Lecture d'un Bas-relief
du Musée du Pirée
Par
Alain
Cabello-Mosnier. P/O le CFDRM
Libre de droits non commerciaux.
Rédigé
à Paris le : vendredi 2 août 2013
Etude
du bas-relief
Description
interprétative
Passe
magique.
Conclusion
Étude du
bas-relief
Alors
voilà, comme je l'avais précédemment
fait pour ce papyrus
représentant une scène de massage
supposée qui se baladait sur le web comme étant
une source sûr du massage
en Égypte,
voir L'intrigante histoire du papyrus du
web... publiée le vendredi
5 juillet 2013, et qui s'est avérée provenir
du mastaba
d’Ankhmahor en Égypte
4300 ans av. J.-C., je procède à l'analyse
de ce Bas-relief Grec d'un homme massant
une jeune femme. Même topo, l'image était
partout mais sans jamais être accompagnée
d'informations, de sources donnant la moindre indication,
la seule posture du masseur supposé était
à elle seule gage d'authenticité.
Dans
les archives du CFDRM
de Paris nous ne disposions d'aucune information
sur l'origine de ce tableau et de ce qu'il était
censé présenter avant que je ne rédige
ce papier. Nous l'avons vue une scène de massage supposée
n'est pas forcément une scène avérée
aux lumières de l'étude tant que l'écrit
et l'expertise contradictoire ne viennent nous le certifier.
Je
venais de terminer la mise
en ligne et en liens
du texte Infirmiers
et masseurs à l'époque gréco-romaine
de Laurent Galopin spécialisé dans la médecine
à l'époque romaine, j'avais pris
contact avec lui afin de lui demander l'autorisation
de travailler sur son papier et en voulant l'illustrer,
je tombe sur cette représentation grecque tout-à-fait
à propos que nous possédions dans la base
de données du CFDRM. A la fin du texte je proposais
une petite étude complémentaire sur ce
Bas-relief Grec et alors que j'invitais Laurent Galopin à relire le travail que j'avais
fais sur sa publication, le voilà qu'il me communique
quelques indications tout-à-fait majeures qui
m'oblige à scinder en deux mon
travail pour former deux dossiers distincts.
Description
interprétative :
Donc,
que voyons-nous sur ce panneau ? Sept personnages sculptés,
trois femmes, trois hommes et un enfant en partant de
gauche à droite. 1er personnage :
dans ce type de représentation
grecque ou latine, il y a souvent un personnage féminin
représentant une déesse ou une prêtresse,
mais s'il s'agit d'une femme alors elle est de
la maison et de par sa taille, c'est la mère
ou un personnage central, le plus puissant du tableau.
Elle est grande, debout, en toge ,
on suppose presque la présence de sa fibule ; elle se tient juste
derrière l'opérateur ou pédotribe,
attentive.
2eme
personnage : lui concentrera toute notre attention,
puisqu'il semble s'apparenter à notre métier,
c'est un homme visiblement d'expérience, barbe
très fournie de l'érudit, musculeux il
nous paraît être un alipte
ou un iatralepte grec d'importance.
Le geste est sûr,
les deux mains
sont mobilisées montrant une parfaite maîtrise
de ce qu'il fait. Il se situe en tête de lit.
3eme
personnage : c'est une femme, qui parait plus petite,
plus jeune que la femme debout à gauche, je lui
prête donc le qualificatif de fille/patiente.
Elle est centrale, allongée sur un lit,
de côté elle nous fait face, habillée
d'une toge, elle se fait (manipuler/masser
?) l'épaule,
mais encore une fois, l'oeil associé à
l'espoir quasi suppliant de trouver de pareilles pièces
mettant en scène une masso-pratique
peuvent s'avérer décevant.
4eme
personnage : un homme également en toge que
je pense être avec tout le groupe de droite des
domestiques au vue de leur taille classiquement représentés
plus petits comme nous le voyons dans de nombreuses
sculptures ou dans la tapisserie afin de positionner
socialement les gens représentés, sans
risquer de confondre le maître avec ses serviteurs.
Hiérarchiquement il est en tête, peut-être
en raison de son sexe ou de sa position dans l'intendance
de cette famille.
5eme
personnage : juste derrière on dirait un
jeune homme avec une barbe naissante.
6eme
personnage : sa grâce, ses courbes me font
penser à une jeune femme soit de la domesticité
si l'on se situe dans une famille, soit une patiente
si l'on se met dans un cadre médical. En effet
nous noterons la présence d'un bandage qui retient
son bras
à son cou.
7eme
et dernier personnage : l'enfant et quant-à-lui
peut faire partie de la famille, on peut supposer qu'il
est à côté de sa nourrice avec les
serviteurs ou accompagnant sa mère malade.
Nous
avons ainsi deux lectures possibles, celle de l'intervention
d'un iatralepte vénérable
dans une grande maison grecque soignant la fille sous
les yeux du personnel et celle d'un médecin
périodeute qui
voyageait de ville en ville en s'installant un temps
dans le Iatreion
de la cité, comme Hippocrate (460-377
av. J.-C) le fera. D'ailleurs,
il existait toute une tradition qui concernait bien
des métiers visant à voyager pour acquérir
de l'expérience et surtout se mettre à
jour des nouvelles découvertes.
Nous pouvons donc lire cette scène
comme un médecin peut-être formé
à la iatraleptique
officiant sous l'égide d'une déesse de
la médecine et le groupe de personnages à
droite seraient des patients venant se faire soigner.
Bien
sûr, je partais de la lecture que d'aucuns pouvaient
faire de ce panneau en ne se fiant qu'à ce qu'il
était supposait contenir ou à ce que nous
souhaitions y ardemment y voir. Avec les renseignements
glanés ici et là ajoutée à
la collaboration de Laurent Galopin nous parvenons
malheureusement à une lecture tout-à-fait
différente.
•
Réponse
de Laurent Galopin : «
Pour ce qui est du bas-relief,
je ne le perçois pas comme une scène
de massage, mais une scène d'incubatio dans un asklepieion, peut-être en présence
du dieu Asklepios lui-même, derrière
la malade alitée. C'est une stèle
votive présente au Musée
archéologique du Pirée . Mirko D. Grmek et Danielle
Gourevitch parlent de cette stèle dans "Les maladies dans
l’art antique" (1) page
19. L. Galopin me précise le
vendredi 23 août 2013 "Si l'on en croit les auteurs,
la stèle date donc du IVe siècle
av. JC, et représente une incubatio.
D'un côté, Hygie et Asklépios, "les
mains tendues au-dessus de la patiente en une sorte de passe magique". "L'autre
côté de la scène illustre
les remerciements, avec la participation
de toute la famille ; la présence
d'un enfant signifie probablement que tout
le monde rend grâce pour la naissance
de l'héritier". » Musée
du Pirée, stèle votive, référence
MP 405. |
Explication
de texte, "une scène
d'incubatio dans un asklepieion," ce qui revenait à laisser
le patient s'endormir afin qu'Asklepios
lui vienne en rêve diagnostiquer sa maladie et
lui indique éventuellement le remède approprié, des prêtres
médecins interprétaient alors
ces rêves pour les traduire en ordonnance. L'asklepieion
était un temple dédié à
Asklepios
au sein duquel l'on formait des médecins mais
où l'on recevait aussi des patients.
(1) Les maladies dans l’art antique, par Mirko-D
Grmek, Danielle Gourevitch,
Ed. Fayard, 1998
Voilà
qu'il se passe la même chose que pour
mon fichu papyrus, ci-contre,
sur les traces duquel je m'étais
lancé il y a quelques semaines et
cruelle déception, il n'existait
pas, mais déception tout de même
de courte durée puisqu'il s'est transformé
en tombeau égyptien
vieux de 4300 ans av. J.-C., alors pas de
raison d'être déçu mais
quand même. Cette explication me navre
et m'agace car que viennent faire autant
de gens autour d'un dormeur ? N'est-il pas
plus facile d'y voir un massé
et puis c'est tout ? C'est ce que se sont
probablement dit ceux qui l'on un peu trop
rapidement associé à leurs
sites de massage
comme une évidence grecque mais le
rôle d'un Centre de Documentation
de et Recherches sur les Massages n'est
pas de se contenter d'approximations mais
d'apporter les preuves permettant d'affirmer
ou d'infirmer une supputation. |
Sur
la trace des massages
dans le tombeau d’Ankhmahor en Égypte
4300 ans av. J.-C. |
Quelle
que soit l'issue de cette étude jamais la déception
ne pourra l'emporter sur le plaisir que j'ai eu à
travailler sur ces textes. Et puis, je ne veux pas avoir
l'air d'insister mais dans ces rêves, le massage
pouvait tout-à-fait faire partie de l'ordonnance
du Dr. Asklepios,
le iatralepte n'est jamais
très loin du médecin. Émile Littré, dans ses Oeuvres
complètes d'Hippocrate 1839-1861 1ère Ed.
en 10 volumes, ne nous dit-il pas comme page 55,
tome 1er qu'Hippocrate (460-377
av. J.-C) écrira
un Traité sur les frictions
TDM
désormais perdu ?
L'intervention
salutaire de Laurent Galopin m'offre ainsi la
même surprise que celle que j'avais eu avec Richard-Alain
Jean
auteur de À propos des
instruments médico-chirurgicaux métalliques
égyptiens conservés au musée du
Louvre, Ed. Cybele, Paris,
2012 TDM lorsqu'il
m'orienta vers ce mastaba
de l'Ancien Empire Égyptien.
En effet, Laurent Galopin me communique ce passage de la page 19 de
Les maladies dans l’art antique, par Mirko-D
Grmek et Danielle Gourevitch,
Ed. Fayard, 1998 qui parle "d'une sorte passe magique" ; un peu plus haut il nous
disait « Pour ce qui
est du bas-relief, je ne le perçois pas comme
une scène de massage,... ». En
fait, ce que l'historien ne voit pas, le chercheur en
massage l'attrape avec son oeil sensible, la
passe
est un terme également utilisée en massage pour désigner un ensemble de mouvements coordonnés exécutés
en vu d'obtenir un résultat définit. C'est
justement ce que j'écrivais lors de mon premier
jet avant cette ré-intervention de ce vendredi
23 août 2013. L'incubatio
pourrait très bien susciter chez le prêtre-médecin
chargé de trouver le diagnostique et/ou le remède
associé indiqué par cet infra-dialogue
avec les Dieux, la nécessité d'utiliser
le massage comme moyen thérapeutique.
Notre
schéma se situe donc entre "une
sorte passe magique", le "je
ne le perçois pas comme une scène de massage"
et l'extrapolation des plus optimistes pour lesquels
l'acte massant est caractérisé.
Loin
de m'éloigner de mon hypothèse de base
sans pour autant la confirmer non plus mais c'est justement
là toute la différence entre thèse
et hypothèse,
la présence possible d'un massage
n'est donc pas à écarter puisque son utilisation,
contemporaine à l'époque d'Hippocrate (460-377
av. J.-C) correspond à la taille supposée
de ce bloc daté précisément du
IVe siècle av. JC,.
Pourtant,
des quelques sources que nous avons, aucun historien
ne le qualifie même si l'on ne peut complètement
l'exclure, ce papier aidera à y voir plus clair.
A présent, reste à définir ce que
nous pourrions trouver de masso-ADN
dans la notion de "passe magique".
Passe magique.
Ici
il s'agirait de revenir sur la place de la magie
en massage alors que je ne l'ai quasiment pas
encore abordé et de plus, ce n'est pas l'objet
de ce papier mais enfin, ces deux arts se rencontrent
assez régulièrement pour que leurs vocables
soient référencés dans les dictionnaires
du CFDRM
de Paris dédiés
au massage,
l'imposition des mains, le
pouvoir du magnétisme,
ses influences dans le spiritisme, la chiromancie
donnent aux mains, de tout temps, un étrange
et très puissant pouvoir de médiation
entre le monde des morts et celui des vivants, entre
la maladie, le mal-être et la capacité
de soigner.
Le toucher
des rois n'avait-il pas le pouvoir de guérir
des écrouelles ? La passe est un langage codé
cernée par le silence qu'impose l'étude
mais que la voix accompagne parfois de ses incantations
récitées, adressées entre au corps et
à l'esprit en
faisant le lien de l'un à l'autre, entre la vie
et la mort.
J'ai repéré Dogme
et rituel, haute magie, par
Eliphas Levi Ed. Niclaus TDM
que la bibliothèque du CFDRM ne possède
pas encore à l'heure où j'écris
ces lignes mais dans lequel se retrouvent et le massage et la
passe.
Dans la scène de cette pièce
du Musée archéologique
du Pirée , Asklepios
ne pourrait-il pas s'adresser à sa fille Hygie par l'intermédiaire du massage ? Ce pourrait-il que son
verbe soit le magnétisme ? Cette passe magique semble impliquer
le contact avec la peau même si nous savons qu'il n'est pas
requis pour constituer un massage,
la distance
n'empêche pas le miracle de se passer. Si la pierre
n'a pas la vertu de nous montrer le geste
avec sa capacité de glisser qui
nous préciserait la présence de ce que
nous cherchons, la seule imposition des mains constitue déjà un
massage. Le serment d'Hippocrate d'origine en appel en début de texte
à Higye
:
« Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée,... etc. » et
le massage
était à ce moment là pratiqué
dans les murs de l'école de Côs.
Dans un article que j'avais publié en 2009, Tableau chronologique depuis les origines
du massage je proposais une
division en cinq stades du massage et j'indiquais que le toucher se situait au troisième rang au titre
de proto-massage.
Donc voilà, l'incubatio
est nullement antinomique avec notre quête perpétuelle
à travers l'histoire de masso-témoignages,
il vient au contraire s'ajouter à notre dossier
sur massage et magie.
Ici
nous avons peut-être le bon sens du relief votif
en marbre de l’Asclépieion du Pirée décoré
d’une scène d’incubation ; début
du 4e s. av. J.-C.
Conclusion
Mon travail se suspend ici, à la lecture
de Les maladies dans l’art
antique, par Mirko-D
Grmek, Danielle Gourevitch,
Ed. Fayard, 1998 que m'indique Laurent Galopin et qu'il nous faudrait acquérir pour
la bibliothèque du CFDRM de Paris
mais ne pensez pas que cela fut vain, parti de rien
me voilà avec une géo-localisation
d'un glyphe grec, des hypothèses de travail et
un titre d'ouvrage que je ne lirai pas forcément
dans la foulé de ce dossier mais que je préfère
avoir en lieu et place de ce Bas-relief
plutôt qu'une vague image présentant ce
qu'elle ne fait pas forcément. L'oeil de l'ignorant
peut avoir besoin de ce genre de représentation
pour illustrer son site internet mais notre métier
sait que la Grèce
regorge de témoignages qui n'attendent plus que
des sites comme ceux-ci pour les exhumer et les mettre
à la disposition de tous. La regrettable déduction
que l'on peut malheureusement en tirer c'est celle de
l'indexation supposée et naturelle qui existe
entre ce manque de curiosité évident poussant
à afficher n'importe quoi comme la manifestation
ancienne d'un massage
et la qualité réelle de la prestation
promise si l'on considère que le ou la praticienne
a mi la même énergie à sa formation.
Si en temps que professionnel(le)
nous ne sommes pas capable de nous rassembler pour extraire
l'histoire de nos métiers,
il n'y a aucune raison pour que notre pratique au quotidien
soit meilleure. Peut-on reprocher à nos client(e)s
leur inculture du massage et parfois des demandes
que l'éthique
condamne si nous brillons nous-même d'une crasseuse
méconnaissance de notre propre histoire ? Pour
le client, le massage n'est qu'un art
de vivre transitoire qui s'inscrit dans un
ensemble, mais pour nous, praticien, praticienne, n'est-ce
pas notre quotidien ?
...à
suivre.
Livres
associés :
–
Les maladies dans
l’art antique, par Mirko-D Grmek, Danielle Gourevitch,
Ed. Fayard, 1998
–
Sites &
blog
Profil facebook de : Laurent Galopin https://www.facebook.com/medecine.antiquite Cabello Alain https://www.facebook.com/alain.cabellomasseur CFDRM
de Paris : Observatoire des massages https://www.facebook.com/CFDRM
Site : Laurent
Galopin
http://medecine-ancienne.com/specialites4.php Cabello
Alain http://www.cfdrm.fr/CV_Cabello_Alain.htm CFDRM
de Paris : http://www.cfdrm.fr
Alain
Cabello vendredi 2 août 2013 |