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Page créée le : jeudi 1er août 2013, terminé le : vendredi 2 août 2013
Mots clefs : Histoire du massage en Grèce ; friction ; masseurs/masseuse ; masseur-médecin ; unctor ; masseur-médecin ; iatralipte ; baigneur
Noms Propres : CFDRM de Paris ; Laurent Galopin ; Alain Cabello ; Oribase ; Caelius Aurelianus ; Celse ; Trajan ; Pline l'Ancien ; Pline le Jeune ; Harpocras ; Martial ; Sénèque ; Juvénal ; Hérodicos de Sélymbrie ; Hippocrate ; Prodius de Céos ; Trajan
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Infirmiers et masseurs à l'époque gréco-romaine

 

Bas-relief Information ouverte dans une nouvelle page, stèle votive présente au Musée archéologique du Pirée, Voir l'étude qui lui est dédiée.

Par Laurent Galopin.
P/O le
CFDRM, sur autorisation de l'auteur
Droits réservés.

Rédigé le : juin 2008
Publié par le CFDRM le : jeudi 1er août 2013 et commenté par Alain Cabello, chercheur en massage.

 

Laurent Galopin a accordé au CFDRM de Paris le droit de reprendre ce petit texte sur la place du massage à l'époque greco-romaine et Alain Cabello fut sollicité pour nous en faire un travail de fouille afin de rassembler autour de ce travail les références correspondantes. Ce papier peut être amené à être complété au gré de nos connaissances.
Laurent Galopin possède un master d'histoire ancienne à l'Université Jean Monnet de Saint-Etienne et s'est spécialisé dans la médecine datant de l'époque romaine, il est également à l'origine de ce site http://medecine-ancienne.com.

Ce texte fut prélevé sur http://medecine-ancienne.com/specialites4.php

 

Infirmiers et masseurs à l'époque gréco-romaine

Les riches médecins, qui ont une grosse clientèle, se déchargent des tâches secondaires sur des assistants, dont Oribase raille la prétention. Aucun diplôme n'étant exigé, de nombreux médecins qui n'ont fait que de médiocres études croient être capables d'égaler un grand maître, juste parce qu'ils l'ont assisté pendant un temps. (1)
Ils assistent le chirurgien dans certaines opérations, sans que leur nom (minister) nous en dise plus : sont-ils des salariés du
praticien ou de simples aides empruntés à la familia du patient ? Assez souvent, les assistants sont chargés de passer des pommades ou de faire des massages : chez Caelius Aurelianus, deux assistants massent les flancs d'un patient qui souffre d'une rage de dents, pendant que deux autres lui massent les jambes. Quand il s'agit de crises, nous pouvons penser qu'il s'agit simplement du personnel domestique, qui surveille le patient dément ou le bride dans son délire. (2)
Le
masseur n'est, lui aussi, qu'un subalterne. Il fait généralement partie du personnel attaché aux thermes et est capable de rendre tous les services souhaités par le client : Juvénal évoque une femme qui passe ainsi sa vie aux bains. Martial et Sénèque nous livrent leur part de fantaisie : des dîneurs réclament au cours d'un repas les services d'une masseuse " à la main agile " et un vieillard se fait masser les articulations par des mignons et des courtisanes. En dehors de ces pratiques, il existe des masseurs plus sérieux qui sont au service des familles riches. Ils sont aussi parfois les auxiliaires du médecin, chargés de l'onction ou de la friction. La formule unctor medici de Pline les montre subordonnés à un médecin et les distingue des masseurs chargés des baigneurs et des athlètes. Le massage médical est même indiqué dans le cas de l'épilepsie et de la démence, mais seulement sous la surveillance du médecin. (3)

Le "masseur-médecin", ou iatraliptes, est tout autre chose : adepte de l'iatraliptique, science fondée au Ve s. av. JC par Hérodicos de Sélymbrie, un maître d'Hippocrate (460-377 av. J.-C), spécialiste de la gymnastique médicale. Celse le place au même rang que le médecin, quand il affirme que l'homme bien portant n'a besoin ni d'un médecin ni d'un iatralipte. (4)
Au Ier s. ap. JC, cette spécialité ancienne se constitue comme une branche autonome de la médecine. Utilisant la rééducation fonctionnelle, elle remporte un grand succès dans les gymnases et dans les écoles d'athlètes et de gladiateurs, comme une
médecine sportive destinée à guérir les entorses et les fractures (en quoi elle empiète sur des domaines occupés jusqu'ici par les médecins) (5) : pour comparaison, les équipes sportives disposent de nos jours de kinésithérapeutes à côté des masseurs. Les activités de l'iatraliptes complètent certainement celles du médecin, étant plus qu'un simple masseur qualifié.
Cette technique est florissante aux Ier et IIe s. ap. JC.
Pline le Jeune a obtenu de l'empereur Trajan le droit de cité romaine pour son iatraliptes, l'égyptien Harpocras, qui l'a sauvé d'une grave maladie, dont il ne nous dit rien. (6)

 

Texte de Laurent Galopin publié par le CFDRM le : jeudi 1er août 2013

 

Commentaires par Alain Cabello

Il n'est pas courant de lire des papiers sur la place du massage à ces époques reculées de l'histoire gréco-romaine et que cela provienne de quelqu'un d'autorisé comme Laurent Galopin est d'autant plus stimulant pour moi que cela fait maintenant plusieurs années que je m'applique à vous les restituer patiemment. Le problème avec ces sources c'est qu'elles conservent toujours un côté inaccessible, avec des mentions abrégées, des pierres de rosette bibliographiques longues et fastidieuses que seuls les sachants manipulent avec aisance. CFDRM de Paris, procède depuis quelques années maintenant à la mise en ligne mais aussi à la mise en lien du masso-contenu des textes avec une politique de liens hypertextes facilitant les recherches.

Parfois, le travail que l'on découvre laisse des interrogations auxquelles le CFDRM est en mesure de répondre, donc je me propose, en reprenant ce petit texte de Laurent Galopin, de situer chaque information dans le temps et, fidèle aux habitudes du CFDRM de Paris, de cataloguer les ouvrages afférents afin de les rassembler. Bien sûr, chacun a ses sources mais il est nécessaire de les compiler, c'est le but de ce Centre, si dix auteurs reprennent une phrase en lien avec le massage, même s'il s'agit de celle d'un seul, je veux la liste des livres qui la citent, la page correspondante.

J'ai donc opté pour une division du texte en paragraphe dès lors que j'étais en mesure de le préciser par des entrées numérotées puis je laisse un droit de réponse à Laurent Galopin. J'en profite pour le remercier très vivement pour le très beau travail qu'il a produit.

 

Ière entrée « Les riches médecins, qui ont une grosse clientèle, se déchargent des tâches secondaires sur des assistants, dont Oribase raille la prétention. Aucun diplôme n'étant exigé, de nombreux médecins qui n'ont fait que de médiocres études croient être capables d'égaler un grand maître, juste parce qu'ils l'ont assisté pendant un temps. »

Là il s'agit du médecin grec Oribase (v. 325 - v. 395) ap J.-C. auquel l'Empereur Julien demande l'érection de ce qui sera probablement la plus vaste encyclopédie de l'antiquité collationnant l'ensemble des pratiques médicales d'alors. Sans ce travail, il nous serait très difficile de savoir quel était l'emploi de tel ou tel matériel médical, sa conservation nous est précieuse, comme beaucoup de ces ouvrages il ne nous en est parvenu que des bribes rassemblées et traduites, pour la première fois en français, dans Les Oeuvres d'Oribase, par Bussemaker et Charles Daremberg en 1851 Fiche technique en six forts volumes. Le CFDRM en possède une somptueuse édition en cuir de cordou Information ouverte dans une nouvelle page mais malheureusement incomplète, les trois qui sont à notre disposition traitent de bains et de massage. Je dois d'ailleurs ultérieurement procéder à la mise en liens hypertextes de ces ouvrages mais le travail est considérable et pour l'heure, je m'attelle au référencement du masso-contenu des Oeuvres complètes d'Hippocrate, par Émile Littré en 1839-1861 1ère Ed. Fiche technique en 10 volumes.

Concernant la raillerie d'Oribase, elle n'est pas rare à ces époques où chacun croit connaître l'art de soigner, Hippocrate, (460-377 av. J.-C) page 589 & 591, t. 1er. paragraphe 9 de l'EO, parle aussi de ces mauvais médecins.

• Réponse de Laurent Galopin : les informations proviennent d'un ouvrage fort intéressant : André J., "Être médecin à Rome", paru chez Payot en 1995.

 

IIeme entrée « chez Caelius Aurelianus, deux assistants massent les flancs d'un patient qui souffre d'une rage de dents, pendant que deux autres lui massent les jambes. Quand il s'agit de crises, nous pouvons penser qu'il s'agit simplement du personnel domestique, qui surveille le patient dément ou le bride dans son délire. »

Ici il serait vraiment intéressant de savoir de quel ouvrage vient cette source, cela reste à creuser. Deux masseurs préposés aux flancs et deux autres aux jambes, nous voilà en présence d'un massage à huit mains remontant à l'antiquité Grecque.

• Réponse de Laurent Galopin : je suis allé à la source et donc c'est dans Caelius Aurelianus, Traité des maladies chroniques, TDM Fiche technique, I, 37.

 

IIIeme entrée « Le masseur n'est, lui aussi, qu'un subalterne. Il fait généralement partie du personnel attaché aux thermes et est capable de rendre tous les services souhaités par le client : Juvénal évoque une femme qui passe ainsi sa vie aux bains. Martial et Sénèque nous livrent leur part de fantaisie : des dîneurs réclament au cours d'un repas les services d'une masseuse " à la main agile " et un vieillard se fait masser les articulations par des mignons et des courtisanes. En dehors de ces pratiques, il existe des masseurs plus sérieux qui sont au service des familles riches. Ils sont aussi parfois les auxiliaires du médecin, chargés de l'onction ou de la friction. La formule unctor medici de Pline les montre subordonnés à un médecin et les distingue des masseurs chargés des baigneurs et des athlètes. Le massage médical est même indiqué dans le cas de l'épilepsie et de la démence, mais seulement sous la surveillance du médecin. »

- Concernant Juvénal il s'agit probablement de ses Satires, dans lesquelles d'ailleurs il parle de massage, voir Témoignages : Juvénal.

- Sur Martial et Sénèque je ne parviens pas à retrouver ce passage même s'il me dit quelque chose mais c'est étrange il devrait être référencé. Peut-être que la source que j'ai provient d'un autre auteur citant son illustre ancien, cette question est donc à éclaircir. Pour Sénèque cela ne peut être, je pense, que dans ses Lettres à Lucilius. Voir Témoignages Sénèque & Témoignages : Martial).

- Idem pour Pline dont on ne sait pas s'il s'agit du jeune ou plus probablement de l'ancien avec cette mention "unctor medici" pour laquelle il me reste à savoir d'où elle vient.

• Réponse de Laurent Galopin : Bravo pour Juvénal, ce sont les "Satires", VI, 451-453 ; je vous aide pour les 2 autres : Martial, III, 82, 13-14 ; et Sénèque, "Lettres à Lucilius", LXVI, 53. Autres infos dans Celse, II, 14 et Caelius Aurelianus, Chron(niques). I, 169 ; II, 179 ; IV, 130 TDM Fiche technique. Pour Pline c'est évidemment l'Ancien !! Omission inconsciente dans cet article extrait d'un travail plus large faisant très souvent référence à Pline l'Ancien et très peu au Jeune.

 

IVeme entrée « Le " masseur-médecin ", ou iatraliptes, est tout autre chose : adepte de l'iatraliptique, science fondée au Ve s. av. JC par Hérodicos de Sélymbrie, un maître d'Hippocrate, spécialiste de la gymnastique médicale. Celse le place au même rang que le médecin, quand il affirme que l'homme bien portant n'a besoin ni d'un médecin ni d'un iatralipte. »

- Alors au CDRM nous, nous avons pour source que la iatraliptique fut fondée non pas par Hérodicos de Sélymbrie mais par Prodius de Céos à en croire Pline l'ancien.

- Pour ce qui est de savoir s'il fut un des maîtres du grand Hippocrate (460-377 av. J.-C), nous lisons dans les Oeuvres complètes d'Hippocrate Ed. Association Médicale d'Action Culturelle et Artistique de 1979 à 1989 Fiche techniquefac simile de celles de Littré en 4 tomes de P. Theil p. 86 "Ses anciens biographes nous disent qu'Hippocrate aurait également suivi l'enseignement du gymnasiarque Herodicos de Selymbria et de son frère, le rhéteur Gorgias de Léontium ; mais on ignore où et comment il aurait pu suivre leurs leçons, puisque ces maîtres professaient à Athènes". Parmi les travaux que je mène sur Hippocrate je procède à la lecture du fac simile de Theil concomitament avec l'édition originale que nous avons l'extrême chance d'avoir à disposition à la bibliothèque du CFDRM de Paris.

- Au sujet de la formule de Celse elle nous provient de son Livre 1er du Traité de la Médecine : "L'homme doué d'une bonne constitution ... peut se passer également de médecin et d’iatralepte." Cette formulation nous en est ici donnée dans de l'Encyclopédie de Diderot Fiche techniquede 1779, tome 18 Fiche techniquevoir de la 3ème Ed. page 102 ou dans cette version de 1790 en ligne Information ouverte dans une nouvelle page page 231.

• Réponse de Laurent Galopin : pour le fondateur de l'iatraliptique, j'avais effectivement lu Pline qui le désigne comme étant Prodicus, disciple d'Hippocrate, mais j'avais lu quelque part (j'ai honte, je ne retrouve aucune référence) que c'était une erreur de Pline dans le nom et que ce Prodicus ne serait autre qu'Hérodicos. Evidemment, difficile de trancher sans plus d'informations. La référence à Celse vient bien du 1er livre et même du début de ce livre.

 

Veme entrée « Au Ier s. ap. JC, cette spécialité ancienne se constitue comme une branche autonome de la médecine. Utilisant la rééducation fonctionnelle, elle remporte un grand succès dans les gymnases et dans les écoles d'athlètes et de gladiateurs, comme une médecine sportive destinée à guérir les entorses et les fractures (en quoi elle empiète sur des domaines occupés jusqu'ici par les médecins) »

- Là je dois encore poursuivre mes recherches et ce texte participe à m'éclairer davantage, j'aurais besoin de bien plus d'informations, d'ouvrages en lien avec la l'iatraliptique. Citons De la méthode ïatraleptique par Jean André Chrestien de 1811 Fiche technique.

• Réponse de Laurent Galopin : vraiment désolé, je ne parviens pas à remettre la main sur une référence, mais je serai tenté de vous orienter vers l'ouvrage de Jacques André cité plus haut, vers celui de Jean-Marie André chez Tallandier ou éventuellement vers Giuseppe Penso chez Da Costa.
Voir notre bibliographie.

VIeme et dernière entrée « Cette technique est florissante aux Ier et IIe s. ap. JC. Pline le Jeune a obtenu de l'empereur Trajan le droit de cité romaine pour son iatralipte, l'égyptien Harpocras, qui l'a sauvé d'une grave maladie, dont il ne nous dit rien. »

- La trace que nous en avons est dans les Lettres de Pline le Jeune ou en tout cas que l'on pense avoir été écrites par C. Plinius Secundus, Epist., X, 10, 1-2 à l'empereur Trajan.

• Réponse de Laurent Galopin : je n'ai pas tout à fait la même référence que vous : Pline le Jeune, Lettres X, 5, 1-2 (au lieu de X, 10, 1-2), mais c'est du détail et n'ai pas l'ouvrage à portée pour vérifier.

 

 

Livres associés :

  1. Traduction des Ouvrages d'Aurelius-Cornelius Celse sur la Médecine par Ninnin de 1753 TDM Fiche technique ; II, 14
  2. Traité des maladies chroniques, I, 37 par Caelius Aurelianus, TDM Fiche techniqueChron(niques). I, 169 ; II, 179 ; IV, 130
  3. Encyclopédie de Diderot Fiche techniquede 1779, tome 18 Fiche technique
  4. Les Oeuvres d'Oribase, par Bussemaker et Charles Daremberg en 1851 Fiche technique
  5. Oeuvres complètes d'Hippocrate, par Émile Littré en 1839-1861 1ère Ed. Fiche technique en 10 volumes
  6. Oeuvres complètes d'Hippocrate Ed. Association Médicale d'Action Culturelle et Artistique de 1979 à 1989 Fiche techniquefac simile de celles de Littré en 4 tomes de P. Theil
  7. Les Satirs de Juvénal, VI, 451-453
  8. Lettres à Lucilius par Sénèque, LXVI, 53.
  9. Le Douzième livre de Martial, III, 82, 13-14
  10. Être médecin à Rome, par André J., Ed. Payot en 1995
  11. La Médecine à Rome, par Jean-Marie André, Ed. Tallandier
  12. La Médecine Romaine, par Giuseppe Penso Ed. Da Costa, 1979
  13. Pline l'Ancien
  14. Lettres de Pline le Jeune.

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Alain Cabello
jeudi 1er août 2013