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Abdeker ou, la trace écrite d'un massage égyptien

 

Par Alain Cabello-Mosnier.
P/O le
CFDRM
Libre de droits non commerciaux.

 

Rédigé à Paris le : jeudi 4 mai 2017

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Abdeker ou, la trace écrite d'un massage égyptien Par Alain Cabello P/O le CFDRM de Paris

Le CFDRM c’est lancé dans la lecture minutieuse de “Abdeker, ou l'art de conserver la beauté” de 1754 ou 1168 de l’Hégire TDM Fiche technique où l'auteur, Antoine Le Camus se plaît à dire, qu'il serait «la Traduction d'un Manuscrit arabe qu’un Diamantes Ulasto, médecin qu'un supposé Ambassadeur Turc aurait apporté à Paris en 1740. Autant dire à l’avance qu’il s’agit d’un genre littéraire très prisé à cette époque et non d’une archive dûment répertoriée mais ça n’en reste pas moins intéressant.

Nous disposons bien sûr, comme nous tentons de le faire à chaque acquisition de l’original composé de quatre petits volumes en deux tomes (d’environ cinq cent pages chacun) qui disposeraient de quelques lignes sur le massage. Alors, comme souvent avec ce genre d’affirmations qui nous viennent de lecteurs peu ou pas encore identifiés et souvent issus de la culture du XIXe siècle, c’est qu’elles ne sont pas en capacité de dire précisément où et lorsque c’est su, cela ne l’est que par un cercle très restreint de connaisseurs et rarement accessible. Donc l’initiative CFDRM c’est justement de procéder à ce travail de lecture méthodique et de mettre nos références en ligne de façon que, lorsque le sujet du livre n’est pas le massage mais qu’il en fait mention, que nous puissions connaître le volume, la page, la ligne correspondant. Nous avons corrélativement commencé le gigantesque travail de lecture et d’étude des dix volumes des Oeuvres complètes d’Hippocrate par Littré Fiche techniqueEO, pour y lister justement et définitivement les traces de massage dans l’antiquité, ici l’ouvrage sera davantage récréatif pour nous mais il nous montre que le présent auteur est bien plus léger, littéraire qu’Hippocrate.

 

Synopsis de l’histoire « Abdeker, médecin personnel du sultan Mohamet de Constantinople, raconte comment l’ayant guéri d’un terrible mal fut récompensé du titre de Premier Médecin de Sa Hautesse mais aussi de celui de ses odalisques. Le sultan était monarque mais le médecin n’en était pas moins homme l’immanquable histoire d'amour avec Fatmé, une des femmes du harem se déroule sous prétexte de cours sur l’art conserver la beauté manière de déjouer la méfiance des eunuques et de multiplier les occasions de rendre visite à sa bien-aimée. Causes physiques, causes morales, rien n'est omis ; il pénètre jusque dans le sanctuaire des plaisirs, tout en se gardant, prétend-il, d'effaroucher les Grâces qui en gardent l'entrée. Abdeker est un médecin, mais un médecin amoureux qui initie sa maîtresse, la plus belle femme de l'univers, dans tous les mystères de la beauté ; et après avoir lu son livre, on est instruit de tous les secrets de son art, en croyant n'avoir lu que l'histoire de ses amours. » Le synopsis qui ne restitue en rien la partie médicale de l’ouvrage et donne une impression littéraire qu’il n’a pas complètement puisqu’il tourne autour des conseils médicaux de l’époque pour permettre aux femmes de conserver la beauté, et quoi de mieux que de s’exercer sur la plus belle des femmes vendue au Sultan Mohamet tout droit issue du fantasme patriarcale du harem, la chasse-gardée pénienne ?

Donc commençons cette étude par l’auteur, Antoine Le Camus, né à Paris 1722 et mort le 2 ou 3 janvier 1772 selon les sources, également à Paris. Il sera Régent de la Faculté de médecine de Paris en 1745, titulaire de la chaire de chirurgie en 1766, Membre des académies d'Amiens et de La Rochelle, Professeur de thérapie, médecin, écrivain... Auteur de : * je vous joins la liste de sa bibliographie sur le site de la BNF.

  • La Médecine de l'esprit en 1753 qui lui valu de Voltaire dans son Dictionnaire philosophique : “Ah, monsieur Camus! Vous n'avez pas fait avec esprit la Médecine de l'Esprit.”
  • Abdeker, ou l'art de conserver la beauté en 1754
  • Mémoires sur divers sujets de médecine en 1760, chez Ganeau à Paris.
  • Projet d'anéantir la petite vérole 1767
  • Quelques publications en latin etc

Notre auteur est médecin, il connaît l’art médical et en même temps il goutte aussi à cette mode arabisante qui commence au XVIIIe siècle avec la traduction des Mille et une Nuits d'Antoine Galland (1704-1717) corrélée ici avec l’intérêt grandissant du public pour les secrets de la beauté en lien avec les découvertes scientifiques de l’époque, les travaux de Lavoisier sur la peau, le changement des règles d’hygiène qui vont toucher jusqu’à l’art funéraire _est là on est toujours sur le corps, ses gaz, ses effluves_. Le 21 juin 1765, nous rappelle Philippe Ariès dans son Essais sur l’histoire de la mort en occident du Moyen Âge à nos jours, page 134, un arrêt de Parlement de Paris demande le transfère des cimetières hors de la ville justement pour raison d’hygiène, celui de Toulouse en 1774 amènera Louis XVI à interdire les sépultures dans les églises et dans les villes et même à faire raser le cimetière des Innocent de 1785-87 à Paris. Et oui, vous n’aviez jamais remarqué que les cimetières de France ne disposent quasiment que de tombe du XIXe ? Vicq d’Azyr, (1748-1794) au passage un des dix auteurs connus pour avoir employé le mot massage dans la littérature du XVIIIe siècle traduira en 1778, en français, Essai sur les lieux et les dangers des sépultures de Scipione Piattoli sur le pouvoir de contagion des corps en putréfaction. Diamantes Ulasto dans cette histoire semble davantage être un personnage d’amorce, une analepse narrative qui le présente comme médecin d’un Ambassadeur Turc dont on ne connaît pas plus le nom que celui de son traducteur qui aurait pourtant été, nous dit la préface page 3 tome 1er, “un savant fort connu dans la république des lettres”.

 

La place du massage chez Abdeker

Rappelons que le mot massage en 1754, date à laquelle se passe notre ouvrage, n'existe pas encore puisqu'il n'apparaît, pour la première fois, qu'en 1771 dans le Tome 1 des Zend-Avesta en 3 volumes de Anquetil Duperron et qu'il ne nous est alors possible de localiser qu'au travers de termes afférents comme onction, frotter, frictions etc.

Tome 1 : (en cours de lecture)

 

1ère entrée :

_ Chapitre XIL De la Maigreur générale. p. 116 tome 1 « Au sortir du bain, on les frotte (les femmes égyptiennes) avec des parfums & des pommades fort suaves ; après quoi les unes, avant de s'en aller coucher, prennent quelques myrobolans Information ouverte dans une nouvelle page (des prunes-cerices) ; les autres avalent une boisson faite avec de la gomme adragant Information ouverte dans une nouvelle page & un peu de sucre candi ».
Ce qui est notable ici c’est qu’il s'agit non plus d'un
massage amincissant pour rendre les femmes légères mais pour faire grossir (voir Massage grossissant) celles d’Égypte au regard de canons de la beauté différents. A la page précédente il explique comment, pour y parvenir, elles avalent un poulet tout entier mais sans la tête pendant leur bain.

 

2eme entrée :

_ Chapitre XVL intitulé Des bains, & de la Blancheur de la peau, page 141 décrivant les bains du sérail de Constantinople "construit avec le plus de magnificence & de goût.
Je ne résiste pas d'abord à vous fournir la description des lieux assez étonnante avec
des murs de la salle des bains qui étaient recouvert de nacre et de perles produisant des reflets de lumière de tout côtés donnant à la peau un éclat destiné à la rendre plus blanche et plus unie [p. 142] et dans la foulé, plus proche de ce sur quoi nous nous intéressons [épuré de l'ancien français] :

"Sous un dais éblouissant par la quantité de pierres précieuses qui y étaient attachées, on voyait un lit formé par le plus tendre duvet. Autour de ce lit on brûlait dans des cassolettes d'or les aromates les plus suaves de l'Orient. C'était-là que plusieurs femmes destinées à cet emploi, attendaient Fatmé au sortir du bain pour essuyer son corps, & le frotter des plus douces essences ; c'était-là aussi qu'après avoir été parfumée d'odeurs gracieuses, la jeune Odalique devait prendre quelques heures de repos, & se livrer entre les bras d'un sommeil doux & voluptueux [p. 144/145] ."

Par contre, si l’ouvrage est fictif il serait passionnant de retrouver sa source d’inspiration.


Sources : BNF. http://psychiatrie.histoire.free.fr/...

Alain Cabello
Paris le : dimanche 12 février 2017