Le Massage Dr George Berne
Texte intégral
du 1er chapitre de la p.3 à la p. 16 (Moins la préface)
HISTORIQUE.
Nous
devons admettre, avec Dujardin-Beaumetz,
que six périodes caractérisent l'application
du massage :
1°
La période primitive. {Tahiti,
Mulgaradocks
de la nouvelle-Hollande, les naturels de Île
Tonga
en Océanie,
Sorciers
africains}
2°
La période chinoise {Cong-fou
"livre chinois"} San-Tsai-Ton-Houi (livre
avec gravures sur les mouvements qui font la base de
la gymnastique suédoise.)
3° La
période hindoue. {Chamboning des Hindous (frictions et pétrissage
des muscles}
4°
La période grecque et romaine. {Hippocrate, Oribase}
5°
La période Renaissance. {Guillaume
Du Choul (Discipline des romains, 1555).
Mercurialis1. Paullini. Castelli (lexicon
medicum).
6°
La période actuelle. { Meibonius2, 1795. - Tissot3. Lebâtard,
Estradère, Mezger, Von Mosengeil,
Norström.
École hollandaise, jeune école française
actuelle procédant des pratiques hollandaises,
allemandes, viennoises. Nous l'appellerons volontiers
la période anatomique, scientifique et électrique,
représentée par nos contemporains.
Les procédés modernes, nés en France
avec Lebâtard
et Estradère, se sont développés
à l'étranger, où nous avons dû
les ressaisir pour les ramener en France, leur point
de départ primitif.
1 (De Arles gymnastica (1573) (Il s'agit en fait de De Arte gymnastica de 1569 par Jérôme Mercurialis) 2
(flagellum salutis)
Note interne - Probablement
De l’utilité
de la flagellation dans les plaisirs du mariage et dans
la médecine et dans les fonctions des lombes
et des reins…,
Traduit du latin par Claude-François-Xavier
Mercier de Compiègne, Paris, 1795.)
3 (Utilité de
la flagellation)
(Page 4)
1°
Nous passerons rapidement l'histoire concernant la période
primitive, sur laquelle on ne peut avoir que des données
trop incertaines. Les Mulgaradocks
de la Nouvelle-Hollande, les sorciers
africains, les naturels de l'île
Tonga,
en Océanie,
les habitants de Tahiti
pratiquent et ont pratiqué, comme tous les peuples
sauvages,
une sorte de massage, de friction n'ayant
d'autre guide que leur instinct.
2°
C'est en Chine
que sont conservées toujours vivantes les institutions
primitives du genre humain ; c'est donc dans ce pays
que nous devons, à propos de l'Historique du
massage, chercher nos premiers documents
écrits.
La
première mention d'un système de mouvements
propres à entretenir la santé ou guérir
les maladies date de l'époque préhistorique.
D'après
le P.
Amiot (Mémoire
concernant les Chinois
1, p. 210), Yn-Kang-Chi (deuxième empereur avant Fou-Hi) faisait
faire chaque jour de l'exercice militaire à ses
sujets..... Cet empereur traitait aussi les maladies
de ses soldats et entretenait en santé ceux qui
se portaient bien.
Ce même Yn-Kang-Chi institua "les danses tournantes"
appelées TA Vou (le P. de Prémare.
Recherches sur les temps antérieurs au Chou-King
2).
Un écrivain chinois de cette époque attribuait
les maladies à "l'obstruction des humeurs" et
précédait ainsi Hippocrate.
De tous les temps les exercices corporels
ont donc été considérés
en Chine comme le meilleur moyen de conserver
la santé ou de l'améliorer quand elle
était mauvaise ; le fondateur de la dynastie
des Chang, 1766 avant notre ère, l'avait fait
graver en ces termes :
"Renouvelle-toi complètement
chaque jour, fais-le de nouveau, encore de nouveau et
toujours de nouveau."
(1) Mémoire
concernant l'histoire, les sciences, les Arts, les moeurs,
les usages des Chinois (par
les missionnaires de Pékin), 15 vol., Paris,
1776-1789. Publié à Paris chez Nyon, Libraire
rue Jean de Beauvais vis à vil le collège.
Berne nous
parle du fameux tome IV (1779) qui comporte la notice
sur le Cong-Fou du Révérent Père
Amiot et les planches décrivant celui-ci
qu'a copié Ling.
(disponible
au CFDRM ) (2) En fait il s'agit de Recherches sur les tems antérieurs
à ceux dont parle le
Chou-King le P.
de Prémare.
( )Note
externe à cet ouvrage, les pages 5, 6, 7, 8 et 9 Voir photos des planches d'Amiot
comportent sur chacune, une
planche de quatre personnages exécutant chacun
une position de Cong-Fou censée prévenir
ou soigner une pathologie.
(Page 10) (Livre sacrés de l'Orient
: la grande étude, p. 155 et 156).
On
appliquait les mouvements rythmés au développement
physique du corps ainsi qu'à la cure de certaines
affections.
Vers
la fin du XVIe siècle, dans une encyclopédie
en 64 volumes intitulée San-Tsai-Tou-Hoeï,
se trouve une collection de gravures sur bois représentant
des figures anatomiques et des exercices
gymnastique ; il y est question de massage,
friction, pression, percussion, vibration et beaucoup d'autres mouvements
passifs.
Ces différents mouvements étaient
employés pour faire disparaître la rigidité
des muscles, les contractions spasmodiques, les douleurs
rhumatismales ; on les employaient aussi après
la consolidation des fractures.
Le Cong-Fou,
qui remonte au temps de Hoang-Ti (2698 avant
l'ère chrétienne), est l'exposé
d'une méthode thérapeutique qui consiste
en trois parties :
1° Une partie comprend les diverses
positions du corps ;
2° Une autre partie indique l'art
de varier les attitudes ;
3° La dernière explique comment,
durant la durée de ces positions et de ces attitudes,
le patient doit respirer1.
3° Inde. _ La médecine parait avoir été
étudiée dans l'Inde depuis un temps immémoriale.
Atharva-Veda,
le quatrième livre sacré, contient un
traité de médecine intitulé : Ayur-Veda,
qui n'est qu'un traité d'anatomie et d'embryologie.
On y recommande aussi l'exercice corporel, les frictions,
le massage.
L'ouvrage de Susruta
n'est que le développement de la partie chirurgicale
de l'Ayur-Veda ; la rédaction de ce livre remonte
au moins à mille ans avant notre ère ;
il y
1. A titre de document ethnologique
curieux, nous donnons ici les 20 figures relatives à
ce système. Nous les empruntons à l'ouvrage
de Dally
(Cinésiologie. Paris, 1859*)). Voir pages 5, 6, 7, 8, 9.
*) En fait, la 1ère éd. est de
1857 et ces planches proviennent en réalité
de l'édition d'Amiot de
1779 , ce-sont elles qui ont inspiré Ling pour
élaborer son Système de gymnastique suédoise,
voir ces gravures.
Nous n'avons pas mis en ligne ces gravures pour en permettre
la comparaison mais si nous les regardons plus en détail
nous voyons que le travail est moins fidèlement
restitué et elle se détériore encore
davantage à l'impression de la 6eme éd.
que nous
avons aussi.
(Page 11) est
parlé de frictions, massages et pressions, contre le rhumatisme chronique. Il
s'occupe aussi des mouvements passifs et des exercices
corporels qui sont toujours précédés
de frictions de malaxations, de pincements et de torsions portant sur les muscles et appliqués
d'une façon méthodique. Ces mêmes
manoeuvres sont répétées après
les exercices corporels.
Ces
manipulations sont employées non seulement chez
les sujets sains, mais encore contre certaines maladies.
4° Grecs
et romains. _ Chez les grecs, le médecin
Herodikos
fut le premier à instituer la gymnastique médicale
(Herodikos était le maître d'Hippocrate).
Hippocrate donna une base
scientifique aux principes donnés par son maitre.
Ses prescriptions furent misent en pratiques par les
médecins les plus célèbres de la
Grèce et de Rome (Antillos, Oribase,
Athoeneous, Asclépiade,
Celse,
Galien).
Galien admettait neuf modes différents de massage.
5°
La
renaissance ne se signale guère par des
travaux spéciaux sur la question (de 1450 à
1600).
Nous
noterons simplement les travaux de Paullini.
Symphorien
Champier, médecin de Charles VIII
et de Louis XII, publie en 1512 un ouvrage intitulé
: Rosa
gallica agregatoris Lugdunensis.
Dans
la première partie de cet ouvrage, il démontre
que les exercices sont très utiles à la
santé.
Ambroise
Paré (1575), dans ses oeuvres, consacre
un chapitre à la l'application du mouvement à
l'hygiène ou aux exercices actifs ; il s'occupe
de la friction, qui dit-il, peut être "dure,
molle ou médiocre".
En
1582, Laurent
Joubert publie un ouvrage dont la première
partie porte le titre suivant : De gymnasiis et generibus exercitationum apud antiquos
celebrum."
Il s'occupe dans cette première partie,
non seulement (Page 12)
des exercices actifs, mais aussi des mouvements passifs,
des frictions.
Cet ouvrage de Joubert n'est qu'une ampliation
de celui du noble seigneur Guillaume du Choul,
gentilhomme lyonnais, oeuvre publiée à
Lyon en 1567 et intitulée : Discours
des bains et antiques exercitations grecques et romaines."
6°
Période moderne. _ En Allemagne, Hoffmann
publie en 1718 un traité de médecine qui
contient un chapitre consacré à la gymnastique
médicale, comprenant les mouvements actifs et
les mouvement passifs.
Il
indique l'exercice comme le moyen le plus hygiénique
de conserver la santé. Il le recommande comme
le meilleur moyen d'entretenir et d'activer la circulation
du "fluide vital".
Il
appliquait les exercices comme moyen thérapeutique,
contre l'inappétence, contre l'hypocondrie, la
phtisie, l'ictère. Il parle aussi de mouvements
communiqués ou passifs.
L'impulsion
une fois donnée, l'idée fut poursuivit
par un grand nombre de médecins, et alors on
vit se succéder en Allemagne un grand nombre
de traités sur ce sujet.
En
France, le fondateur du mouvement
de la doctrine appliqué à l'hygiène
et à la thérapeutique fut Nicolas
Andry, doyen de la faculté de médecine
de Paris (1658-1742).
E.
Andry se montra le plus ardent propagateur de ces méthodes.
Il rédigea une thèse académique
qu'il fit soutenir deux fois à vingt années
d'intervalle (1723 et 1741).
En
1741 il publia lui-même un ouvrage ayant
pour titre : L'orthopédie
ou l'art de corriger dans les enfants les difformités
du corps, le tout par le moyen à la porté
des pères et des mères et des personnes
qui ont es enfants à élever
.
(Page 13)
En 1781 parut le livre du médecin français
Clément-Joseph
Tissot, intitulé : Gymnastique
médicale 1,
ou l'exercice appliqué aux organes de l'homme,
d'après les lois de la physiologie, de l'hygiène
et de la thérapeutique .
Barthez
et les frères Weber
publièrent des travaux importants sur la gymnastique
rationnelle et le mécanisme du mouvement.
En
1794, John
Pugts écrivit un traité ou
The science of muscular action. En 1808, John
Barklay publie une étude intitulée
: The muscular motion of the human body ; il
y cite un cas de contracture rhumatismale du sterno-mastoïdien
rebel à tous les autres traitements et qui fut
guérit par percussion.
En
Suède, Pierre-Henri
Ling né en 1776,
contribua à rappeler l'art de la gymnastique.
En
1813, il obtint la création de l'Institut central
gymnastique de Stockholm , dont
il fut nommé directeur ; c'est surtout la gymnastique
médicale qui fut de la part de Ling l'objet d'études
spéciales. Le système de Ling
est absolument semblable à celui de Tao-sée,
mais il est moins complet.
Son
mérite est d'avoir remis en honneur une méthode
thérapeutique absolument abandonnée depuis
des siècles.
C'est
de l'Institut de gymnastique fondé à Stockholm
par Ling que sont sortis les médecins qui ont
introduit la gymnastique rationnelle à Londres,
Saint-Pétersbourg, Berlin, Vienne et Dresde.
A
partir du XIXe siècle, les ouvrages
publiés sur le sujet sont nombreux :
Essai
sur l'attitude et la position, thèse inaugurale
de M.
Arbey
(Paris 1816).
Propositions
sur les mouvements et l'attitude, par Roulin
(Paris, 1820).
1) Note
interne Concernant le livre de
Tissot, se
n'est pas médicale mais médicinale. En fait, il a peut-être
pris l'information dans la thèse
d'Estradère,
Du massage de 1863 page 28,
à moins qu'il l'ait lui-même eu pour source
le livre de Dally dans
sa Cinésiologie Ed. Librairie Centrale des Sciences, de 1857
, page 84 et 248 il fait la même erreur.
(Page 14)
Dans la suite nous trouvons grand nombre de publications
:
Illustrations
of the power of compression and percussion in the cure
of rheumatism, gout and debility of the extremities
and in promoting health and longevity (Balfur 1).
Méthode
nouvelle pour le traitement des déviations de
la colonne vertébrale (Pravaz.
Paris 1827) .
Le
Dr F.
Werner
publia en 1837 un ouvrage intitulé : Premier
rapport sur l'établissement d'orthopédie
de Koenigsberg de 1826 à 1836.
En
1838 J.-A.-L.
Werner, directeur de l'établissement
d'orthopédie du duché d'Anhalt-Dessau,
publie un ouvrage intitulé : Gymnastique médicale,
art de corriger les vices de conformation et de rétablir
la forme et les proportions du corps humain d'après
les principes de l'anatomie et de la physiologie.
Cet ouvrage, après avoir parlé des différents
exercices propres à amener un parfait développement
du corps, donne la description d'appareils destinés
à corriger les courbures de la colonne vertébrale.
Au
congrès des savants naturalistes et médecins
allemands tenu à Vienne du 16 au 22 septembre
1856, M Reclam, de Leipsig, a traité
de l'influence des mouvements du tronc sur la circulation,
la respiration et l'évacuation des matières
fécales. (Phrase
que l'on retrouve in-extenso page 558
de l'ouvrage de Dally la
Cinésiologie de 1857 TDM )
Piorry,
dans son Traité de médecine pratique
(t. XI, Paris 1847), conseille la friction abdominale
avec pression dans le cas où les gaz développés
dans l'intestin refoulent en haut du diaphragme.
En
1855, Blache
présente à l'académie de médecine
un traité intitulé : Du traitement
de la chorée
par la gymnastique.
La
gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie
du 12 septembre 1856 rapporte l'observation d'un
calcul biliaire retenu dans l'intestin grêle,
où il a déterminé des
1) Il s'agit de Balfour.
(Page 15)
symptômes d'étranglement interne qui ont
rapidement cessés à la suite de la palpation
abdominale.
Cette
observation publiée par M. Marotte,
est particulièrement intéressante par
les conclusion qu'il tire de ce fait : "Pourquoi,
dit-il, ne pas pratiquer dans un but thérapeutique
une manoeuvre qui n'a été employée,
dans ce cas, que dans le but d'établir le diagnostique
? Si pareil cas se représentaient, ne serait-il
pas rationnel, non pas de palper le ventre, mais de
le malaxer en quelque sorte avec précaution
?"
Metzger, né à
Bonn (Prusse Rhénane), où le professeur
Von
Mosengeil(1), son très
savant élève, m'a enseigné toutes
les pratiques du maitre, qui exerçait à
Amsterdam à cette même époque, à
part une courte notice sur le massage des entorses,
n'a presque rien publié, laissant aux adepts
de la méthode le soins, dans l'avenir, d'en vulgariser
les différents succès.
Malgré
son caractère d'éclectisme, le présent
livre procède presque entièrement de ces
mêmes méthodes de l'école de Bonn
adaptées aux progrès incessant réalisés
par la massothérapie,
tant en France qu'à l'étranger.
Ainsi
qu'on a pu s'en convaincre, le massage,
longtemps pratiqué uniquement par les rebouteux
ou les empiriques entre les mains desquels il donna
des succès entremêlés de désastres,
fut considéré comme indigne d'attirer
l'attention des médecins.
Depuis
un demi-siècle, il fut pourtant appliqué
par de courageux praticiens, dont la tentative donna
de remarquables résultats ; il entra dès
lors dans une phase scientifique et peu à peu
les médecins français, frappés
des succès obtenus par leurs confrères
de l'étranger, se sont résolus à
ne plus le considérer comme un moyen thérapeutique
indigne d'eux. Quelques-uns se sont mis à le
pratiquer exclusivement, et on peut dire que, de nos
jours, (1) Il veut dire
Von Monsengeil.
(Page 16) il
a pris le droit de cité dans la thérapeutique
journalière.
En
France, les travaux d'Estradère, de Norström,
de Léon
Petit, de Weber,
de Gilles,
de Jennings,
de Massy
ont grandement contribué à vulgariser
l'étude de la massothérapie.
Nous
devrions faire une mention particulière des oeuvres
d'Estradère, de Petit et de Norström, dont
les travaux sur le massage comptent parmi les
plus importants et les plus remarquables. |