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Page créée le : samedi 14 février 2015, 22:19, terminée le : dimanche 15 février 2015, 12:49 dernière modification
Mots clefs : prostitution en massage, hétérosexualité, homosexualité, masseur-gay,
Noms propres : CFDRM de Paris ; Alain Cabello-Mosnier ;
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La parole en massage est une transgression du toucher

 

Par Alain Cabello-Mosnier.
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Rédigé à Paris le : samedi 31 janvier 2015


Parler c'est communiquer mais communiquer ce n'est pas forcément parler.

Certains massés aiment parler en massage mais l'on s'aperçoit que c'est une sorte de résistance à se résoudre à l'instant de relaxation qu'ils ont voulu. Pour cela je préconise que le praticien réponde mais n'entretienne pas la conversation ni ne pose aucune question afin de ne pas inciter la personne à mobiliser son esprit pour répondre. Personnellement je ne suis pas favorable à renvoyer un massé dans les roses d'un dicta supposé - pour moi la relaxation est un retour aux origines mais pour lui, à cet instant, elle peut avoir un autre sens, une autre nécessité, un impact qu'on ne soupçonne pas. Le verbe est parfois une protection, une façon de se rassurer.

En massage il y a d'autres formes d'interventions verbales en jeu en particulier lorsqu'il s'agit de dire à la personne qu'il est temps de se retourner ou que le massage arrive à son terme. Comment dire les choses sans parler et donc sans casser le silence ?
La parole en massage est une transgression du toucher quand elle se pose là où elle n'est plus forcément nécessaire et ne vient plus qu'en complément d'une information que le toucher ne peut traduire sans son recours.
En fait, le déroulé technique d'un massage devrait être cabale de suggérer une fin et pourquoi ne pas envisager de laisser à la personne la liberté de se retourner quand elle le souhaite ou d'arrêter son massage à volonté ?
Jouer sur la raréfaction du toucher, les gestes abandonnées, les lâchés sachant qu'en travaillant comme cela la durée de votre massage peut varier et la seule façon pour que cet esprit de liberté ne rencontre jamais les froides réalités du temps, il faut développer les Massages comminutifs.
En Massage Français je m'emploie ainsi à intégrer l'idée de massage segmentaire qui viendrait comme une sorte de ponctuation structurante comme élément de construction constituant tout massage. En effet, tout massage se compose d'un nombre déterminé de secondes, de minutes et de divers segments, alors pourquoi ne pas se servir de ceux qui sont les plus amènes de favoriser la relaxation ?
Secondes et minutes sont par trop anxiogènes, mais le segment de cinq minutes est idéal pour travailler.
Bien sûr, laisser le massage libre supposerait une perte économique qui constitue le seul frein provenant de nos impératifs économiques, pourtant, il existe d'autres voies comme des considérations subliminales techniques indiquant par la pression, la qualité du geste, la fin d'un cycle.

Le massage s'inscrit de fait comme la renonciation du verbe au profit du sens originel (le toucher), qui chez l'homme se développe en premier au sein-même du ventre des mères mais toucher est un verbe.

Si le toucher est un verbe, alors pourquoi parler serait une transgression ? Les deux peuvent se substituer l'un à l'autre jusqu'à un certain point mais lorsqu'un certain niveau de sens est atteint ils se gênent et tentent de s'abstraire de leur gravité respective.
Parfois, le massage peut devenir un langage quantique qui passe par mes mains qui se comportent comme une sorte de danse des flamands roses faite de 0 et de 1 mais une chose est sûr, c'est que le verbe vient s'ajouter à lui au même titre qu'une danseuse pouvant danser avec un corps de Ballet tout en restant le seul axe définitif de cet espace originel.
Parler c'est briser, rompre, menacer, regretter, exiger, indiquer, là où le massage ne devrait être que proposition, suggestion, concertation.
Le massage est une équation faite de doigts.
Parler est un système d'alarme sur lequel il ne faudrait jamais tirer.
Si je commence mon massage en imprimant sur le dos de mon massé de la force, je le termine dans la douceur, comme un vieux couple qui sait ce que l'autre a à dire. Lorsque je le termine, j'actionne de petites chutes de météorites qui viennent réveillent mon massé, j'épuise l'énergie du geste, j'esquisse ce qui n'est plus qu'une évanescence que je signe avant que cela ne se termine en mouvement.

Le mot est un relais que le toucher donne aux témoins de nos doigts, à notre corps tout entier.
Toucher c'est avoir la certitude l'autre.
Je dis souvent que le toucher est le seul sens qui n'implique pas la distance avec le goût mais il lui est subordonné. Masser et l'être en retour c'est s'assurer que l'autre existe au-delà de la voix et au-delà des mots, au-delà même de la forme, elle se crée au toucher de l'autre, la peau d'un homme allongé répond lorsqu'on entre en contact avec elle, et c'est cette réponse que les masseur(se) tentent de trouver que les massé(e) viennent chercher (m'avez-vous entendu).
Être massé c'est exister par et dans les mains de l'autre, c'est être sûr que même nu, même les yeux fermé, l'intervenant reste toujours capable d'empathie, de connivence.

Le massage idéal serait un lieu où les mots n'existent pas davantage que le temps qui le pressure.

Alain Cabello
samedi 31 janvier 2015