ÉTUDE CLINIQUE
ET EXPÉRIMENTAL SUR LES MASSAGES
Par A. Castex.
Le
massage,
après avoir longtemps méconnu, cesse enfin
d'être comme un procédé simplement
empirique et sans indications précises. Il devient
scientifique et prend place à côté
l'hydrothérapie et de l'électrothérapie
dont il se montre souvent l'indispensable auxiliaire.
Depuis que la technique de cette méthode s'est
pourvue de manoeuvres
variées, nous voyons son application s'étendre
à bon nombre affections chirurgicales et médicales
avec grands avantages.
C'est
dire que les bons effet de la massothérapie
se montrent de plus en plus nombreux.
La
méthode n'est pas née d'hier cependant.
Il en est fait mention dans les documents de la plus
haute antiquité, dans le Cong-Fou
et le Tao-Tsé
des Chinois, dans le Yadour-Veda
des Indiens. Hippocrate
recommande le massage dans les affections articulaires.
Il lui reconnaît la propriété de
rendre la souplesse aux articulations rigides et la
force à celles qui sont faibles. A Athènes,
comme à Rome, le massage d'un fréquent
usage. Au sortir du bain, dans les thermes, des
esclaves frictionnaient méthodiquement le corps.
Les gladiateurs y recouraient pour assouplir leurs muscles
avant la lutte et après pour faire disparaître
les ecchimoses. L'emploi du massage qui avait
pris assez d'extension en europe au retour des croisades
fut abandonné peu à peu. C'est en vain
que notre Ambroise
Paré y insistait à nouveau.
Il faut arriver jusqu'aux contemporains, Bonnet
(de Lyon) et Nélaton,
pour voir ses bons effets reconnus et prônés.
Dans (page 279) ces dernières années
Mezger
d'Amsterdam et ses élèves ont contribué
largement à la vulgarisation de la méthode.
A
J.
Luca Championnière
(1) revient le mérite d'avoir montré
quels résultats favorables à le massage
et la mobilisation apportent dans le traitement des
fractures voisines des articulations.
Comme
le déclare très justement Schreiber (de
Vienne), auteur d'un traité pratique de massage,
pas n'est besoin pour y recourir d'avoir longtemps pratiqué
sous la direction d'un spécialiste. Tout médecin
suffisamment pénétré des modes
d'action de la méthodes et de notions physiologiques,
peut entreprendre seul l'éducation de sa main
et obtenir des succès.
Voici
déjà quelque temps que, depuis mon clinicat
à l'Hôtel-Dieu, je me suis appliqué
à recourir au massage dans les diverses
circonstances où il me semblait utilisable. Bien
que le total de mes observations ne soit pas considérable,
elles m'ont paru avoir leur enseignement, surtout quand
j'ai mis en parallèle celles qui sont de même
ordre. Comme tous ceux qui ont étudié
de près les effets du massage, j'ai constaté
ses heureux résultats et surtout la rapidité
de son action, sans parler des autres. Il ressort même
de mes observations certaines déductions qu'il
m'a paru intéressant de consigner. De là
m'est venu l'idée d'écrire sur la massothérapie
pour ajouter quelques documents à ceux déjà
nombreux qu'on trouve dans la littérature médicale.
J'exposerai
d'abord les fais dans leur classement naturel avec la
technique spéciale de massage et les résultats
dans l'espèce. Dans une deuxième partie
toute expérimentale, je relate les résultats
que m'a donné le massage sur les animaux. C'est en effet
un des côtés les moins étudiés
de la question. C'est celui pourtant qui nous éclaire
sur le mode d'action de la méthode, la rend scientifique
et nous guide dans les applications variées.
(1)
J.
Luca Championnière. Le massage
et la mobilisation dans le traitement des fracture.
Paris 1889.
(Page
280)
Les
observations que j'ai pu recueillir se répartissent
naturellement en cinq catégories principales.
Ce sont : 1° des contusions, parmi lesquelles
il importe de distinguer celles qui portent sur le un
segment d'un membre, assez loin d'une jointure, et celles
bien autrement importantes qui atteignent une articulation
; 2° des entorses (colonne cervicale, tibio-tarsienne,
poignet, genou) ; 3° deux luxations
de l'épaule dont une grave qui m'ont paru, la
réduction assurée, devoir être rapidement
améliorées dans leur suite par un massage
méthodique et de fait le résultat a confirmé
mes prévisions ; 4° des fractures dont les
unes ont pu être massées dès le
début du traitement et les autres, plus graves,
après un certain temps réservé
à l'emploi de l'appareil plâtré
; 5° enfin des atrophies musculaires d'origines
diverses. C'est ici, comme on le verra par les détails,
que cette méthode se montre inférieure.
Elle agit sans doute pour assouplir les roideurs qui
accompagnent fatalement l'atrophie musculaire, mais
elle ne m'a pas paru rendre aux membres le diamètre
qu'ils ont perdu. La mensuration le prouve.
I.
Contusions.
1°
Ce n'est pas uniquement pour aller du simple au composé
que j'étudie les effets du massage sur
une région contusionnée, mais aussi parce
que les résultats que j'ai pu constater sont
moins connus que les autres affections de nature traumatique.
On nous dit bien que les lutteurs du
cirque faisaient frictionner vigoureusement leurs
bosses sanguines. Ce n'est pourtant pas sans beaucoup
de circonspection que j'ai livré pour la première
fois les étreintes du masseur la partie
gonflée et violacée par une contusion
récente. Ne fallait-il pas craindre que les frictions
et le pétrissage ne fissent qu'augmenter
l'importance des liaisons ? L'événement
m'a prouvé que ces craintes n'étaient
pas fondées.
C'était
un homme de 57 ans qui avait eu le membre supérieur
gauche violemment contusionné par des coups de
pied (Page 281) de cheval. Aucune plaie
cependant. Pas la moindre fracture. L'infiltration sanguine
occupait les deux tiers supérieurs de l'avant-bras
et le bras presque en entier. Le membre était
lourd et impotent. Les manipulations adoptées
sur des frictions ascendantes en commençant par
le haut du bras, pour ce conformer à la règle
qui recommande de masser tout d'abord le voisinage de
la lésion pour faire le vide dans les vaisseaux
qui recevront ensuite les extravasations situées
en amont. Le malade avait gardait le repos au lit pendant
quatre jours après lesquels fut appliqué
le massage. En vingt-quatre heures l'amélioration
était marquée. Les douleurs avaient disparu.
Cette rapide disparition des douleurs est un des bénéfices
les plus évident du massage. Dès
le lendemain aussi le gonflement était moindre,
la coloration violette moins intense, les mouvements
plus aisés. Bref, après trois séances
de massage, pratiquées en trois jours,
cet homme revenait à ses occupations fatigantes.
Loin
d'accroître les lésions d'une contusion,
on en réduira donc les conséquences au
minimum en frictionnant selon les règles la région
intéressée. Il ne saurait y avoir similitude
entre le résulta d'un heur violent, brusque et
limité par une partie de notre corps et ces frictions,
ces pressions ménagées, larges qui s'exercent
dans le sens de la circulation veineuse. Les unes sont
le correctif de l'autre. Elles refoulent progressivement
dans les voies circulatoires les éléments
que la contusion en a fait brusquement sortir.
Le
résultat sera d'autant plus marqué que
la massothérapie
aura été plus vite appliquée et
plus largement employée. J'ai pu voir en effet
sur un autre malade qui avait eu le mollet fortement
contusionné, la région des malléoles
rester gonflée et douloureuse assez longtemps
parce que les manipulations avaient trop exclusivement
porté sur le mollet seulement.
Trois
ou quatre séances suffisent, dans les cas moyens,
pour rendre à la région une grande partie
de sa souplesse.
2°
La contusion qui atteint une jointure doit être
envisagée à part. Elle détermine
un degré d'arthrite généralement
faible mais dont les conséquences peuvent êtres
hors de proportion (Page 282) avec le peu d'importance
de la lésion articulaire. Je fais principalement
allusion à ces atrophies musculaires rapides
qui frappent de préférence les muscles
extenseurs et entraînent une impotence fonctionnelle
grave que dans maintes circonstances le pronostic n'avait
pas prévues.
La
contusion articulaire peut encore provoquer l'apparition
de contractures dans les muscles voisins, surtout si
le sujet est plus ou moins hystérique. Il n'est
pas rare, par exemple, d'observer la contracture du
biceps à la suite d'une contusion du coude et,
pour ma part, j'ai vu déjà deux fois dans
les services de MM. les professeurs Verneuil
et Guyon
deux jeunes sujets qui, à la suite d'une chute
sur le menton, sans fracture d'aucune sorte, présentaient
une contracture rebelle des masséters. Elle était
incomplète. Les dents pouvaient être desserrées
quelque peu, et la mastication était fort gênée.
Aucun de ces deux sujets n'était pourtant hystérique.
Une
autre conséquence de la contusion des jointures
est la parésie des masses musculaires survenant
aussitôt après le traumatisme. Mais la
lecture des observations conduit à penser que
dans ces cas il s'agit plutôt de la contusion
des troncs nerveux qui cheminent dans le voisinage.
Dans un article donné dans la France médicale
en 1885 (1), j'ai étudié ces paralysies
consécutives à la contusion du plexus
branchial au-dessus du moignon de l'épaule. Bouilly
(2) avait déjà signalé les conséquence
de la contusion du nerf sciatique, consistant surtout
en atrophies musculaires et je trouve dans mes notes
les quelques lignes suivantes sur une maladie que j'ai
vu en 1883 à l'hôpital Lariboisière,
dans le service du professeur Duplay. "Troubles
trophiques du membre inférieur gauche après
contusion et névralgie consécutive du
nerf sciatique. Femme de 30 ans, amyotophies à
jambe, pieds bot équin acquis et rétraction
de l'aponévrose plantaire". Je n'insiste
pas sur l'insuffisance des détails.
(1) Castex. Monoplégie
trauamtique du membre supérieur. France Méd,
juillet 1885. (2) Boully. Arch.
géner. de médecine,
déc. 1880
(Page 283)
Justement
une des observations que j'ai recueillies en vue de
cette étude se rapporte à ces parésies
traumatiques.
Homme
de 40 ans. A reçu une caisse pesamment chargée
entre la base du cou et le sommet de l'épaule,
sous la région sous-claviculaire droite. Parésie
de tout le membre supérieur correspondant, imputable
à la contusion indirecte du plexus brachial.
Les mouvements d'extension étaient surtout affaiblis.
En huit séances de massage tous les muscles
eurent récupérés leur énergie.
Tout le traitement ne dura que treize jours. Le blessé
ne présentait pas de stigmates hystériques.
Je
laisse de côté les résultats divers
de la contusion des jointures pour insister particulièrement
sur les atrophies musculaires consécutives aux
contusions de la hanche. C'est vraiment là le
point intéressant de la question et son importance
dans la pratique n'est pas encore suffisamment signalée
dans les livres.
C'est
dans le service du professeur Le Dentu, à l'hôpital
Saint-Louis, que j'ai vu le cas pour la première
fois. Un homme était tombé sur son grand
trochanter, ne s'était
pas fait de fractures, mais une amyotrophie rapide était
survenue dans tout le membre inférieur qui en
faisait un infirme pour une simple contusion de la hanche.
Ce
fait me conduisit à revoir l'étude intéressante
que MM. Guyon
et Féré ont consacré à "
l'atrophie musculaire consécutive à quelques
traumatismes de la hanche" (1). Les
auteurs y ont consigné des faits de contusion
trochantérienne, d'entorses légères
de l'articulation coxo-fémorale, jugées
de prime abord comme de peu d'importance puis suivies
à court délai d'atrophie musculaire et
d'importance marquée du membre inférieur.
L'atrophie porte principalement sur les fessiers, la
fesse est aplatie et flasque, sur les muscles de la
cuisse, le droit antérieur et les adducteurs
sont surtout atteints. La jambe elle-même présent
à la mensuration une circonférence moindre
que sa congénère. Le pied se porte en
dehors, les malades ne peuvent se mettre au
(1) Guyon et Féré. - Progrès
méd., 2 avril 1881.
(Page 284) lit sans soulever leur genou avec leurs
deux mains et pour longtemps ils sont condamnés
aux béquilles.
Il
se passe à l'épaule ce qui se passe à
la hanche, et là, le deltoïde s'atrophie
comme ici les fessiers. Dans sa thèse inaugurale,
Valtat (1) (obs. IX) cite un fait d'atrophie
du deltoïde survenu en huit jours chez une jeune
femme de 23 ans, à la suite d'une chute sur le
coude qui avait déterminé un peu d'arthrite
dans l'épaule. Le deltoïde était
réduit à une couche tellement mince, et
le moignon de l'épaule à ce point déformé,
qu'on avait cru à une luxation
de l'épaule.
Conclusion
: en présence d'un traumatisme articulaire même
léger, réserver beaucoup son pronostic
surtout s'il s'agit de la hanche, car peuvent survenir
à courte échéance des amyotrophies
rebelles qui pour le blessé ne sont pas moins
graves qu'une fracture ou une arthrite.
On
a beaucoup discuter sur la physiologie pathologique
de ces atrophies d'origines musculaires. Je ne reviendrai
pas sur ces diverses hypothèses qui ont été
proposées. La plus probable et la plus acceptée
est celle de l'atrophie de l'action réflexe.
Le traumatisme détermine un léger degré
d'arthrite, les nerfs articulaires sont irrités,
l'irritation se transmet à la moelle, les centres
médullaires affectés agissent à
leur tour sur les nerfs centrifuges
musculaire qui déterminent à leur terminaisons
des lésions dégénératives.
Cette
théorie qu'acceptait Vulpian, qu'adoptait MM.
Charcot, Le Fort et Valtat, Guyon
et Féré. Dans sa thèse récente,
M. Deroche (2) relatent de très récentes
expériences personnelles qui mettent dans tout
son jour le bien fondé de cette théorie.
Il
a répété sept fois, toujours avec
des résultats identiques des expériences
qui avaient été pratiquées pour
la première fois au Collège de France,
par MM. P. Raymond et Onanoff.
(1) Valtat. De l'atrophie musculaire consécutive
aux maladies des articulations. Paris 1977. (2)
Deroche. Amyotrophie réflexe d'origine articulaire.
Th. Paris, 1890.
(Page
285)
Sur
des chiens et des lapins il sectionne
les racines postérieures des trois dernières
paires lombaires à gauche. Quelques jours après,
quand la cicatrisation est obtenue, il s'assure que
l'anesthésie est complète dans le membre
inférieur gauche, depuis l'aine jusqu'au-dessous
du genou, que par conséquent les irritations
portées sur cette zone ne seront pas transmise
à la moelle. Il détermine alors une arthrite
traumatique à droite et à gauche en plongeant
une pointe de thermocautère dans les deux genoux.
L'animal ne traduit aucune douleur à gauche.
Trois mois après il est sacrifié par une
section du bulbe. Dans les deux genoux existent les
lésions de l'arthrite, mais les muscles de la
cuisses sont normaux à gauche, atrophiés
à droite.
M.
Deroche constate une différence en moins de 6
à 7 gr. pour 40 gr. de muscle. L'examen microscopique
des muscles atrophiés et de l'axe médullaire
montre que pour les premiers la différence de
volumes semble tenir à la diminution de la substance
interfibrillaire et que pour la moelle il y a dégénération
ascendante du côté gauche dans les cordons
postérieurs.
Cette
expérience démontre avec évidence
que les amyotrophies d'origine articulaire sont d'ordre
réflexe.
La
cure des atrophies réflexes est difficile à
obtenir. On ne doit rien attendre des moyens médicaux
(ergot de seigle, strychnine). C'est l'électrothérapie
qui, de l'avis générale, offre encore
le plus de ressources. On a le choix entre :
1°
L'électricité statique (l'étincelle
paraît être un moyen très actif pour
la nutrition du muscle) ;
2°
Les courants continus (galvaniques) que le Pr Le Fort
recommande d'employer faible et permanent ;
3°
Enfin les courants d'induction (faradiques) appliqués
sur le nerf ou sur les muscles.
Valat,
avec son maitre, le professeur Le Fort, recommande surtout
de combiner les courants continus et induits. Onimus
pratique une séance tous les 2 jours, d'un quart
heure chacune. Pendant les cinq premières minutes
il emploie les courants continus puis pendant cinq autres
minutes les cou- (Page 286) rants induits
avec quelques secousses pour revenir au courant continu
pendant les cinq dernières minutes.
Mais
qu'on ne s'illusionne pas sur l'efficacité du
traitement. Le Pr Charco nous dit : "en présence
d'une amyotrophie articulaire, quand même elle
aurait été déterminée par
une lésion banale, ne pas porter un pronosotic
trop favorable. La maladie sera longue à peu
près nécessairement quoi qu'on en fasse".
C'est
pourquoi on ne saurait trop s'ingénier à
prévenir une telle complication. Il y a surtout
lieu de lutter de vitesse avec le mal par tous les moyens
thérapeutiques dont nous disposons. Les fais
que j'ai pu observer me conduisent à penser que
le massage méthodique (frictions,
pétrissage, tapotement) employé
dès le début, aussitôt après
l'accident arrête en partie ce mouvement d'atrophie
plus rebel à réparer ensuite. Qu'on se
reporte à l'observation personnelle que je cite
plus haut. On y verra que huit séances de massage
ont suffi à tout le membre supérieur son
énergie fonctionnelle, notamment aux extenseurs
qui sont d'ordinaire le plus atteints dans ce genre
de traumatisme.
Le
massage agit pour prévenir les atrophies,
en entretenant dans le muscle un mouvement que la moelle
est momentanément incapable de lui apporter.
De la même façon il éveille la fibre
musculaire de la parésie où le traumatisme
l'a plongée. On comprend ainsi comment la gymnastique
de la région atteinte, les mouvements provoqués,
les douches sont des adjuvants très utiles du
massage. Celui-ci a paru très efficace
aussi pour résoudre les contractures, qui suivent
parfois les contusions articulaires.
J'insiste
encore sur cette condition que pour être efficace
le massage doit être appliqué dès
le début et prévenir les lésions
qu'il est destiné à combattre. Sinon,
son rôle me paraît bien douteux. C'est ce
que je me propose de montrer quand j'examinerai son
employ dans les atrophies.
Un
des rares inconvénient du massage consiste
en une éruption discrète de petites papules
dont la durée est éphémère.
encore ne l'observe-t-on qu'à titre exceptionnel.
(Page
287)
Conclusion
: le massage hâtif constitue à côté
de l'électricité et des mouvements provoqués
un moyen très utile pour prévenir les
fâcheux effets de la contusion des jointures.
II.
Entorses.
Ce
qu'on peut écrire d'inédit dans les entorses
se trouve aujourd'hui bien restreint. C'est contre cette
affection qu'il a été le plus employé,
dès le début, quand il n'était
encore qu'une série de passes
empiriques, et si le traitement des foulures est longtemps
resté aux mains des rebouteurs
c'est que les médecins se sont trop tardivement
rendu compte de la sédation
que leurs manoeuvres
procuraient aux malades. Aujourd'hui le massage
s'impose comme le correctif presque indispensable de
l'entorse. En Allemagne l'autorité militaire
exige de ses médecins un rapport semestriel sur
les résultats du massage, et les statistiques
que Starke, Gassner, Korner nous ont fait connaître
mettent en évidences les résultats rapides
de la méthode, et par conséquent l'économie
de temps qu'elle réalise chez le soldat.
Malgré
la multiplicité des études récentes
sur cette application spéciale de la massothérapie,
elle ne s'est guère enrichie de procédés
nouveaux, et l'excellent article du professeur Panas
sur l'entorse (1) indique ne substance toute la technique
de la méthode.
Pour
ma part j'ai fait masser surtout des entorses
du pied puis quelques autres du poignet, du cou et du
genou.
Au
pied, les manoeuvres doivent être dirigées
de bas en haut et éviter les saillies osseuses.
Elles réussiront d'autant mieux qu'il s'agit
de ces entorses dites périphériques dans
lesquelles la violence a surtout tiraillé les
parties molles, ligaments compris, qui sont superposées
autour des extrémités articulaires.
Même
configuration à l'égard du poignet.
J'ai
vu deux fois une entorse du coup chez des hommes qui
(1) Article "Entorse". Dre de médecine
et de chirurgie pratiques. (Page 288)
avaient reçu un fardeau pesant sur la tête.
Les vertèbres n'étaient pas douloureuses
au palper, mais tous les muscles du cou étaient
enroidis surtout le trapèze. Les malades souffraient
vivement. Trois ou quatre séances de massage
suffirent pour dissiper la douleur et la contracture
musculaire. Les passes
étaient faites avec le talon des deux mains en
allant de l'omoplate vers l'occiput. Je doute qu'un
autre traitement eût pu rendre ces hommes à
leurs travaux de force.
Résultat
rapide aussi dans les tiraillements ligamenteux qu'on
observe au genou et qui arrêtent le malade plutôt
par la douleur que par la lésion matérielle.
C'est
donc surtout par la rapidité de son action que
se distingue le massage appliqué aux entorses.
Je peux citer à l'appui de cette remarque le
cas d'un de mes amis qui venait un matin chez moi vers
midi pour me montrer un gonflement considérable
d'un de ses poignets survenu quelques instants avant,
à la suite d'une chute sur le talon de sa main.
Par un examen méthodique je pus m'assurer qu'il
n'y avait pas fracture, et je lui donnais le conseil
de se faire masser au plus vite. Dès le lendemain
les douleurs avaient disparu et le lendemain, à
ma grande surprise, et, malgré mes appréhensions,
il s'asseyait au piano et se servait de sa main comme
si de rien n'était. Trois séances de quarante-huit
heures avaient suffi pour rendre à son articulation
violemment entorsée son fonctionnement normal.
Calmer les contractures musculaires réflexes
et les douleurs, surtout celles qui résultent
des tiraillements des ligaments, permettre par là
même la reprise des mouvements, telles sont les
résultats immédiats que j'ai personnellement
constatés.
Le
massage réussit encore très bien
contre les suites éloignées de l'accident
que le professeur Panas englobe sous le nom d'entorse
chronique (empâtement du membre, relâchement
des liens articulaires et roideurs).
Un
complément des plus utiles après les frictions
et refoulement est la mobilisation méthodique
et mesurée de la jointure. Elle ne serait contre-indiquée
que si la gravité du cas (Page 298) faisait
redouter les complications inflammatoires. Sinon, et
dans les entorses périphériques qui sont
le triomphe de ces manoeuvres,
l'exercice de l'articulation provoqué par le
chirurgien suivant les mouvements physiologiques, entretient
la souplesse des muscles et prévient des douleurs
qui pourrait occasionner la reprise des fonctions articulaires.
Très
efficaces aussi comme moyen auxiliaire, les manuluves ou pédiluves
à l'eau salée aussi chaude que le malade
peut la supporter. Ici, comme ailleurs, l'eau chaude
se montre plus active que l'eau froide qui a été
longtemps le remède habituel des danseuses.
En
établissant la moyenne de ces observations au
point de vue de la durée du traitement, je trouve
trois jours et demi (3/2) ce qui revient à trois
ou quatre séances de massage pour chaque
entorse. Aucun de ces cas particuliers ne s'écarte
de la moyenne. J'ai cru devoir mettre à part
un fait d'entorse grave tibio-tarsienne central qui
n'exigea pas moins de vingt-huit séances. Elles
montrent bien quelles différences séparent
les divers degré de l'entorse.
III.
Luxations
Après
que les surfaces articulaires ont été
replacées dans leur rapport normal et la jointure
immobilisée quelques jours dans un bandage afin
d'éviter les complications, un ensemble de moyens
thérapeutiques doivent être employés
pour parfaire la guérison et, parmi ces moyens,
le massage est de première importance.
Son
emploi n'est pas nouveau dans les roideurs qui persistent
après la levée des appareils, dans les
luxations
anciennes qu'il s'agit de réduire pour préparer
et faciliter les ruptures sous chloroforme qui conduisent
souvent à des réductions inespérées.
J'ai décris ces manoeuvres d'après les
pratiques de mon maitre, M. le professeur Richet,
dans la Revue de chirurgie en 1888 (1).
(1)
A.
Castex. De la rupture des adhérences
dans les luxations anciennes de l'épaule Revue
de chirurgie octobre 1888 T
167
(Page
290)
On
n'y a moins habituellement recours au début du
traitement, immédiatement après une immobilisation
que, dans les cas simples, il sera avantageux de faire
aussi courte que possible. Les divers auteurs passent
rapidement sur cette indication du massage, bien
qu'elle fût connue des anciennes. Les résultats
obtenus dans l'espèce sont à rapprocher
de ceux que le massage et la mobilisation assure
dans les fractures simples et juxta-articulaires. Il
sont susceptibles des mêmes explications.
J'ai
peu appliquer le massage dans deux cas de luxation
de l'épaule assez différents. Voici les
observations résumées, avec les détails
techniques :
Homme
47 ans, robuste. Luxation sous-coracoïdienne de
l'épaule droite par contusion directe le 18 février
1890 : réduction avec le chloroforme le lendemain.
Immobilisation. Trois jours après j'examine à
nouveau l'épaule. Il n'y a pas d'arthrite. Sur
la partie antérieure du bras se voit une ecchymose
foncée qui s'étend à toute la moitié
antérieure du bras et semble due à une
contusion directe. Le membre pend à peu près
inerte le long du thorax, et le malade n'arrive qu'à
grand'peine à ébaucher le mouvement d'abduction.
Première séance de massage le 22
février suivit de séances quotidiennes,
elles ne sont que fort peu douloureuses. Dès
la 3e, plus de sensibilité. L'ecchymose est étalée
et beaucoup moins foncée. Dès la 7e séance,
elle a totalement disparue. Le massage s'adresse
dès lors plus particulièrement aux muscles
périarticulaires (grand pectoral, grand dorsal,
deltoïde surtout). les divers mouvements s'améliorent
rapidement, seul le mouvement d'adduction reste difficile.
A partir du 2 mars, le massage semblait n'avoir
plus rien à donner ; j'applique les courants
continus et le 9 mars, mon malade pouvait s'habiller
et se déshabiller seul. Chaque séance
de massage ou d'électricité était
suivie de mouvements provoqués que je faisais
dans toutes les directions physiologiques, ne s'arrêtant
que lorsque la douleur exprimée par la malade
était intolérable.
Le
9 mars quelques douleurs avaient reparu dans la jointure
et comme, d'après le malade, la massage
lui donnait plus de (Page 291) souplesse
et de force que l'électricité, on y revint.
Quatre jours après (séances quotidiennes)
les douleurs étaient totalement dissipées
et le malade se déclarait guéri. Son mouvement
d'abduction était incomplet encore, mais il en
était si peu gêné qu'il cessait
tout traitement et revenait à ses occupations.
La cure avait durée vingt-trois jours.
Mon
deuxième malade était un homme de 45 ans
environ, robuste aussi, auprès duquel je fus
appelé au commencement de la nuit. Il avait glissé
en marchant dans sa chambre et tombant sur le talon
de la main gauche, s'était fait une luxation
grave de l'épaule correspondante. après
un examen prolongé que le gonflement rendait
difficile, j'arrivai à conclure qu'il y avait
luxation sous-coracoïdienne avec fracture de l'humérus
au niveau du col chirurgical. Le malade présentait
entres autres signes celui sur lequel insistait M. Berger
dans un article de la France médicale (1) : "Possibilité
de rapprocher le coude du tronc". Après
quelques essais infructueux de réduction j'administrais
le chloroforme pour procéder au refoulement direct
de la tête humérale que j'avais vu heureusement
réussir entre les mains de M. Richet. Tout fut
inutile et craignant d'augmenter encore les lésions,
notamment de blesser l'artères avec les dentelures
que pouvait présenter le col de la tête
fracturée, j'arrêtais les manoeuvres,
non sans les avoir variées et réitérées.
Le
membre put être placé et immobilisé
dans un bandage de Desault simplifié, le bras
vertical au contact de la poitrine, et j'attendis, en
ayant soin de dire qu'il y aurait peut-être d'intervenir
encore ultérieurement.
Cependant
il ne survint aucune complication. Les douleurs cessèrent
peu à peu. Je défaisais le bandage deux
fois par semaine pour examiner l'articulation et lui
imprimer de légers mouvements. La tête
humérale restait hors de la cavité glénoïde,
immédiatement en dedans d'elle. Une dépression
(1)
P. Berger. Luxations de l'épaule compliquées
de fracture de l'extrémité supérieure
de l'humérus, 1884. (Page 292)
sous-acromiale marquait l'absence de la tête,
mais hormis la palpation, rien ne révélait
les altérations profondes.
Comme
la tête luxée ne déterminait aucune
compression dangereuse, ni sur les vaisseaux, ni sur
les nerfs, je pensai que le mieux était de rendre
à l'épaule le maximum possible de ses
mouvements et que, puisque surtout il s'agissait du
membre gauche, la gêne fonctionnelle arrivait
à être minime.
Quinze
jours après l'accident, la région traumatisée
fut soumise au massage. Les manoeuvres
s'adressèrent aux doigts qui étaient faibles
et engourdis. A l'avant-bras, au bras, aux muscles des
régions pectorale et dorsale une vaste ecchymose
existait sur le bras et le grand pectoral qui fut résorbée
en une huitaine de séances quotidiennes. Les
frictions firent également disparaître
un gonflement mollasse qui occupait la région
sous-claviculaire. Chaque séance de massage
était suivit de mouvements passifs qui, douloureux
d'abord, devinrent indolores à la sixième
séance.
Bref,
pars quinze jours de massage et trente jours
de traitement, mon malade élevait son coude à
45 degrés d'abduction, portait sa main sur sa
tête, derrière son dos et s'habillait seul.
Son muscle deltoïde était médiocrement
atrophié. Je doute que toute autre conduite eût
amené des résultats plus satisfaisants,
vu la gravité du cas.
Si
je rapproche ces deux faits pour examiner quels moyens
techniques ont assuré les résultats rapides,
j'y vois que les frictions doivent être
employées pour les premières séances,
qu'il faut, plus tard, y associer les pétrissages.
Les maoeuvres ne seront pas limitées à
l'épaule seule, mais s'exerceront sur le membre
entier, à commencer par les doits, les mains,
et ainsi de suite. autour de l'épaule, elles
s'adresseront surtout au deltoïde, généralement
le plus atteint dans toutes les affections de l'articulation
scapulo-huméral. Elles agiront séparément
sur ces trois parties principales. Comme pour le grand
péctoral et le grand dossal, les frictions doivent
être pratiquées avec le talon de la main,
parallèlement et à la direction des fibres
musculaires, c'est-à-dire en montant toujours
(Page 293) vers l'acromion. Quelques
tapotements sont utiles à la fin des séances
pour éveiller la contractilité des fibres
musculaires et les sens musculaires, après que
les fictions ont dégagé ces fibres
des exsudats qui les encombres.
Les
mouvements
passifs et actifs
doivent compléter la séance. N'agissent-ils
pas, eux aussi, comme une sorte de massage ?
A l'épaule, les mouvements passifs feront le
mouvements en avant (flexion), le mouvement en arrière
(extension), l'abduction, l'adduction, la cicumduction,
la rotation, poussés par le chirurgien
jusqu'au point où le patient éprouve des
douleurs par trop fortes.
Comme
mouvements actifs, le malade doit porter la main à
sa bouche, sur sa tête, c'est classique. Un moyen
qui m'a semblait très pratique pour récupérer
l'abduction, et de dire au malade de placer sa main
sur le dos d'une chaise et de s'en éloigner petit
à petit jusqu'à ce que le mouvement, devenant
plus actif, il puisse l'éloigner au contraire
de son corps, puis enfin la soulever.
Courants
continus et interrompus, Bains de Barèges, douches
chaudes, traitement thermal, etc. , reste encore ici
le complément très utile du massage.
Dans
les deux luxations,
où je croix avoir eu à me louer beaucoup
de la massothérapie,
elle me paraît avoir agi en réduisant au
plus vite le gonflement et les ecchymoses, en dissipant
du même coup les douleurs (elle a suffi pour en
venir à bout quand elles ont reparu tardivement
chez mon premier malade); en éveillant la fibre
musculaire de cette stupeur locale où la plonge
le traumatisme d'ou elle glisse à l'atrophie,
enfin, en prévenant les indurations et roideurs,
qui, sur le tard, enchaînent les mouvements de
l'articulation.
Je
me sens affermi dans mes conclusions par les lignes
suivantes, que je trouve dans un intéressant
article que M. Hennequin dans la revue de chirurgie
(1). Leur portée ne peut être douteuse
à quiconque a vu avec quelle compétence
et quels soins notre confrère examine une luxation.
(1)
Hennequin. revue de chirurgie 10 janvier 1890. (Page
294)
"Une
pratique qui tend à se généraliser
et que j'approve sans réserve, consiste à
soumettre l'articulation à un massage
régulier de cinq à dix minutes avant d'imprimer
des mouvements. Le massage a le grand avantage
de réveiller la vitalité et la contraction
des muscles de hâter la résorption des
épanchements en les disséminant sur une
large surface, d'assouplir les tissus, de diminuer la
sensibilité et la douleur, de hâter le
retour des fonctions régulières des organes,
de permettre d'imprimer plus étendus aux surfaces
articulaires, de prévenir la réaction
et la prolifération des tissus fibreux péri-articulaires
et du tissus intra-musclaire.
Le
massage devra précédé les
mouvements passifs... etc."
IV.
FRACTURES.
C'est
aux fractures sans gravité comme celles du radius
et du péroné que j'ai d'abord appliquer
le massage pour l'étendre ensuite à
divers cas, fractures ou autres lésions. Les
résultats que j'avais pu constater dans le service
de L.-Champonnière, et son étude sur "Le
massage et la mobilisation dans le traitement
des fractures" me rendaient très désireux
de les constater et les obtenir par moi-même.
Avant
de conclure, je dois exposer ce que j'ai observé.
Mais, à l'avance, je puis dire qu'avec tous ceux
qui ont systématiquement adopté le massage,
j'ai été frappé de ce fait général
très important : rapidité des résultats.
Je
l'ai principalement étudié dans les fractures
du radius et du péroné, _elles sont si
fréquentes_, et dans quelques autres encore (cubitus,
olécrane, jambes, cuisses, col du fémur).
On
peut envisager ces bénéfices dans deux
conditions différentes, suivant qu'il est employé
au début du traitement ou seulement après
la suppression de l'appareil plâtré. Je
l'envisagerai dans la première surtout, car c'est
là qu'il donne son plus grand profit.
A.
fractures de l'extrémité inférieur
du radius. _ Il y aurait avantage, au point de vu du
pronostic et des indica- (Page 295) tions
thérapeutiques, d'adopter pour les fractures
la division si utile ailleurs : cas légers, moyens,
grave.
1°
Le cas Leger, c'est celui d'une personne d'âge
adulte qui tombe la main en avant et vient se plaindre
d'une douleur vague au poignet, dont il lui est impossible
de se servir. L'examen révèle un léger
gonflement au dos du poignet, pas d'entorses, pas de
déformation du squelette, mais un point excessivement
douloureux sur le radius, à 1 ou 2 centimètres
au-dessus du sommet de l'apophyse styloïde. La
fracture est ainsi manifeste, mais combien bénigne.
Elle eû pu passé inaperçue sans
grand dommage pour le malade. Ce n'est qu'un léger
tassement de l'extrémité inférieure
de l'os. Un appareil plâtré serait bien
inutile ici. Le mieux est alors d'avoir recourt au massage.
Frictions légères centripètes
sur toute la périphérie du poignet en
évitant le foyer de la fracture dans les premières
séances. Un peu d'ouate, une bande roulée
et la main dans une écharpe dans l'intervale
des séances quotidiennes ; il n'en faut pas davantage
pour que la main récupère en dix ou douze
jours, ces mouvements essentiels.
2
° Les cas moyens sont ceux où le gonflement
est plus marqué, l'apophyse styloïde raccourcie,
l'artuculation plus ou moins entorsée et le dos
de fourchette visible. Ici encore, rien de mieux que
le massage pour réduire promptement et
douleurs et gonflements. Les frictions doivent agir
sur les doigts d'abord qui sont roides ou gonflés,
puis sur le dos de la main, autour de la fracture, sur
la masse des épicondyliens et des épitrochléens,
même sur le bras. On entretient ainsi les agents
actifs de la pronation et de la supination. Il m'a paru
très important, que, pendant les séances,
la main et le poignet du malade soit calés et
bien d'aplomb sur une table car la moindre secousse
retentit douloureusement. Chaque séance sera
suivit de mouvements passifs imprimés aux doigts
et surtout aux poignets. Un petit appareil ouaté
suffit dans l'interval des séances en y insérant
au besoin une plaquette de carton sur le côté
antérieur du poignet pour le soutenir.
Le
massage étant chose nouvelle pour les
fractures, le ma- (Page 296) lade n'est
pas sans méfiance à son égard.
Il reconnaît volontiers que les douleurs et le
gonflement ont promptement cédé, mais
il se préoccupe de la forme des os, se demandant
si son cal sera correcte, alors qu'on ne place pas l'appareil
comme à tant d'autres dont il entend parler.
Ce serait faire du tors à la méthode,
je crois, que de ne pas tenir compte de ses craintes.
Si pendant les intervales des séances on met
au malade un appareil simple (ouate, deux attelles en
bois ou carton, bandes de toiles), non seulement
on dissipe ses appréhensions, mais encore on
prévient les déjettements du raduis et
de la main qui peuvent insensiblement se produire. De
sorte que, pour ces cas d'importance moyenne, l'appareil
ne dois pas être rejeté à la condition
d'être défait chaque jour pour le massage.
3°
Enfin il est des cas graves (d'une façon relative)
où tous les signes de la fracture du radius à
son extrémité inférieure sont nettement
accusés, y compris le dos de fourchette. Ils
ne vont pas sans entorses plus ou moins intense du poignet.
Le traumatisme s'augmente encore de la nécessité
de réduire assez violemment la fracture. Ici
pas de doute possible sur le l'opportunité d'une
appareil temporaire, avec séances de massage
et de mobilisation une fois par jour. Dans un de ces
cas, chez un homme d'une soixantaine d'année,
j'ai vu un gonflement des plus rebelles limité
aux doigts et à la main qui disparaissait exactement
au niveaux de la fracture. Il ne gardait que faiblement
l'emprunte du pouce et cependant il ne pouvait être
expliqué que par une compression veineuse dû
à la déformation du squelette. Le massage
quoique prolongé n'y fit absolument rien. Il
fallut pendant une quinzaine de jours comprimer très
énergiquement sous la ouate la main entière.
Le gonflement fut réduit de la sorte, mais la
main resta à l'état de battoir. Des mouvements
passifs et des bains d'eau salée très
chaudes en eurent raison.
La
durée moyenne du traitement dans mes observations
se trouve être de 15 jours, mais il ne s'agit
que de cas légers ou moyens. La supériorité
du massage n'est donc pas contestable quand on
réfléchit qu'avec l'appareil plâtré
il faut une ving (Page 297) taine de
jours d'immobilisation puis autant à peu près
des conséquences de l'appareil. Je trouve dans
mes notes une observation qui peut servir de contrôle,
et montre l'infériorité de l'appareil.
Jeune
homme de 28 ans. Fracture de l'extrémité
inférieure du radius gauche, appareil plâtré
pendant 22 jours, quand on retire l'appareil la
mains est encore gonflée, il y a 2 cent. en moins
de circonférence à l'avant-bras du côté
malade. Les masses musculaires y sont notablement plus
molles. Le malade ne peut ni serrer une main, ni soulever
une chaise, ni ouvrir une porte, ni faire le mouvement
d'opposition du pouce au petit doigts. Il est pourtant
jeune et non rhumtisant. Il fallut encore une dizaine
de séances de massage, des bains d'eau
chaude salé et surtout des courants continus
pour rendre à peu près ses fonctions à
cette main. En tout 56 jours de traitement. Lorsque
après une dizaine de séances en moyen
le malade n'a plus de douleur, il peut commencer la
série suivante d'exercices : serrer la main,
tenir un journal, opposer le pouce aux autres doigts,
puis soulever une chaise, ouvrir une porte. Dès
que ce dernier résultat est obtenu, la guérison
est acquise, quelques rares malades réclament
ensuite trois ou quatre séances supplémentaire
parce qu'un peu de douleur a persisté qui cède
vide à cette courte reprise des frictions
méthodiques.
B.
fractures de l'extrémité inférieur
du péroné. - Je n'envisage également
pas, ici, les cas sans gravité auxquels cependant
il est encore assez d'usage d'appliquer un appareil
silicaté. Le résultat du massage
est rapide aussi et mes chiffres concordent avec ceux
de L.-Champonnière qui nous dit qu'après
la troisième semaine la cure est terminée.
En comparant de faits analogues je vois que pour le
deuxième l'ensemble du traitement, sans l'appareil,
a duré 17 jours, et pour le premier le traitement
consécutif à pris strictement le même
temps. Mais il faut y ajouter 30 jours d'appareil. 47
jours au lieu de 17 voilà la proportion. Encore
(Page 298) puis-je affirmer que le
deuxième malade après les 17 jours avait
sa jambe dans un état autrement satisfaisant
que le premier après les 47 jours.
Le
résultat est toujours rapide chez les ouvriers
courageux hâtés de revenir à leur
travail qui souvent ignorent même que leur péroné
est fracturé.
Je
me rappelle d'ailleurs avoir entendu un de mes maitres
dans les hôpitaux faire ce diagnostique préalable.
" Cet homme est-il venu à pieds à
l'hôpital ? C'est une fracture du péroné.
S'est-il fait porté ? C'est une entorse"
et dans la grande majorité des cas l'examen vérifiait
le diagnostique.
Dans
les fractures du péroné le massage
m'a paru surtout utile non seulement pour réduire
douleur, ecchymoses et gonflement, mais encore pour
restituer aux articulations de la région leur
souplesse physiologique. Grâce à lui le
malade peut assez promptement appuyer sur son talon
antérieur et s'élever en portant sur cette
partie du pieds. Tant que cette condition n'est pas
réalisée, la marche reste fort gênée.
C.
Fractures divers. - dans quelques autres cas de fracture
que j'ai pu suivre, trop peu nombreux pour conduire
à des conclusions générales, voici
comment j'ai vu le massage agir.
Pour
une fracture complexe du coude, où le diagnostique
était resté incomplet ; par le dégorgement,
l'assouplissement qu'amenèrent les frictions
au sortir de l'appareil, il devint évidement
que l'extrémité inférieur de l'humérus
avait été déformée, que
les os de l'avant-bras venaient buter dans la flexion
contre un cal difforme qu'il était illusoire
de vouloir outrepasser la demi-flexion. on voit ici
l'utilité du massage pour l'achèvement
du diagnostique et du pronostic. Il a montré
ce qui était définitif dans la lésion.
Pour
la jambe, il hâte notablement la reprise des fonctions
dès que l'appareil est enlevé. Six séances
suffisent en moyenne.
Dans
les fractures de cuisse, il assouplit toutes
les articulations, quand l'immobilisation est terminée,
il s'agit de même sur les muscles de la cuisse,
leur donne de la sûreté et dis- (Page
299) sipe les oedèmes qui, chez les gens
âgés, peuvent persister autour des malléoles.
D'une
façon générale, s'il est prudemment
employé dans les fractures, le massage
se montrera inoffensif toujours, utile très souvent.
V.
ATROPHIES.
Après
avoir apporté de nouveaux documents à
l'actif du massage et montré combien son
utilisation est précieuse pour la rapidité
des résultats, j'arrive à reconnaître
le côté faible de la méthode. Au
fur et à mesure que je dépouillais mes
observations, j'étais de plus en plus frappé
d'y trouver cette mention souvent reproduite : "n'a
rien fait contre l'atrophie".
Voici
par exemple un homme de 38 ans qui, à la suite
d'une fracture du col du fémur, présente
une amyotrophie de la cuisse gauche telle qu'à
la circonférence elle mesure 4 centimètres
en moins qu'à droite. Après 11 séances
de massage (frictions, pétrissage,
tapotements) le membre est assoupli, mais l'atrophie
persiste au même degré.
Je
recours alors aux courants continus qui apportent plus
de force aux muscle. Un femme après une fracture
du péroné droit a 4 centimètre
d'atrophie (en circonférence). Dix séances
de massage. Après la sixième la
malade se trouve beaucoup mieux, la marche devient facile,
mais après la dixième, le mollet n'a pas
repris même un demi-centimètre.
Enfin
une femme de 33 ans se contusionne fortement la hanche
gauche dans une chute de voiture. Quand je la vois,
trois semaines après l'accident, elle boite parce
que, dit-elle, elle sent son membre inférieur
gauche plus faible que l'autre. Rien au squelette d'ailleurs.
La cuisse gauche a dans sa circonférence 3 centimètre
de moins que la droite. L'atrophie est encore plus marquée
sur les muscles fessiers et dessine un creux très
accentué au-dessus du grand trochanter gauche.
le massage n'a rien pu contre cette atrophie.
Je pourrais citer un plus grand nombre d'échec.
La plu- (Page 300)
part se rapportent à des fractures où
le massage n'a été appliqué
que tardivement. Elles peuvent être rapides et
graves les amyotrophie des fractures. J'ai dans mes
recueils l'observation d'une fracture du cubitus mise
dans un appareil silicaté et suivie d'atrophie
marquée non seulement à l'avant-bras,
mais encore à la main et au bras.
Appliquée
ainsi tardivement aux segments de membre atrophiés,
la massothérapie
ne peut que les assouplir, mais elle les laisse grêle
et partant sans forces. C'est alors que l'électrothérapie
lui vient en aide pour donner plus d'énergie
aux contractions musculaires.
Comme
pour atténuer ce que je viens de dire, je vois
aussi que dans mes observations il n'est pas fait mention
des insuccès du massage que lorsqu'il
a été consécutif, par exemple après
la levée d'un appareil. Serait-ce que le massage
précoce primitif réduirait les atrophies
rebelles en s'opposant à leur apparition ? J'aurais
tendance à la croire d'après ce que j'ai
vu pour les deux luxations
de l'épaule.
Cette
conclusion est confirmée par les résultats
que m'a donnés le massage immédiat
dans les luxations expérimentales dont il est
question dans la 2° partie de cette étude.
Donc,
contre les amyotrophie le massage tardif est
sans action, le massage précoce seul rendrait
des services.
Albert
Reibmayr (de Vienne)(1) nous dit : "On
obtient par le massage des résultats complets
dans l'atrophie musculaire, à la condition qu'elle
ne soit pas due à une affection médulaire".
Cette
réserve vient à l'appui de ma conclusion
puisque, nous l'avons vu, l'expérimentation et
histologie démontrent que la moelle est presque
toujours en cause dans les amyotrophie.
VII.
CONSTIPATION.*
Au
court de mes essais multiplié de massothérapie
j'ai été conduit à l'utiliser avec
le plus rapide succès contre un cas de constipation
rebelle.
(1)
Le massage par le médecin Dr Léon
Petit .
(Page 301)
M.
X., d'une quarantaine d'année et d'un tempérament
nerveux, me communiquait un jour son inquiétude
au sujet d'une rétention fécale habituelle.
Depuis une vingtaine d'année il n'allait à
la garde-robe que tous les 7 ou 8 jours en moyenne et
fort peu chaque fois. Cette difficulté dont il
ne s'inquiété guère d'abord, avait
fini par obséder son moral d'autant qu'elle entraînait
des céphalalgies et des anorexies répétées.
au milieu de ses occupations l'idée de sa quasi-infirmité
lui revenait sans cesse et sa physionomie comme son
langage, lorsqu'il m'en parla, disaient sa vive et longue
contrariété. Je renonce à faire
la longue énumération des spécialités
qu'il avait employées.
Je
lui donnai le conseil de renoncer à tous les
purgatifs pour essayer du massage. voici comment
procédait le masseur dont je dirigeais moi-même
les manoeuvres.
Le
malade étendu dans son lit les jambes relevées,
la vessie vidée les mains actionnèrent
successivement les divers groupe musculaire de la paroi
abdominale. D'abord des frictions verticales ascendantes
et descendantes sur les droits antérieurs, ensuite
des passes obliques suivant la direction des fibres
du grand oblique, puis transversales pour les petits
obliques et transverses.
Le
malade se plaçait ensuite sur le ventre et les
mains du masseur malaxaient vigoureusement les
muscles sacro-lombaires. Après ce traitement
de la paroi contractile celui de l'intestin même.
Les deux mains du masseur descendaient
alors, poings fermés, du caecum vers le rectum,
en suivant le cous des côlons et plongeaient tout
particulièrement dans la fosse iliaque gauche
pour propulser les matières alvines. La séance
durait ainsi un quart d'heure, composée, on le
voit, de pressions excitantes et sur les muscles pariétaux
et sur les fibres intestinales même. Dès
le lendemain de la première séance, au
matin, mon malade se présentait à la garde-robe
pour un succès complet. Les séances furent
continuées quotidiennement et presque tous les
matins. Aussi, plus ou moins, le malade exonérait
son (Page 302) rectum. Alors
plus de maux de tête, un excellent appétit,
une quiétude d'esprit retrouvait.
Les
séances ont été répétées
20 fois, puis continuées pendant 20 autres jours
à raison de 2 fois par semaine.
Je
dois dire que ma confiance dans le massage ne
m'avait pas fait négliger l'emploi simultané
des douches et d'un régime approprié.
Dans ces applications variées le massage
est en effet puissamment secondé par les douches,
l'électricité, etc. mais sans lui ces
moyens auxiliaires perdraient beaucoup de leur effets.
Il est l'agent principale, le premier à mettre
en oeuvre dans cette série d'intervention externe.
Mes
lectures m'ont ultérieurement appris que Ling,
Lainé
et Reibmayr
procédaient d'une manière assez analogue,
agissant successivement sur les muscles de la paroi
et sur ceux du tube digestif.
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