les paroles de
Cicero,
fecond de l'Orateur : qui escrit que les auditeurs du
Philosophe, aux gymnases, estoyent trop plus aises
de veoir le disque que le Philosophe : lequel, s'il
commençoyt à disputer de choses graves
& ardues, ils le laissoyet, pour s'aler oindre,
au milieu de son oraison. Par ces mots, & par la
sentence de ces Auteurs, facilement l'on pourra cõgnoistre
que les gymnases furent en usage pour l'exercitation
du corps & de l'esprit : & que les bains &
gymnases furent une même chose : & que la
disputation estoyt au
Verso de la feuille 4
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
nombre des autres exercitations, pour garder la bonne
santé. Au demeurant nous eserions particulièrement
les parties de noz thermes
& bain, pour après suyure les exercitations
du gymnase, de la palestre, & des lieux necessaires,
ou s'exercitoyent palestrites
: & commencerons à l'Hypocauste
: qui estoyt le
lieu ou l'on faisoyt le feu pour echaufer estant aux
pains, à la façon des fourneaux que l'on
voyt encores pour les barbiers et teinturiers. La bouche
se nommoyt Praefurnium,
comme l'escrit Cato au livre
de la chose rustique, quand il nous enseigne de
quelle hauteur & largeur se doyt faire la fournaise
de la chaux. Toute fois, pour savoir le nom de ces vases,
ou pour l'usage des bains, l'eaue se gardoyt, le plus
diligent de tous les Architectes, Vitruve,
le nous enseigne, quand il escrit de ces bains la disposition,
le lieu, la situation, & structure ; disant que
par dessus l'Hypocauste il faut mettre trois vases d'airain
: l'un nommé Caldaire,
ou soyt l'ave chaude : l'eautre Tepidaire,
pour l'eaue tiede : & le troisiéme Frigidaire,
recevant l'eau froide, qui venoyt par le dessus des
thermes tomber dedans une cuve de marbre : dont elle
descendoyt per accord au vase Frigidaire, de l'Hypocauste
au Tepidaire, & consequemment au Caldaire, comme
plus clairement le nous montrera la figure cy-apres
mise.
Recto de la feuille 5
Correspondance
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Correspondance exégétique
(Gravure
d'un Hypocauste.)
Verso de la feuille 5
Correspondance
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Correspondance exégétique
Toutefois Galien
a divisé les bains en quatre lieux separés
: desquels le premier estoyt l'Hypocauste
: que Senecque
nomme le sudatoire : par la chaleur
duquel l'on provoquoyt la sueur : comme nous faisons
en nos estuves
d'aujourdhuy. Le second lieu estoyt le Lavacre, où estoyt la cuve,
nommée Labrum
: qui estoyt ordonnée pour laver tout le corps
avecques l'eaue chaude. Le troisiéme servoyt
pour se laver d'eaue froide : & au quatriéme
ils abbatoyent la sueur, & nettoyoyent avecques
les strigiles
& esponges.
Je cuide que l'eaue venoyt par tuyaux, des vases desquels
à parlé Vitruve
: & prenoyt dedans ces lieux l'eaue avecques les
fontaines de bronze. Qui a fait dire audict Galien,
au livre troisiéme, qu'il a fait pour garder
la bonne santé, que le bain estoyt divisé
en chaud, en temperé, & en froid : qui sont
les trois vases desquels nous avons parlé ci-dessus.
Et servoyent ces lieux anciénnement pour quatre
choses. La premiere, pour nettoyer le corps : la seconde,
pour la chaleur : l'autre, pour la santé : &
la derniere, pour la volupté : comme dit Alexandrinus/Alexandre?
: qui rejette cette derniere, disant qu'il faut prendre
le bain pour se nettoyer, & pour la santé
seulement. Le Baptistere
se fouloyt edifier aux celles (c'est à dire,
au lieu le plus secret de la maison) dont les unes estoyent
chaudes, & les autres froides. Ce que monstre Pline
ad
Apollinarem, qui dit que le Baptistere
grand, & spatieux, se trouvoyt en celle Frigidaire
: & là les anciens se plongeoyent entierement
pour se laver : dont est venu le nom de Baptistere,
que nous avons en nos eglises : où, selon nostre
religion Chretiéne, sont baptisés les
enfants, & reçoyvent leurs noms, apres qu'ils
ont esté par trois immersions purgés.
Parquoy ne sera point mauvais de monstrer la coutume
Recto de la feuille 6
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
des anciens à ceux, qui l'ont ignoré jusques
à present, que, neuf jours apres qu'ils estoyent
nés, on les nommoyt par leurs noms : & ce
jour estoyt appelé Lustrique,
comme Macrobe
le tesmoigne, escrivant que les Rommains avoyent une
Deesse de grande religion, qu'ils nommérent,
pour le neufiéme jour de ceux qui estoyent nés
Nundina,
à cause des enfants, qui estoyent lustrés,
& prenoyent leurs noms de ce jour là. La
raison estoyt, suyvant l'opinion d'Aristote,
pource que, devant le septiéme jour, les enfants
demeurent exposés à plusieurs inconveniens
: &, au contraire, la coustume des Athéniens,
& quasi de toute la Gréce, estoyt d'imposer
le nom à leurs enfants au dixiéme jour
de leur nativité. Les piscines au commencement
furent lieux donnés pour tenir le poisson. Depuis
la coutume vint que tous lieux natatoires, où
l'on pouvoyt se baigner, estoyent nommés des
anciens Piscines : &, combien que les Rommains les
eussent en leurs thermes
publiques, toutefois la piscine servoyt de Lavacre froid & chaud, aux
maisons privees, pour nager, & pour se laver : comme
nous congnoissons par Cicero
: qui demandoyt en ses bains plus grande Piscine, où
les bras en nageant ne se fussent point rencontrés
: & l'Empereur Heliogabalus
(ainsi que nous lisons en Lampridius)
fut si dissolu, qu'il ne voulut oncques se laver ou
nager en piscines, qu'elles ne fussent teinctes de safran,
ou d'autre composition bien noble. Les Zetes,
comme l'on pourra congnoistre par le jeune Pline
(qui les a nommées ses délices) estoyent
lieux edifiés aux maisons pour la recreation
de l'esprit, & plaisir du corps. Dont les unes estoyent
carrées, les autres exagones, & octogones
: c'est à savoir
Verso de la feuille 6
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
à six, & huit pants : de maniere que le soleil
y battoyt temperément, depuis qu'il se leuoyt,
jusque à ce qu'il se couchoyt, par le cours qu'il
fait tout le jour : combien que, de la partie du midi,
les Rommains y feissent mettre contrefenestres, pour
temperer l'ardeur du soleil, jusques à ce qu'il
s'en aloyt. Par ce moyen le lieu, bien architecté,
estoyt orné triomphamment, plein de jour, &
odorifere, comme une demeurance diuine : & là
s'ebatoyent les anciens rommains avecques delices &
plaisirs secrettement. Pource que le lieu estoyt secret
& separé du bruit de la maison, accompaigné
de plaisans & gracieux vergers, de portiques
ou de galerie pour se promener. Des zetes, l'entree
n'estoyt permise qu'aux Princes, ou bien au maistre
de la maison, qui demeuroyt en ce lieu, accompaigné
de sa femmes, de ses amis, de Gentilshommes & demoiselles
: & fouuentefois les Princes vertueux y faisoyent
venir gens de sauoir, & de vertu pour parler
de bonnes lettres, de la peinture, de l'architecture,
& autres arts excellens. Par ces moyens jouissoyent
les Rommains de la felicité de ce monde.
Les antiques eurent les stibades,
ainsi nommés pour les herbes que les Grecs nommérent
sibúdus : desquelles les anciens auoyent de coustume
faire de petis licts de terre couuers de verdure, pour
auoir l'ombre & pour repousser l'esté l'iniure
du soleil, comme nous faisons encore aujourdhuy : &,
au lieu qu'ils sont fait de bois à la façon
de petites chambres ou cabinets couuert de vigne, de
jasmin, de smilax, ou
autre verdure, ils les edifioyent de marbre blanc enuironné
d'ouurage topiaire, pour y manger non seulement auecques
leurs amis, mais encores auecques leurs municipes, &
estrangers en grande somptuosité de délice.
Recto de la feuille 7
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
Heliocaminus estoyt
un lieu incrusté & vouté, &
totalement exposé au soleil : dont il receuoyt
la chaleur du jour la plus vehemente : & le
seul non Grec nous fait congnoistre que c'est une fournaise
du soleil. Il se trouuoyt encores en ces bains le
Spheristere,
faict en forme ronde, commode pour le jeu de la paume,
& autres diverses exercitations.
En ce lieu (comme recite Tranquillus
"Suétone")
Vespasian
l'Empereur ne faisoyt autre chose que de frotter ses
membres, pour garder sa bonne santé. Les autres
principales mansions des bains estoyent appelées
des Grecs lhgróh. L'Apodytaire
estoyt un lieu ordonné pour se despoviller &
déuetir, deuant que d'entrer aux bains : où
se tenoyt un officier, nommé des anciens Capsaire
: qui avoyt la charge de garder les robes & accoutrements
de ceux qui venoyent de la palestre.
Au
plus pres de l'Apodytaire estoyt l'Unctuaire,
habitation amene & elegante : qui se trouuoyt pleine
de delicates & prestigieuses unctions : qui estoyt
garnie de deux entrées, pour receuoir ceux qui
venoyent de la palestre. La tierce mansion servoyt
pour se lauer d'eaue froide (que les Grecs ont nommée
lvtrós) &
devoyt, sur tout, le lavacre froid auoir le regard
sur boreas
(que nous appelons le vent de bize) & fuir le soleil
du midi : &, tout au cõtraire, la lauation
chaude (qui demandoyt un grãd Soleil & plus
de chaleur) estoyt mise contre les vents de Nothus,
Eurus,
& Zephirus
: & si estoyt accompaigné des lieux propices
pour suer, qui estoyent fait de forme ronde, & que
les Grecs ont nommés laponica,
pour les Lacedemoniens,
desquels l'on receuoyt à l'entree, par une alée,
le chaud si suave & si doux, que les perfonnes n'estoyent
point surprises ny suffoquées de la chaleur.
Aucuns ont voulu ajouter une quatrième demeu-
Verso de la feuille 7
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
rance aux thermes,
appelée Escole, ample, & spatieuse pour receuoir
ceux, qui estoyent vestus, & qui attendoyent es
bains leurs familiers & compaignons. En ces thermes
l'on trouuoyt des sieges pour se seoir & pour se
reposer : les uns faits en forme d'hemicicle, &
les autres quarrés, pour seruir les Rommains,
qui prenoyent le soleil & l'ombre de matin &
de soir, tout ainsi que la commodité le requeroyt.
Le lieu, ordonné pour les bains, se trouuoyt
triomphant, & l'habitation interieure pleine d'aménité
& l'elegance, clere & resplendissante, &
toutes les appartenances illustrées de lumiere
& de grand iour, de portiques peins au frais, pour
se pourmener, & propices pour se reiouir : qui passoyent
de magnificence & de beauté, pour les coulonnes
& peintures, toutes les autres habitations. Quand
à la decoration du frontispice, il estoyt enrichi
de deux statues de marbre, ou de bronze : dont l'une
estoyt consacrée à Esculapius,
& l'autre dediée à la Santé
: lesquelles monstroyent une face elegante & splendide,
que les Grecs ont nommée iuruqmiu,
que nous disons forme venuste & bien proportionnée
: qui monstre par destination des membres la chose belle
auecques delectation. Les autres parties, necessaires
pour la commodité des bains, sont assés
congnues par ce que Vitruue
en escrit au cinquiéme liure de son Architecture.
Quant à la cuue, nommée Labrum,
la semblance se voyt par celles, qui sont deuant la
Rotunde de Romme (l'vne desquelles ie representeray
ci-apres) & celle de porphire, qui est en l'eglise
de S. Denys en France.
CVVE
Recto de la feuille 8
Correspondance
en français moderne Correspondance exégétique
Emplacement
d'une gravure de Labrum, édition
de 1672.
|
Il
demeure à veoir par figure les Strigiles
(que nous pouons nommer des Estrilles
à estuues)
à ceux qui n'ont veu celuy que i'ay presenté
à votre majesté (qui est faict selon la
description d'Apulée,
au commencement du liure second de ses Florides)
& par celuy de bronze doré que j'ai entre
mes mains, fort antique.
STRI
Verso de la feuille 8
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
Et pource que ceux qui verront les strigiles, en pourroyent
demander l'usage : il faut qu'ils entendent que les
anciens Rommains les faisoyent porter aux bains par
leurs pages, quand ils alloyent aux thermes,
auec les guttes
(comme l'on pourra veoir ci-apres) pour abbatre la sueur,
au lieu que nous usons de couurechefs : & les faisoyet
faire d'or, d'arget,
& de bronze : cobien que Strabo,
au quinziéme de sa Géographie, recite
que les Indiens,
entre les autres exercitations,
avoyent coustume de se polir le corps avecques strigiles
legéres d'ebéne. Les plus delicas des
anciens Rõmains (come nous lisons en Pline)
usérent d'esponges
pour les strigiles : qu'ils faisoyent teindre en escarlatte,
pour leur delices : & souuentefois les faisoyent
blanches, par grande singularité.
HERVS
Recto de la feuille 9
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
Guttus,
ou le gutte, que nous avons veu ci-dessus, fut ainsi
nommé, pource que la liqueur en descendoyt goutte
à goutte. Les grans Princes & les plus nobles
les avoyent de licorne, & la plus grande partie
de voirre,
ou de corne de buffle. De ce vase usérent les
Rommains en leur bains, pour tenir les huiles odoriferans,
desquels, apres qu'ils estoyent lavés,
ils se faisoyent oindre, vnir, & adoucir la chair
: comme l'on pourra veoir par la figure, que j'ay emprunté
de Fabius,
aux simulacres qu'il a faits de la cité de Romme.
C
BAIN
Verso de la feuille 9
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
Emplacement
d'une gravure pleine page : scène
de bain dans un Labrum. |
Recto de la feuille 10
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
Les mixtions toutefois & compositions en furent
differentes. Car les uns demandoyent les huiles composés
de fleurs : comme le Rhodinum,
qui estoyt de roses, & le Lirinum,
des fleurs du lis : ou du Cyprus
: qui a la fleur blanche & bien fort odoriférante.
Il vient en plusieurs lieux mais en l'isle de Cypre
passe d'odeur suave tous les autres. Les anciens eurent
encor entre les huiles, le Baccarin
: duquel parle Aristophane,
l'herbe est nommee Baccar : qui porte une fleur de couleur
de pourpre : dont la racine en quelque chose porte la
senteur du cinnamome.
Il s'en trouve assez en nostre France : lequel est appelé
vulgairement Cabaret par transposition de lettres. Ils
eurent aussi l'huile Gleucin
& Myrrhin
en grands delices. Le Gleucin se faisoyt de moust, que
les Grecs appellent gleuc,
combien que Columelle, au cinquantjéme
chapitre de son treiziéme livre, le compose de
simples odoriferant. Pline
a mis cest huile entre les especes des artificiels,
disant, qu'il est froid, au vint-&-troisieme livre
de son histoire naturelle, ce qui est encore contre
l'opinion de Theophraste
& de Dioscoride.
Le Myrrhin se composoyt de myrrhe, & désechoyt
suffisamment. Nous avons perdu l'usage de telles compositions,
pource que la myrrhe, que l'on apporte aujourdhuy d'Alexandrie est entierement contrefaicte
& sophistiquée : & en vient bien peu
de la vraye en France & en Italie, j'enten de celle
que Dioscoride a laisse par escript, transparente comme
la corne de beuf. Les autres huiles se faisoiyent des
fueilles d'herbes : comme ceux qui estoyent de mariolaine,
de lavande, & de la fleur de vigne sauvage : qui
furent dicts Amaracinum,
Nardinum,
& Oenanthinum.
Les autres se composoyent de la racine & escorce
des
Verso de la feuille 10
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
arbres : comme le Cinnamominum
: qui estoyt précieux & de grande despense,
qui se faisoyt anciénement avecques l'huile de
been, le bois du baume,
nommé Xylabalsamum, & du squinanthe : qui
est la fleur du jonc odoriferant, aromatizé,
comme recite Dioscoride,
avecques le cinnamome & le Carpobalsamum
(qui est le fruict du baume) y ajoutant quatre fois
autant de myrrhe que de cinnamome, & du miel autant
qu'il suffisoyt, pour detremper le tout ensemble. Aujourdhuy
feroyt chose bien difficile, & quasi impossible,
de faire tel unguent. Car le vray cinnamome est du tout
incongnu : comme disent ceux qui vont querir les espiceries
jusques au Levant : & desia du temps des empereurs
(qui estoyent obeîs partout le monde) estoyt
rare & difficile à recouvrer. Pour le cinnamome
l'on prend aujourdhuy la casse odoriferante (que
nous appellons canelle) pour ajouter à la composition
de nos unguens : &, quand Galien
fit le theriaque
pour M.
Aurelius Antoninus, il ne se trouvoyt point
ailleurs qu'au cabinet des Empereurs : qui le faisoyent
garder bien clérement entre leurs pretieuses
choses. Ledict Empereur fit monstrer à Galien plusieurs
vases de bois remplis de cinnamome : lesquels avoyent
esté mis en son palais : les uns du temps de
Trajan,
& les autres d'Adrian,
qui adopta Antonnin
Pie : lequel succeda à l'Empire, &
recouvra du cinnamome frais : qui passayt de bonté
& de senteur tous les autres. Depuis, Commode
l'Empereur (incommode à tout le monde) se souciant
bien petit du cinnamome & du theriaque,
laissa perdre tout ce qui estoyt demeuré de bon,
& que les bon Empereurs, ses predecesseurs, avoyent
amassé de long temps par grande singularité
: de sorte que, Galien vint à composer le
Recto de la feuille 11
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
theriaque pour l'Empereur Severus,
il fut contraint de prendre le plus viel cinnamome qu'il
trouva de reste au palais desdits Empereurs : qui estoyt
(ainsi comme il dit) fort foible de senteur & de
force : & si ne passoyt pas trente ans qu'il avoyt
esté aporté à Romme. Quant aux
autres huiles, le Narcissin
(qui se fait de la fleur de Narcissus, que les François
nomment la fleur de Pasques) & l'Irin,
de la racine du glaieul, se faisoyt au temps de Pline,
bon en Pamphilie,
mais meilleur, plus suave, & l'Iris de Florence
tienne aujourdhuy le premier lieu. L'huile Rhodin
à esté toujours le meilleur à Naples
& a Capoüe,
&, du temps des anciens, à Malthe : à
cause de la bonté des roses, desquelles on fait
aujourdhuy la meilleure conserve & la plus belle
que l'on puisse trouver : & duquel, comme recite
Possidonius
usoyent les Carmaniens
ponr reprimer les vapeurs du vin. Le Nardin
se trouvoyt le meilleur à Rhodes, qui se composoyt
d'huiles Omphacin,
de been, bois
de baume, fleur du jonc odorant, calame
odorifére aromatisés avecques l'Amaracus
(qui est la mariolaine) coste,
amoine, nard, casse
odorante, du fruit de baume & de myrrhe. Et ceux,
qui le vouloyent rendre plus pretieux, y ajoutoyent
du cinnamome : qui avoyt ja trente ans, au cabinet de
Marcus
Aurelius Antonius, pour luy faire sa theriaque
: de laquelle il usoyt tous les jours. Car, à
ce que dit Galien,
il ne feut avoir la patience qu'il n'en prist deux mois
apres qu'il l'eu fait : &, à ce que
recite Dion
en la vie dudict Marc
Aurele, il estoyt si sujet à maladie, qu'il
ne prenoyt rien sur jour, outre ce medicament, qu'estoyt
le theriaque
: &, ne prenoyt pas tant ce pharmaque
pour crain-
C3
Verso de la feuille 11
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique crainte qu'il eust d'estre
empoisonné, que pource qu'il avoyt l'estomac
debile. Il y à long teps que telle cõposition
n'a esté vrayment faicte, pour avoir esté
les noms de plusieurs simples corrompus par les Arabes.
L'huile Balanin,
que les Anciens ont ainsi nommé, se faisayt du
gland unguentaire
nommé des Grecs murszalanv.*
Les Perfumeurs l'ont appelé huile de been
: pource que le fruict a esté nommé des
Arabes. Sa proprieté toutefois porte (combien
qu'il soyt fort vieil) qu'il ne ransit point. Qui est
la cause que lesdits Perfumeurs s'en servent,
pour incorporer leurs mixtions, qu'ils font pour perfumer
gands, faire pommes de senteurs, & patenostres,
avec le musc,
ambre, & zybed, & autres senteurs odoriferentes.
Ce gland s'apportoyt autrefois de la region Barbarique
(qui est au jugement des doctes, l'Aethiopie en general,
ou la Troglodytique partie d'icelle) & usoyent de
la liqueur tirée de la chair de son fruict les
Perfumeurs, comme recite Galien.
Et n'est pas de merveille si le fruict, duquel se prend
cest huile, a esté nommé des Anciens Gland
unguentaire
: pource que sa liqueur est la plus propre &
la plus frequentée es compositions de leurs unguens
précieux & odoriferes. C'est grand'chose
qu'en toutes les liqueurs unctueuses ne se treuve que
l'huile de Been, qui ne soyt subiet à ransir
: & pour sa vertu particulière, detrempent
les unguentaires
toutes leurs compositions odoriferentes en cest huile
de Been : pouce qu'ils sont affeurés qu'elles
se peuvent garder sans craindre l'injure du temps. L'Amaracin
estoyt le meilleur en isle
de Coo (que nous avons depuis nommee Langou)
&, selon la diversité & proprieté
de tous ces huiles, les Anciens en usérent en
leurs bains, pour garder & entretenir leur bonne
santé : &, à
* Retranscription grecque aléatoire.
Recto de la feuille 12
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
ce que nous lisons, ils se faisoyent frotter
les sourcils & les cheveux, le col & la teste,
d'huile de Serpolet (qui est autrement nommé
Polliot) dict Serpyllinum, & les bras de celuy de
Sisymbre (qui est mente aquatique) & de celuy de
Cresson, & de l'Amaracin
ou Mariolaine, les os & les nerfs. L'Amaracin estoyt le
meilleur de tous principalement pour l'hyver, &
pour ceux qui habitoyent es regions froides. Les plus
delicas des Atheniens (comme recite Cephisodorus)
se faisoyent oindre les pieds d'onguent
: & telle estoyt la coustume en Athenes comme il
le dit. Nous lisons que les Thoriciens,
peuple d'Attique, se frottoyent les jambes depuis le
genoil en bas, & jusques à l'extremité
des pieds (*) les jouës & les mammelles, (*)
: l'un des bras, (*) : les sourcils, & les cheveux,
(*) : les genoils & le col, (*). De l'huile Baccarin
(duquel nous avons parlé cy dessus) ont escrit
plusieurs Comiques, & principalement Hipponax,
quand il a dit (*), dont le sens est tel : Je me perfume
le nez & visage du baccarin. Toutefois Aeschylus
a mis la difference du baccarin aux autres onguents,
disant ainsi : (*) : c'est à dire, le demande
le baccarin & les perfums. Par resolution les Acoliens
nommerent (*), les onguents, que les autres Grecs (*)
: parce que la plus grand partie de la composition des
onguents, se faisait à Smyrne
: &, ce qu'ils nommerent Stacte,
est faict de la seule myrrhe, comme dit Athenæus.
Par ces compositions nous congnoisons la grande recommendation,
où furent ces huiles à l'endroit des anciens
Rommains : veu que les Italiens en ont gardé
les noms & usage, jusque à ce jour : &
outre ceux-cy, de l'huile Imperial, de l'huile de fleur
d'Oranges, de Jasmin, de Benioin, & du Stirax :
mais
* Termes en grecs non établit.
Verso de la feuille 12
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique principalement de l'huile Royale
nomme des Grecs (*) dont usérent les Roys des
Parthes, comme nous lisons en Pline
: qui en escrit la composition, & de plusieurs,
qui se vendent par les Myropoles
& Unguentaires,
que nous avons nommés Perfumeurs. Les montaignes
de Perse portent des noix Persiques, desquelles l'on
faisoyt l'huile pour le Roy, comme dit Amyntas.
Et en Carmanie,
(auteur Ctesias)
estoyt composé l'huile Acanthin,
duquel le Roy du païs se faisoyt frotter le corps.
De l'huile qui a esté nommé des Grecs
(*) a fait mention Theophrate
au livre qu'il a fait des odeurs : lequel afferme qu'il
se faisoyt des olives non encores meures, & amandes.
Les autres compositions, seches & arides (que les
Grecs ont nommées (*) servoyent, selon Pline,
pour arrêter & secher la sueur de ceux, qui
sortoyent des bains, pour apres se laver d'eaue froide.
Je croy que ce peuvent estre poudres
semblables à celles de violettes & de Cypre
: dont l'on use encore aujourdhuy. Toutes ces compositions
liquides se faisoyent avecques huiles : &, d'autant
que l'huile estoyt plus gras, elles estoyent meilleures
& plus utiles. Qui fut cause que l'huile d'amande
fut le plus propre & le plus estimé anciennement.
En parlant des huiles, Dioscoride
dit que ceux, qui se font sans y ajouster autre chose
que ce que l'on prend du fruict des arbres, ou de la
semence, sont nommés huiles, & tous les autres,
unguent
: qui sont composés d'huile, & d'autre matiere
: comme les huiles Rosat, Sansucin,
Amaracin,
Melin, Telin,
Eleatin, Oenanthin,
Anetin, Crocin,
Megalin, appelé des
Grecs (*), comme dit Sosibius,
& de l'unguent duquel a parlé Epilycus,
dict Sagedes,
& de plusieur sautres, que je passeray, n'ayans
pas deliberé d'escrire en ce petit Traicté
si grand nom-
Recto de la feuille 13
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique bre de compositions, & encore
moins de parler des bains salés, sulphurés,
alumineux,
bitumineux,
ferruginés,
& plusieurs autres : & des composés avecques
des plantes, & fleurs : ni de ceux qui sont faits
pour restorer & remettre fus les personnes, qui
sont consumées & extenuées par maladie,
remettant ce demeurant aux Médecins. Ains j'ay
voulu sommairement escrire de ceux, qui estoyent du
temps des anciens Grecs, & Rommains : qui les frequentèrent
pour conserver la santé, & pour obvier
à plusieurs maladies. Car c'est un reméde
singulier pour les gens de lettres, que le bain : si
nous voulons croire Gallien,
au troisiéme liure, qu'i la fait pour entretenir
la bonne santé. Pour obvier à toutes ces
grandes depenses, Athenæus
recite que les Lacédémoniens
chaçoyent les vendeurs de toutes ces delicates
compositions : pource qu'ils perdoyent & consumoyent
inutilement l'huile comme les teinturieres des laines,
qui corrompoyent la blancheur : & Pline
dit qu'il est certain que les Rommains n'en firent pas
moins, apres la defaite du Roy Antiochus,
& que l'Asie fut suppeditée,
lannée, depuis que la cité de Romme fut
fondée, cinq cens soixante cinq : &, alors
que Publius
Licinius Crassus, & L. Julius Cesar estoyent
Censeur, fut faict un edict que personne ne vendist
huiles & unguens exotiques : ainsi nommerent les
estrangéres & peregrines compositions. Or,
pour monstrer en quelle reputation estoyent, je reciteray,
en passant, les paroles de l'Empereur Vespasian
à un jeune adolescent, bien perfumé :
qui le venoyt remercier d'un magistrat, dont il avoyt
esté pourveu : auquel il dit, tout fasch : J'aimeroye
mieux que tu sentisses les aux : faisant revo-
Verso de la feuille 13
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique quer les lettres de l'office,
qu'il luy avoyt donné. En cela le sage Empereur
fuyuoyt la mouche à miel : qui ne peut endurer
la senteur, ains picque aigrement ceux, qu'elle sent
perfumés. Suyvant aussi l'opinion de Cicero
: qui dit que les odeurs, qui sentent la terre, sont
plus gratieuses que celles, qui tiennent l'odeur du
saffran. Par la lecture de ce, que nous avons dit ci-dessus,
l'on congnoistra les grandes despenses, que firent les
Rommains, à bien edifier leurs bains : ou ils
ne garderent ny moyen ny mesure. Ce qui se voyt par
les ruines des thermes
d'Antonin,
& de Diocletian,
à Romme : ou se treuvent coulomnes de marbre
de couleur differentes, & lieux infinis appropriés
à plusieurs usages : qui estoyent entretenus
curieusement par les anciens : qui se lavoyent quasi
tous les jours, en provocant la sueur, pour entretenier
leur bonne santé. Ce que monstre Seneque
en ses Epistres à Lucille,
quand il dit que Scipio
l'Africain, qui s'estoyt retiré voulontairement
à Linterne,
en une maison, qui estoyt construite de pierre quarrée
: avoyt en sa vile un bain estroict & obscur, lequel
ne luy eust point semblé chaud, sans qu'il eust
esté obscur : & en ce petit bain l'horreur
de Carthage Scipio lavoyt son cors lassé, apres
qu'il avoyt travaillé tout le jour en ses oeuvres
champestres & rustiques. Depuis, les Rommains tournérent
les bains en delices, & firent les thermes pour
aider à la digestion crue de l'estomac. Qui a
fait dire à Pline,
chastiant une si mauvaises façon de faire, que
pour ceste cause en son temps avoyent ordonné
les bains chauds les Médecins : qui avoyent persuadé
aux Rommains que la concoction & digestion de la
viande se faisoyt par ce moyen dedans l'estomac : combien
qu'au sallir des bains ils se trouvassent si mal, qu'ils
Recto de la feuille 14
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique se faisoyent porter, par trop
croire les médecins, tous vifs en leurs sepultures.
Pour les bons Capitaines & Empereurs Rommains, nés
au labeur, furent ordonnés les bains, & non
pour délices, dont usa depuis le peuple de Romme.
Car ils furent à la fin si communs, que les Princes
se lavoyent avecques le peuple : & fut le premier
Hadrian
: lequel, en se lavant un jour aux bains, & regardant
un vieux soldat (qu'il avoyt autrefois congnu en la
gendarmerie) qui se frottoyt le dos contre les murailles,
apres avoir entendu de luy que c'estoyt par necessité,
luy donna serviteurs & argent par grand liberalité.
Une autrefois plusieurs gens-d'armes vindrent aux bains,
pour ainsi provoquer la liberalité du Prince
: & alors Hadrian leur commanda que chascun frotast
son compaignon, par grand risee.
Nous
avons asses demeuré sur les Bains, thermes,
& Lavacres;
Nous escrirons presentement des Gymnases, & de la
Palestre : que les Grecs firent pour exerciter les jeunes
gens, les uns à luiter, à jover de l'espee,
à la picque, & les autres à sauter,
à tirer de l'arc, à lancer le dard à
picquer les chevaux, à voltiger, à courir
au stade, & à toutes autres militaires exercitations.
Et pour unciter les jeunes enfans à la vertu,
ils faisoyent dreçer statues aux Gymnases, pour
la memoire de ceux qui estoyent parvenus à la
sommité de ces exercitations & disciplines
: lesquelles statues reposoyent sur base insculpées
& gravées des inscriptions & excellence
de leurs exercices. En ces Palestres
devoyent estre mis les jeunes enfans (comme dit Aristote,
au huitiéme
des Polytiques) pour les rendre plus forts
& plus robustes. Encores Plato
ne reprouvoyt point que les vier-
Verso de la feuille 14
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique ges s'exercitassent toutes nues
à jetter le Disque, à courir, à
luiter : fut son opinion que non seulement les jeunes
filles, mais encores les femmes d'aage, luiteroyent
avecques les hommes, pour entreprendre, avec la patience
de ces labeurs, choses ardues & difficiles. Ce que
Xenophon
a monstré en la politie
des Lacédémoniens
: qui dit que Lycurgus
pensa que les esclaves suffiroyent pour faire les robes,
& accoustremes, & que les femmes libres (qui
vaqueroyent à faire des enfants) exerciteroyent
leurs corps comme les hommes : cuidant
que de tous deux les enfans se feroyent plus robustes
& plus forts, fuyant l'opinion des Grecs. Cicero
ne reprouve point toutes choses, quand il escrit que
ceux, qui donnérent la façon de viure
aux Republiques de Gréce, voulurent fortifier
le corps des jeunes hommes, avecques le labeur. Ce que
les Spartiates
avoyent traduit aux femmes : lesquelles aux autres viles
vivoyent serrées dedans les murailles delicieusement.
Parquoy Properce,
perdu d'impatience d'amour, se plaignant que les filles
rommaines n'estoyent point veves publiquement, loue
la Palestre
Spartiane,
avecques une vehemence d'amour & fureur de jeunesse,
tout ainsi :
Multa
tuœ, sparte, miramr jura palæstæ, Sed
mage virginei tot bona gymnasii. Quod non infames
exercet corpore laudes Inter luctantes nuda puella
viros, Cum pila veloceis fallit per brachia jactus,
Increpat & verfi clavis adunca trochi, Pulverluentaque
ad extremas stat fœmina metas, Et patitur duro vulnera
Pancratio,
Recto de la feuille 15
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
Nunc
ligat ad cœstum gaudentia brachia loris, Missile
nunc disci pondus in obe rota, Gyrum pulsat equis,
niveum latus ense revincit, Virgineumque cavo protegit
ære caput.
Lire la totalité de ces Élegies de Properce
que nous propose J. Grenouille en 1834 en
latin et en français.
Pour
retourner à notre propos, les Princes frequentoyent
non seulement les Gymnases, pour plaisir & pour
congnoistre les bons Athletes, mais aussi pour ouir
les disputations des philosophes, & de ceux qui
disputoyent autres facultés & disciplines.
Parquoy faloyt qu'en ces Palestres
fussent diverses habitations, grandes places, &
Portiques
: que nous avons nommés galeries) & aux Portiques
Exedres
spatieuses : qui estoyent lieux semblables aux escoles
publiques, & mieux aux chapitres des cloistres de
noz Religions : & là estoyent sieges ordonnés
: ou estoyent assis les Philosophes & ceux qui prenoyent
plaisir à disputer. Outre les Exedres se trouvoyent
Peristyles
quarrés (qui estoyent garnis & enuironnés
de coulomnes, qui avoyet douze cen piéds de tour)
pour se pourmener, que les Grecs nommerent (*). L'un
des Portiques, & celuy, qui regardoyt sur la region
du midi, estoyt double, pour eviter que le vent ne portast
la pluye jusques au dedans. De ce double portique tenoyt
le milieu l'Ephebeum
: qui estoyt la place, ou les adolescens avoyent sieges
pour estudier, comme nous pourrions dire les sieges
extrémez
des chores ecclesiastiques. Et devoyent avoir ce Portique
plus de longueur, la troisiéme partie, que de
largeur. Au plus presestoyent
lieux ordonnés pour le service de ceux, qui s'exercitoyent
en la Palestre : comme le Corycée
(qui estoyt le jeu de la grosse bale, nommé Corycum)
& conistere
: qui servoyt à tenir la poudre
de ceux, qui luittoyent à force de bras : &
aux Geometriciens,
* Termes en grecs non établit.
Verso de la feuille 15
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique pour designer, en estudiant, leurs
figures. Entre ces portiques avoyt petits bois, jardins,
& vergers, plantés en quincunce, ou à
la ligne, dont les arbres estoyent lauriers, cyprés,
palmes, myrrhes,
pins, sabines,
jeneures, cedres, tamaris,
houx, bovis,
& oliviers : qui sont tous arbres qui ne se despovillent
point de leurs feuilles, & rendent pour cela les
vergiers plaisans : & si donnoyent aux Athletes
& à ceux, qui les regardoyent, outre l'ombre,
senteur & verdure, confort & consolation. Parmy
ces arbres se faisoyent pourmenoirs & hypetrres
ambulations : que les Grecs ont nommés (*) &
que nous pouvons interpreter descouvertes & soubs
le soleil ausquelles l'hyver (quand le temps estoyt
cler & beau, & le ciel serin) les Athletes,
appelés Xystiques
pour le Xyste,
qui estoyt couvert, descendoyent pour se pourmener,
exciter, & courir. Apres le Xyste estoyt le stade,
lieu de la course : qui estoyt faict par telle
maniere que chacun, à son plaisir, pouvoyt regarder
courir les Athletes : qui estoyent (comme dit Julius
Pollux) tous ceux, qui s'exercitoyent au
Gymnase de la Palestre.
Apres que nous avons congnoissance des habitations diverses
de la Palestre, il faut exposer, à cette heure,
qui estoyent les noms de ces Athletes. Et premierement
nous escrirõs de ceux, qui de celerité
passoyet tous les autres : lesquels les Grecs nomméret
(*) : c'est-à-dire Coureurs : qui couroyent legérement
& longuement : & avoyent la force & le pouvoir,
en courant, de pousser & retenir leur adversaire.
De ces coureurs les uns estoyent Stadiodromes
(pource qu'ils couroyent au stade) & les autres
Diaulodromes
: qui redoubloyent leur course : c'est à savoir
que, quand ils avoyent couru jusques aux metes[3],
retournoyent, dont ils estoyent partis.
* Termes en grecs non établit.
Recto de la feuille 16
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique Des Diaulodromes
couroyent six courses au stade : toutefois ils est à
presumer que c'estoyent ceux, qui le plus longuement
continuoyent une course : & les Athletes, qui se
exercitoyent nus à la luitte, furent nommés
Palestiques.
Telle coustume de monstrer au Gymnase le corps nud,
& de le frotter d'huile, vient des Lacedemoniens
: ainsi que nous le lisons en Thucidide. Les autres ajoustérent
de la terre avecques l'huile : & telle composition
fut depuis nommée Ceroma
: qui servoyt pour fortifier les nerfs & les mebres
(pouce que l'huile mollifie le corps : & luy donne
force & vigueur) selon Pline
qui dit : Duo sunt liquores corporibus humanis gratissimi,
intus vini, foris olei : arborum è genere ambo
prœcipui, fed olei necessarius, C'est à dire,
qu'il ya deux liqueurs gratieuses pour le corps humain,
le vin pour le dedans, &l'huilé pour le dehors
: l'huile toutefois fort necessaire. Encore parlant
ledit Pline d'Auguste
Cesar, qui s'enqueroyt de Romulus
Pollio son hoste (qui avoyt passé
cent ans) du moyen qu'il avoyt tenu, pour garder la
vigueur & force de son corps : il luy respondit,
Intus mulso, foris oleo : qui nous fait congnoistre,
que l'huile de sont temps a esté meilleur pour
les parties exterieures, que pour les interieures. Combien
que anciennement l'on servoyt l'huile à la premiere
table, comme l'on fait encore aujourdhuy. Et celuy se
trouvoyt en plus grand estime, qui estoyt le plus blanc
: comme à-present entre nous l'huile vierge :
duquel a parlé Antiphanes
auteur Grec, qui l'a nommé huile Samique.
La renommée dure encores de Democritus
Abderites
qui avoyt deliberé de donner fin à la
longue vieillesse : & pour ce faire, journellement
il appetissoyt son manger : parquoy il fut prie de ses
femmes domestiques de se laisser point mourir aux
Verso de la feuille 16
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique
jours, qui estoyent consacrés à Ceres
: ce qu'il accorda, commandant qu'on luy apportast un
vase plein de miel, qu'il mangea : & par ce moyen
prolongea sa vie jusques à ce que les Cereals
(jours consacrés à la Deesse) fussent
passés. Et interrogé de ses amis, comme
pourroyt un homme en santé viure longuement :
il leur feit responce, s'il usoyt du miel par le dedans,
& de l'huile par le dehors. A ce propos servent
les paroles de Themistocles
: qui se mit en cholere contre son argentier (qui luy
rendoyt compte de la despence) d'une bien petite somme
d'argent, qu'il avoyt emplié pour acheter de
l'huile : & regardant les assistants, qui
s'ebahissoyent bien fort de son espargne, il commença
à leur dire, qu'ils avoyent mal entendu la cause
de son courroux, qui estoyt pource que son cuisinier
luy fait trop manger de l'huile assés mauvais
pour le dedans du corps de l'home. Quant
aux olives, on les servoyt anciennement à la
seconde table : desquelles les unes estoyent nõmées
des Grecs(*), & des Latins drupoe,
quand les bacques (comme tesmoigne Pline)
commençoyent à noircir. Diphilus
a dit qu'elles sont de bien petit nourrissement, &
engendre douleur de teste : & que les noires sont
pernicieuses à l'estomac. Les plus saines &
les meilleures sont celles, qui ont esté nommées
des anciens (*). Les autres qui sont confictes avecques
le fenoil, ont esté dictes (*) & celles,
qui estoyent pilées dans un mortier, furent appelées
des Atheniens, (*), comme recite Athenaeus.
Quoy que disent les Grecs, les Rommains userent des
olives depuis le commencement de table jusques à
la fin : comme dit Martial,
Hæc,
quæ Picenis venit subducta trapetis, Inchoat
atque eadem finit oliva dapes.
* Termes en grecs non établit.
Recto de la feuille 17
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique Plusieurs autres especes ont esté
nommées de Macrobe
& Pline
: comme les Africaines, Liciniene, Sergianes, Salentines,
& Royales. Et certainement de toutes les olives
la plus grosse est meilleure pour manger, que la petite,
qui est plus convenable pour faire l'huile : comme Columelle
l'escrit au sixiéme liure de la chose rustique.
A l'olive firent cest honneur les Rommains, qu'ils en
coronnerent ceux qui triomphoyent en leurs petis triomphes
: & la Grece coronnoyt les visiteurs à Olympe
d'olivastre.
Les Atheniens en leurs monnoyes accompaignerent la chevesche
(consacrée à Minerve)
d'une branche d'olive : comme plus amplement nous en
monstrons la figure au liure de noz Antiquités
de Romme. Aucuns ont voulu dire que l'huile servoyt
pour rendre le corps des Palestrites
plus lubriques,
& pour prendre les bras avecques une plus grande
difficulté : toutefois les Grecs (qui furent
les premiers inventeurs de tous vices) le tournoyent
à luxure,
en le publiãt aux Gymnases : & l'huile, qui
servoyt pour les Athletes, fut à la fin mxtionné
de choses odoriferentes : si nous voulons croire Pline
: qui dit que aucuns mesloyent aux Gymnases senteurs
avecques l'huile, mais plus utiles & de moindre
valeur. Apres que les Luitteurs sestoyent faits oindre,
ils estoyent arrousés & couverts d'une poudre,
ou sable (qui estoyt nommé Aphé)
pour aider â fortifier le corps. Ce que nous enseigne
Lucain
: quand il dit, en parlant du combat d'Hercules
& d'Anteus
: Auxilium
membris calidas insundit arenas 1. Qui
nous fait cognoistre que les Luitteurs & Pugiles
combattoyent avecques la poudre : dont est venu le proverbe,
que l'on disoyt entre les Grecs (*) : qui veut dire
1 Auxilium membris calidas insundit arenas : arrose d'huile ses membres nerveux. Livre
IV de Lucain Lapharsale * Termes en grecs non établit.
Verso de la feuille 17
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique emporter la victoire, sans
s'estre mis en besogne, sans peine & sueur, ne se
presentant personne au combat. Ce que nous lisons dans
Pausanias
: qui parle de Dioreus
Athlete : qui avoyt esté victorieux à
Olympe (*): que Pline
a interpreté sans poudre
(c'est-à-dire, sans que nul se presentast pour
l'attendre, & sans qu'on le mist en peine de prendre
la poudre pour faire son devoir) quand il escrit,
au trentecinquiéme de l'Histoire naturelle, qu'Alcimachus
avoyt peint ou portrait Dioxypus
: qui estoyt demeuré victorieux à Olympe,
sans avoir combatu : que les Grecs avoyent dit (*),
& à Némée
(*) (c'est-à-dire, de force apres avoir conbatu)
pour le nom de la poudre : qui estoyt nõmée
(*): dont est venu au Gymnase le nom de Conistere
: duquel nous avons fait mention ci-dessus qui servoyt
pour garder la poudre palestrique
: laquelle fut de si grande curiosité aux anciens,
qu'ils la faisoyent venir d'Aegypte : comme recite Tranquillus,
quand il monstre l'indignation du peuple de Romme contre
Néron
: qui avoyt fait venir, au temps de la famine publique,
un navire, chargé de ceste poudre, pour les Athletes
de la court. Son usage nous enseigne Pline : qui escrit,
que la difference estoyt bien petite de la poudre Puteolane
à la plus subtile partie du sable du Nil : non
qu'elle servist pour resister aux ondes de la mer, comme
la poudre de Pussol
: mais bien pour esseminer
les corps des Athletes en la Palestre
: & d'Aegypte la faisoyt venir à Rõme
Patrobius
liberte de Nero. Leonatus,
& Meleager,
Capitaines d'Alexandre
le Grand (comme il dit) la faisoyent porter
apres eux avecques leur bagage. Les pyctes
ou Plectiques,
que les Latins nomment Pugiles,
combattoyent à coups de poing : &, en frappant
leur adversaires
* Termes en grecs non établit.
Recto de la feuille 18
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique comme dit Cicero
second des Tusculanes, ils se plaignoyent in
jettant les Cestes, non par faute de courage,
ou pour douleur qu'ils sentissent, mais pource qu'avec
le cry & la voix ils avoyent le cueur plus grand,
& donnoyent le coup plus véhement. Et, pour
venir au combat, ils s'accoustroyent les bras &
les mains de Ceste, qui estoyent faicts de cuir de buffle,
remplis de plomb par dedans. De ce combat escrit la
façon Virgile,
au cinquiéme des Æneides : qui en donnera aux lecteurs
la cognoyssance, avecques la figure retirée de
l'antique, que j'ay fait peindre ci-apres.
E
2 COM
Verso de la feuille 18
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique Page recouverte d'une gravure
Combat
des Cestes entre Dares
& Antellus,
selon la description Virgile.
(GRAVURE)
Recto de la feuille 19
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique Les Pancratiastes
estoyent Luitteurs & Pugiles
tout ensemble, & les Discoboles
jettoyent une boule ronde de pierre
ou de cuyure, persée par le milieu, appelé
le Disque : &, d'autant que celuy qui le jettoyt
estoyt plus fort, il le recevoyt de plus haut à
force de bras. Quant aux sailleurs,
ils portoyent en leurs mains, pour mieux saillir, des
Alteres : qui estoyent petites maces, ou boules de plomb,
faictes à la façon d'un cercle, qui avoyt
la moitié plus de longueur que de largeur : &
si avoyent des boucles pour y mettre les mains à
l'aise, comme dedans un bouclier. Le lieu, dont partoyent
les Sailleurs, les Grecs le nommerent (*), & lamesure
(*), & le saut (*) : c'est à dire, fossé
pource que le saut le plus souvét se faisoyt
à sauter sur un fossé, pour servir à
l'exercitation
militaire, & pour garder l'ennemy à la guerre,
en sautant un fossé, de se sauver. Tous
ceux, qui s'exercitoyent en ces cinq especes de jeux
(c'est à savoir à courir, à luitter,
à saillir, à ruer la barre de fer, &
aux Cestes
(furent nommés des Grecs (*), & des Latins
Quinquertiones
: desquels à parlé Pline,
en parlant de Myroné
: qui avoyt un discobole, Minerve,
les Penthales
Delphiques,
& les Pancratiastes.
Les autres exercitations furent différentes.
Car les unes estoyent lentes, & les autres robustes
& legéres tout ensemble. La robuste, de laquelle
les Grecs s'exercitoyent violentement sans celerité,
fut par eux nommée (*), & la violente (*).
La valide estoyt comme de monter par une corde à
force de bras : & telle exercitation faisoyent exerciter
les jeunes enfans ceux, qui les préparoyent à
la force. Car il est certain, si l'on monte par une
corde à force de bras, que c'est une robuste,
& valide exercitation, outre toutefois la celerité
: & si est meilleure celle, qui se faisoyt en jettant
E
3 les
* Termes en grecs non établit.
Verso de la feuille 19
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique les Alteres, ou bien de tenir
en un lieu le pié ferme, & à la main
une pomme, qui ne se puisse oster : comme le faisoyt
Milo
Crotoniates, pour monstrer une grande ostentation
de force. Et Sostratus
Sicyonius, Athlete Pancratiaste,
estoyt si fort, que Pausanias
recite qu'il fut sornommé Acrochersites
: pource qu'en prenant son adversaire avecques les mains,
il le froissoyt de telle sorte, qu'avant que de le laisser,
il le contraignoyt â mourir. Au contraire, les
exercitations
legéres estoyent sans force & violence :
comme (*) & (*) : dont (*) se faisoyt marchãt
sur le bout des piés & remuant continuellement
les mains, l'une par devãt en haut, & l'autre
par derriere en bas : & (*), quand en la sixiéme
partie d'un Stade appelée (*), on couroyt s'evançant
& reculãt alternativement, sans se tourner
ça ny là : & à chasque course
on gaignoyt quelque avancement, jusques à ce
qu'on fut venu au bout. La
Pile ou la Paume,
la petite Bale, l'Harpastum
( qui est la grosse Bale, ou Pelotte) la Sciamachie
( qui est un cõbat umbratile,
que nous disons le jeu de l'escrime, lequel les Lanistes
& Maistres-d'espee mõstrent & enseignent
aviourdhuy par tout le monde) & le Phenis
estoyent toutes exercitations légeres : desquelles
a parlé Galinus,
au second liure, qu'il a fait pour garder la bõne
santé. Le jeu de Phenis estoyt (comme dit Alexandrinus)
quand celuy, qui tenoyt une Bale, faisoyt semblant de
la jetter à celuy de ses compaignõs, qui
le regardoyt : toutefois il la jettoyt à un autre
: & fut ce jeux nommé Phenis de l'inueteur
(qui estoy nommé Phenestius)
ou bien (*) : qui signifie decevoir, pource que ce jeu
n'estoyt autre chose que de trõper son compaignon.
Les exercitations, qui estoyét cõposées
(cõme nous avõt dit) de la robuste &
de la légére, estoyt jetter le Disque
( qui est une
* Termes en grecs non établit.
Recto de la feuille 20
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique grosse pierre ronde
& percés au milieu) sauter sans se reposer,
& jetter incessamment une grosse barre de fer. si
ceux qui s'exercitoyet ainsi, se reposoyent, cela
faisoyt la différence de l'exercitation
cõtinuelle à l'interposée qui nous
fait congnoistre la varieté de ces exercices
: qui servoyent les uns pour les os, cõme la
course : (*), & la sciamachie
pour les bras & les mains. Ceux, qui demandoyent
l'exercitation
du corps, faisoyent mettre les Alteres devant eux l'espace
d'une aune. Depuis qu'ils estoyet au milieu, sans remuer
les piés d'une place, en pliãt le corps
ils les dreçoyent, pour les mettre l'un en la
place de l'autre : & par ce moyen ils exercitoyet
tout le corps, avecques ces mouvemens : qui furent tous
introduits & trouvés des Grecs, pour entretenir
leur bonne santé. Les gens de lettres s'exercitoyent
à lire à haute voix : que les Latins ont
nommé affa
voce.
Pittacus,
Roy des Mytileniens,
avoyt une estrãge façon de s'exercer qui
estoyt de tourner une meule : & tel exercice il
trouvoyt bon pour sa santé. Les autres tiroyent
de l'ave, & portoyent & couppoyent du bois.
Ce que j'ay veu faire souvente fois à l'un des
plus doctes hõme de nostre Europe. Il ne se trouve
chose, qui tant entretienne la bonne santé que
l'exercitation. C'est le uray bain que le labeur, qui
ne passe point la sueur, car le labeur trop grand est
mauvais. Parquoy suffit à plusieurs persõnes
le pourmener, aller doucement à pié depuis
la vile jusqu'aux champs. Pour satisfaire aux Lecteurs
je me suis mis au devoir de mettre par escrit les exercitatiõs
Gymniques, desquelles usérent les Grecs, car
les Rõmains eurent autres jeux pour passer le
temps : cõme les Circeses,
le jeu
de Troye (que nous appellõs le tournoy)
&, pour l'exercitatiõs, Portiques
& Deambulations, pour se pourmener. Aussi sans
* Termes en grecs non établit.
Verso de la feuille 21
Correspondance
en français moderne
Correspondance exégétique difficulté il n'est choses
au monde, qui tant maintienne & garde le corps,
que l'exercitation
: que Celsus
nous enseigne faire avant de manger, & à
celuy, qui moins a travaillé, plus grande. Au
contraire, l'homme, qui est las & fasché,
la doyt faire moindre, & la prendre plus gratieusement.
Car commodement s'exerciter, lire haut, manier les armes,
jover à la paume, courir, se pourmener, &
plus tost sous le soleil qu'à l'ombre, sont toutes
choses qui gardent la bonne santé : que les Philosophes
ont estimée entre la felicité & bien
divin. Ledit Celsus escrit que l'homme, qui est sain
& qui porte bien, & qui vit en liberté,
ne doyt point obliger sa vie aux loix des Médecins
: & est necessaire qu'il prenne une differente façon
de viure, une fois demeurant aux champs, l'autre à
la vile, à la campaigne, aller par eaue, à
la chasse, se reposer quelque fois, mais le plus souvent
s'exerciter. Car il ne se treuve chose, qui tant rende
hebeté le corps que la paresse, qui haste la
vieillesse, & le labeur rend la longue jeunesse.
Il profite encores de ne fuir point la diversité
des viandes, desquelles le peuple mange. Il convient
se treuver aux festins, & d'autresfois s'en retirer
: & manger deux fois le jour plus tost qu'une :
combien que Cicero,
aux Questions Tusculanes,
escrit que Plato
souloyt reprendre la vie des Italiens : pource
qu'ils mangeoyent deux fois le jour. Qui est contre
l'opinion dudict Celsus : qui dit que le plus salutaire
est de largement disner, & souper sobrement : &,
de la meilleure opinion, il s'en faut rapporter aux
Physiciens & Médecins.
Fin
des Bains & antiques exercitations.
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