Question
de coporalité.
Par
Alain
Cabello-Mosnier. P/O le CFDRM
Libre de droits non commerciaux.
Rédigé
à Paris le : vendredi 6 juillet 2012
Question
de coporalité.
Qu'est
ce qui nous inspire le plus d'attirance, la BOUFFE ou
la MERDE
? A cela les gens vous répondent assez invariablement
que la nourriture est naturellement plus attirante,
mais alors, pourquoi persiste-t-on à conseiller
de se laver les dents 3 fois par jour et si peu les
fesses ? Il semblerait que l'hygiène bucco-dentaire
soit plus valorisée que celle de l'anus. Cela démontre
bien que se nourrir contient une valeur commensale que
la merde n'a pas. Le repas de famille, entre amis, conforte
le lien social, alors que nous allons toujours seul
aux toilettes, c'est un acte solitaire, l'anus n'est
jamais pour beaucoup qu'un vide-ordure organique. La
nourriture, elle, peut être associée à
la sexualité,
au glamour, et en tout cas le plus possible au plaisir
alors que l'anus conserve dans le corps la même
place qu'il a dans nos appartements, un phénomène
au bout du couloir à gauche dont personne ne
parle. Pourtant, dès que nous intégrons
le champs de la sexualité, pour un certain nombre
d'entre-nous, il reprend toute sa place, mais alors,
pourquoi l'associe-t-on au sale ? Ce n'est pas seulement
l'aspect peu reluisant que toute matière excrémentielle
prend pour celui qui la produit, son odeur pestilentielle
permet à l'espèce concernée de
ne pas la réingérer à cause de
la pauvreté en nutriment qu'elle contient encore.
Une autre raison assez majeur c'est la représentation
que l'on accorde à la sexualité vecteur
de plaisir dans une société judéo-chrétienne
et non en tant que simple manifestation de vie présent
partout.
Je
ne comprends pas pourquoi l'enseignement de la sexualité
à l'école ne rejoint pas celle de l'hygiène
? On parle de propreté parce qu'elle est devenue
une valeur sociale récente aquise au 19ème
siècle et confirmée au 20ème, alors
que la sexualité est encore associé à
l'intime et même encore parfois au sale au sens
de moeurs.
C'est étonnant puisque les deux sont étroitement
liée, toutes les deux sont sexualité
et toutes les deux sont hygiène. L'école
nous parle volontiers d'hygiène bucco-dentaire
socialement valorisable mais très mal de sexualité
par trop exposée. L'hygiène ne semble
pourtant ici que posturale et sans vrai fondement hygiéniste
si l'on se fie au peu d'empressement avec lequel elle
la fait appliquer, sinon, comment expliquer que toutes
les écoles de France ne rendent pas obligatoire
d'avoir une brosse à dent scolaire dans son casier
et de se les laver avant d'entrer en classe à
8h30 et à 14 heure, à la reprise des cours,
que l'on ait mangé à la cantine ou non
? La sexualité, lorsqu'elle est abordée
en classe, y est atrocement réduite à
l'appareil reproducteur et le corps à ses organes
d'élection, comme si le sexe ne passait que par
le sexe. Il me semble que si l'on abordé la sexualité
sous l'angle de l'hygiène et que tout
le corps y était associé, cela changerait
la donne. On entend souvent dire que les adolescents
sembleraient gênés de parler de sexualité
avec des adultes ! Il me semble que les attirer sur
un terrain qui est par nature le-nôtre doit de
fait, pas mal les destabiliser. J'ai toujours étais
sidéré d'entendre qu'il n'est pas facile
de parler de sexualité avec ses parents, ne comprend
-t-on pas que cela confine à l'inceste ? C'est
à l'école d'en parler et ce depuis la
maternelle. Nous ne devrions pas avoir quelques livre
sur la sexualité à la maison mais toute
une bibliothèque corporelle couvrant tous les
âges. Le massage
devrait se pratiquer dans les famille depuis la naissance
et s'adapter ensuite avec l'âge. Que l'ado devienne
réticent à se mettre nu ne doit pas proscrire
l'idée de masser les pieds, le dos, les trapezes.
Ce
qui est stupéfiant, c'est que l'on préconise
davantage de se laver la bouche pourtant salie par un
alimentaire considéré comme glamour, alors
que l'anus
reste disqualifié comme un non-organe sous-existant,
sali par l'infamie. J'ai toujours été
frappé de voir l'hygiène anal suivre une
décroissance régulière pour devenir
négative à l'adolescence... Regardez les
soins dont on entoure le nouveau-né dès
sa naissance ? Chacune de ses selles est amoureusement
évacuée et les fesses de bébé
font l'objet de toutes les attentions. Laits parfumés,
crèmes, couches saines et au fure et à
mesure que l'enfant grandi, la courbe s'inverse, les
bains
s'espacent et l'anus rejoint les enfers. Julia Peker
écrit dans "Cet obscur objet du dégoût"
Ed. Le Bord De L'eau 2010
que l'excrément
est valorisé chez le bébé, il est
un cadeau fait à la maman, il sort de lui pour
être pris par sa mère qui associe "son
cadeau" au "confort rendu et ressenti par
l'enfant". L'autre élément qui vient
rassurer plus ou moins consciemment les parents dans
les premières heures postnatales, c'est que le
cours naturel des selles est la manifestation que tout
fonctionne chez bébé. De plus, le moment
du change est d'une grande richesse de communication,
de découverte de l'autre.
Seulement
voilà, à l'âge où la propreté
devient un enjeu de socialisation, on passe subrepticement
d'abord du confort à la nécessité,
puis de la nécessité à l'obligation
comme par exemple lorsque l'on veut que bébé
puisse intégrer une école maternelle.
La couche-cadeau cède discrètement le
pas au pot qui devient le receveur légal de ce
qui n'est plus qu'excrément nauséabond,
la nourriture naturelle de la couche c'est muée
en un déchet que le toilette évacue. Le
toilette, c'est le pot des adultes. Julia Peker dit
que c'est une des premières cassure, ou incompréhension
entre la mère et l'enfant. Le cadeau devient
soudainement un déchet, ce qui sort de lui, applaudit
à deux mains à la naissance n'en nécessite
plus qu'une, pour la fessée, quand on n'a pas
fait dans le timing entre le calcul de la longitude
et de la latitude pour localiser le pot et les urgences
de la physiologie. Au lait des premiers mois de
la vie se succède la lingette humidifiée,
parfumée, pour être remplacer sans ménagement
par un papier sec et inodore, symbol de la propreté
des adultes. Là aussi il y a bien des contradictions,
à l'heure des produits nettoyant anti-bactériens
laissant une surface brillante, l'éponge à
fesse, quant-à-elle a beau être rose, elle
reste, qu'on le veuille ou non, insuffisante pour l'espace
qu'elle a à traiter. C'est d'ailleurs intéressant
de voir que la texture du liquide de toilette
utilisé en fonction de l'âge est inversement
proportionnelle avec la production excrémentielle
indexée sur la taille de l'enfant qui grandi.
Le produit est d'autant plus humide et parfumé
que le bébé est peu exposé de par
son environnement confiné, alors qu'il finit
par s'assécher jusqu'à avoir l'aridité
du papier toilette lorsque l'enfant se confronte quotidiennement
aux éléments extérieurs. En fait,
ce n'est pas bébé qu'on lave, ce n'est
que l'expression moderne d'un rite d'accueil et de valorisation
de la naissance. Ce n'est en fait pas de l'hygiène,
c'est de l'accueil. La pute
comme la salope
désigne
étymologiquement non pas la condamnation de leurs
pratiques comme nous pourrions le penser mais celles
de leur absence d'hygiène. L’ancien français put désigne ce qui est (« sale »),
il vient du verbe latin putere (« puer, sentir mauvais »)
ou de putidus (« fétide, puant »)
de même racine. Alain Corbin reprend
cette ancienne observation dans son ouvrage Le miasme et la jonquille Ed. Flammarion 2008
(
p.71 "Une pratique excessive du coït
provoque un véritable déversement spermatique
dans les humeurs de
la femme, pourrit les liqueurs et engendre une puanteur
insoutenable." La mauvaise hygiène
est la transposition symbolique des mauvaises moeurs,
triste privilège de l'adulte. Le
bébé est pur, il doit donc être
parfaitement propre jusqu'à ce que l'âge
le pervertissant, le confronte progressivement à
la réalité peu reluisante de la matière.
Remplacer ces rites par la douche est une tentative
maladroite de reconnaître que nous restons sale
par endroit car nous savons bien qu'il n'existe pas
de concordance entre le moment de la selles et le passage
au bain. La corporalité des femmes les obligent
à d'avantage d'hygiène intime et la proximité
anatomique de l'anus avec
le vagin sans oublier le port du string ou de la petite
culotte sexy ficelle le tout. Par contre, là
où cela se corse c'est pour les hommes tout enfermé
qu'ils sont dans leur machisme débile sur lequel
s'est construit la société. Néanmoins,
les choses changent, les mouvements féministes
des années 1970, le statut des homosexuel(le)s
en passe de se fondre dans les droits du citoyen (1), "pas
trop tôt", et la mode, améliorent
l'hygiène. Les sous-vêtements deviennent
enfin très jolis, la mode du rasage intime fait
fureur et, même si cela désole le masculiniste
que je suis, que je préfèrerais que les
hommes ne tombent pas le piège consumériste
des standards de la beauté sur papier glacé,
ça a au moins l'avantage de les amener à
découvrir leurs intimités annexes.
Ainsi,
l'esprit se mobilise et par association cherche des
vraisemblances. Après tout, lorsqu'on tombe de
la confiture sur la table, à côté
de sa tartine, on sait bien que si l'on se contente
de l'essuyer avec un papier molletonné, ça
restera poisseux ? L'éponge humide reste la seule
solution de confort. Alors pourquoi persiste-ton à
utiliser pour ses fesses ce qu'on a renoncé
à prendre pour sa table et comment expliquer
que la confiture soit plus impitoyablement traitée
que l'excrément
? Nous pouvons trouver une partie de la réponse
dans notre bipédie, en se redressant, l'homme
s'est doté de muscles fessiers qui ont eu pour
effet d'enfermer l'anus et ses phéromones
dans un espace devenu impratique pour l'odorat. Homo
sapiens a donc compensé cette mise à distance
organique par un autre de ses sens
qui lui n'a pas besoin de proximité, l'oeil.
Notre commerce avec la merde
s'est ainsi distendu jusque dans la péjoration
au bénéfice de ce que nous appelons aujourd'hui
la pulsion
scopique.
(1) A l'heure
où j'écris ce texte, François Hollande
vient d'être élu Président de la
République Française. Son prédécesseur,
Nicola Sarkozy
fut tellement un must d'arrivisme et de cliquant, qu'il
n'a pas été reconduit dans ses fonctions,
à perdu pour la première fois depuis le
début de la Ve République la majorité
au Sénat organisé pour être toujours
à droite... et vient s'offrir une déroute
de nature à laisser à la gauche la majorité
absolue à l'Assemblée Nationale. Ceci
pour vous présenter le contexte politique dans
lequel je m'exprime et rappeler les promesses du nouveaux
Chef de l'Etat, visant à nous restituer nos droits
de citoyens, le mariage civil et la possibilité
de pouvoir redonner notre sang, nous réinscrire
sur les liste de donneur de moelle osseuse desquelles
nous étions radiés à cause de nos
moeurs...
Bibliographie
associée : – Une vieille histoire
de la merde par Alfredo Lofez Austin Ed.
Le Castor Astral 2009 – Histoire
de la merde par Dominique Laporte ; Paris : Christian Bourgois,
1978 –
Le Propre et le sale, L'hygiène
du corps depuis le Moyen Age par Georges
Vigarello Ed. Essai
poche 1987 .
–
Cet obscur objet du dégoût
par Julia Peker Ed. Le Bord De
L'eau 2010
– Dans
la fiche technique de Flagellum salutis par Kristian
Frantz Paullini 1698 TDM
est mentionné (La pharmacie de la saleté)
dans lequel il est décrit comment on peut guérir
de nombreuses maladies avec l’urine et les excréments.
– Lire aussi Histoire du corps, TDM coffret de 3 volumes Sous la direction de Alain
Corbin, Jean-Jacques
Courtine,
Georges
Vigarello Ed. Essai
poche 1987 .
Papier écrit par
Cabello
Alain. Paris le : vendredi 6 juillet
2012 |