Peut-on
masser avec la langue ?
Par
Alain
Cabello-Mosnier. P/O le CFDRM
Libre de droits non commerciaux.
Rédigé
à Paris le : mercredi 26 décembre
2018
Introduction
Peut-on
masser avec la langue ?
La
question peut paraître iconoclaste et c'est parce
qu'elle peut le paraître que je la pose avec d'autant
plus de volonté et de certitude mais, nous ne
disposons pas vraiment d'espaces pour publier ce genre
de travaux alors que l'histoire du massage foisonne
de pratiques parmi les plus stupéfiantes, farfelues
ou franchement underground. Les mains restent par défaut,
l'interface dominante, la plus légitime à
relayer la bienveillance du massage tel qu'on l'entend,
ne serait-ce parce qu'elles sont l'outil d’exécution
principal de l'homo sapience, ce sont elles qui sont
à l'origine de ces concrétions humaines
que sont nos villes.
D'ailleurs,
il existe une proximité lexicale entre massage
et main,
puisqu'il est probable que c'est du verbe masser
qu'est ensuite apparu le nom massage par ajout du suffixe
-age.
Sa racine, probablement arabe, de la fin du xviiie
siècle avec Mass
signifierait (« palper,
toucher »).
La
main rassure, donne, prend, caresse, tue et c'est là
une des dominantes du massage (et oui, le massage est
aussi vecteur de mort). L'on masse donc plutôt
avec les mains comme la plupart des choses que l'on
entreprend, elles sont pensées par l'esprit mais
effectuées par la main. L'Homme s'est par la
suite rapidement lancé dans une sorte de course
adjonctive visant à sur-spécialiser la
fonction de ses organes natifs en leurs prêtant
des capacités réelles, supposées,
rêvées, fantasmées, des pouvoirs,
des dons lui permettant de soigner, d'atteindre l'intérieur
du corps par ses médiateurs que sont les doigts,
(acupression, massages)
les aiguilles, (acuponcture), les roches, (lithothérapie)
etc. Ainsi, vit-on des massages des pieds, d'autres
se faire par foulage avec les pieds du masseur, des
massages par reptation, (body-body),
l'emploi des avants-bras (lomi-lomi),
des coudes, mais alors, dans l'histoire, existe-t-il
des massages de la langue ou par la langue ?
Chez
Nicolas
Andry, dans le deuxième tome de son
Orthopédie
de 1741 page 290,
le sirop de Stoechas
est proposé comme ingrédient d'une composition
destinée à masser
la langue de personnes atteintes de mutisme. Bien sûr
le baiser peut, de la même façon, être
considéré comme un massage de la langue
par la langue, lingua
per lingua, idem pour la fellation, tout comme
le sera l'onanisme à l'instar du papier que je
viens de terminer sur, La masturbation est-elle un massage
? La langue, la bouche et ses productions servent
à la fabrication de médicaments, le crachat
lui-même fut utilisé pour masser comme
nous pouvons le lire dans Des
sources du savoir aux médicaments du futur,
Fleurentin, Pelt et Mazars, Ed. IRD, 2002 p. 341-342
: Le massage, une forme de traitement
dans la médecine traditionnelle chez les Seereer
Siin du Sénégal, par Doris Burtscher,
Felicia Heidenreich et Simone Kalis paragraphe
6. Pour [Le
traitement], nous lisons : "Il crache sur
ses mains et les passe sur le corps du malade de haut
en bas. Par la salive, il transmet la force de ses prières
sur le corps malade. Il répète la prière
en crachant
sur la personne et en la caressant, jusqu'à ce
que le malade sente une amélioration."
Implications casuistiques
: Le massage, pour tout généraliste qu'il
peut être, ne reste pas longtemps sans se spécifier
autour de quelque chose comme ces perles qui jamais
ne naissent de rien mais d'une gêne si petite
qu'elle finit en trésor. La formule de base devrait
être "qu'un
massage n'est valable que s'il est possiblement faisable
à tous." Quand je dis à
tous, je ne parle pas des redistributions habituelles
qui se font autour de l'âge, des contraintes éthiques
(un massage gynécologique
ne sera pas fait à un membre de sa famille),
légales, médicales etc, non, j'entendais
davantage d'être capable de le pratiquer sur tous
dès lors que le public passe dans le crible des
gens à atteindre.
Nous
sommes le 25 décembre 2018 et, depuis 2007 que
mon institut est ouvert, je n'ai jamais rencontré
de personnes avec lesquelles je pourrais expérimenter
cette approche. Je parle donc de manière tout-à-fait
théorique. Seulement, le métier dont je
dresse le portrait, c'est celui du massage, pas celui
de la rencontre amoureuse, alors, peut-on entrer dans
la bouche d'un inconnu de cette façon ? D'ailleurs,
est-ce encore une bouche comme on l'entend ? Au sens
organique, oui, mais parmi ces organes qui se prêtent
au massage, ne peut-on pas y inclure ce penetralium,
cet espace de paroles, de perceptions et de rencontres
?
Personnellement,
c'est justement parce que je suis homosexuel et que
je n'exerce pas en appartement mais en institut que
j'ai toujours refusé de me définir comme
masseur gay
ou de me faire connaître sur des sites communautaires.
Je me refusais, aujourd'hui encore, de privilégier
une clientèle masculine toute à l'avantage
de mes préférences au détriment
des femmes alors que les deux derniers Massage-Français
Origine et
Organique qui
constituent cette technique que j'explore, impliquent
un massage de l'arc intime. Pourtant, dans ce cas de
figure de néo
massage per os, il est évident que je
serai incapable de le pratiquer non seulement sur aucune
de mes contemporaines, fut-elle reine de beauté
mais pas davantage sur bien des hommes ayant une esthétique
avec laquelle je ne matcherais pas, ce qui pose alors
un réel problème éthique que je
vais tacher de résoudre par ce présent
papier. En effet, sous quel angle principiel pourrais-je
me placer pour opérer cette distinction de la
préférence ? Peut-on d'ailleurs seulement
préférer
en massage ? Cette digression nous amènerait
loin puisque subsiste dans mon esprit français
de fortes convictions égalitaristes. Le massage
doit être ouvert à tous et faisable à
tout le monde. Ici devra coexister un massage miroir
défait de ses abribus propagateurs pour se refermer
autour de l'expérimental.
________
Massage avec la langue ou
versus massage
per os
La langue, vue comme un nouveau masso-médiateur
?
Bien
sûr cela demande un changement de paradigme et
de sortir de la prévalence des mains seules capables
de bien-être et d'impliquer un médiateur
plus personnel, de les remplacer par une structure perçue
comme plus intime puisque intérieure et englobant
le visage rapproché de la peau de l'autre.
En
fait, lorsque je parle de "massage
avec la langue" c'est en tant que substitue
tropique du doigt à l'instar de l'unité
symbolique de la main lorsqu'elle est réduite
à son index synecdotique. La langue se pose donc
comme le symbole de la bouche et de ses périphéries
utiles avec l'emploi possiblement exploitable de la
salive (par humidification), des dents (par mordillements),
de la chaleur (par partages calorifiques des corps),
de son souffle comme éléments de contact
désignateur de quelque chose. La langue est alors
devenue l'index de la bouche, un doigt comme un autre.
Je
pense donc que la langue
dispose de vertus insoupçonnées
qui peuvent êtres, factuellement légitimes,
corporellement intéressantes et anthropologiquement
pertinentes en installant la juxtaposition d'un médiateur
supplémentaire capable alors de faire lien entre
deux structures corporelles qui, dans l'absolu, se complètent.
Légitime d'abord, parce que c'est une interface
de contact tout-de-même moins privilégiée
que les autres et qu'il pourrait être surprenant
d'exploiter davantage. Ce que les doigts, les mains
dans cet ensemble articulé peuvent faire, la
langue, la bouche peut tout autant s'y appliquer avec
d’étonnants résultats. Corporellement
intéressant ensuite puisque le massage c'est
aussi un champ d'expérimentations, de sensations
diverses que peuvent échanger deux personnes,
l'une massant avec la langue et ses attributs associés,
et l'autre massée par une surface inhabituelle
donnant accès à des espaces méconnus
et largement sous-évalués et enfin, anthropologiquement
pertinent ne serait-ce qu'au regard de l'omniprésence
de la bouche dans nos sociétés. C'est
par la bouche que s'expriment les pensées, les
mots, le désir, par elle que l'essentielle des
espèces se nourrissent et que là-nôtre
goûte, apprécie, laisse passer une part
non négligeable de sexualité, manger,
dévorer, lécher, sucer, cracher, se nourrir
de l'autre comme d'une continuation de soi, une manducation
nécessaire. Ce penetralium
eloquentiae (sanctuaire de l'éloquence)
qu'est la bouche ne doit pas se limiter à une
éloquence de la langue au sens de l'aisance rhétorique
et anatomique par le baiser, par le massage lingual
mais implique aussi une éloquence corporelle
comprenant la façon dont on meut son corps, la
façon dont on le comprend, dont on l'exerce.
Quoi
qu'il en soit le massage reste une démarche personnelle
à laquelle tous le monde ne se livre pas spontanément
même sur des techniques tout-à-fait usuelles
sachant que cette interaction corporelle se présente
sous la forme d'une surcouche d'émotions déjà
ressenties mais différemment comme dans la sexualité
(tendresse, caresses, abandon, sensualité etc).
J'ai l'habitude de dire "qu'en
esthétique (coiffure, soins diverses,
maquillages) nous
sommes dans le paraître, alors qu'en massage on
est dans l'être." L'être est
particulièrement en mode diffusion au moment
du repos, nous nous en remettons à un tiers de
confiance mais tout le monde n'en fait pas obligatoirement
l'expérience consciente.
Si
tout le monde n'est pas prêt à se laisser
masser, tout le monde n'est pas davantage capable de
masser tout le monde alors qu'un professionnel le pourra
indépendamment des critères discriminants
de la sexualité comme le sexe, l'âge, la
graphie corporelle. Et de fait, la main n'est pas restée
le seul médiateur utilisé en massage,
les pieds furent rapidement convoqués, le corps
tout entier aussi, réptatif et ondulatoire venu
fouler, couvrir l'autre de milles poids et pressions.
Des pierres chaudes, de l'huile, des fragrances, des
objets en tout genres se sont spécialisés
dans le seul et unique but de varier les sensations,
de soigner, de communiquer.
Alors
imaginez, si tout le monde n'est pas disposé
à se faire masser et que tout les masseurs ne
sont pas prêt à adopter toutes les techniques
existantes, de multiples conjonctions vont devoir se
former pour se retrouver en situation de masser avec
la langue ou de se laisser masser avec celle d'un tiers.
In
fine la langue se pose déjà en médiateur
naturel de la sexualité, du goût en lien
avec l'appréciation des choses approchées
par elle, donc, pourquoi le massage ne pourrait pas
bénéficier de cette expertise, venir s'exercer
à sa présence, procéder d'elle
? Pourquoi ne pourrait-on pas constituer avec cet organe
un lieu de nouvelle expression venant en prolongation
de nos mains, de la façon dont on peut avoir
envie d'occuper l'espace corporel d'un autre ?
Tout
le monde n'est pas spontanément ouvert à
se faire masser avec la bouche de quelqu'un mais c'est
la même chose à l'idée d'un body-body,
d'un corps-à-corps en massage qui peut en dissuader
certains, et puis, nous avons tous nos limites. De la
même manière, les masseurs eux-mêmes
ne seraient pas nécessairement tous ouverts à
cette alternative particularisante visant à inviter
un inconnu à venir s'aboucher à sa bouche,
prêt à le découvrir par elle, par
succussion,
par léchage,
sur des parcours banalisés, thématisés.
Mais, de la même manière qu'un massage
assis et habillé peut objectivement être
fait à tous (famille comprise, du nouveau né
à l'aïeul), un massage par exemple nu va
nécessairement redistribuer le public accessible
et un tantrique plus encore. Notre propension à
la curiosité se confronte à nos résistances
de principe, à la rareté de l'occasion,
à ces rencontres qui font que l'impensable peut
devenir envisageable parce que l'interlocuteur se pose
en référent crédible. Par exemple,
l'idée même que le tantrique puisse interagir
avec les "énergies sexuelles" pourra
en crisper plus d'un (et j'en fais partie) alors que
la neutralisation de la variable sexuelle en Massage-Français
affichée comme une banalisation de l'ensemble
des organes (anaux et génitaux compris) sera
de nature à rassurer puisque les services en
espaliers vont laisser à la personne la liberté
de disposer de ces accès.
La bouche est une main, la langue est son
doigt
De
la même façon, si parmi cette organisation
en espaliers il y avait une formulation similaire du
massage par la bouche perçue comme une main figurativement
requalifiée en disposant pour tout doigt d'une
seule et unique langue articulée, si ce massage
trouvait son public de masseurs capables de cette administration
modulaire par la bouche par quelques sélections
qui soit afin de leurs rendre la pratique possible et
plaisante, des massés se prêteraient sans
nuls doutes à cette expérience et s'y
livreraient nécessairement.
Il
faudrait pour se faire trouver le bon réglage
permettant à la fois d'être exposé
à tous à la manière de n'importe
quel autre massage tout en laissant suffisamment de
latitudes au praticien pour ne l'exercer que sur des
gens qu'il serait en situation de masser de la sorte.
En effet, comme il existe des massages que toutes les
parties prenantes ne seront pas prêtes à
proposer ou à accepter, ici le masseur devra
pouvoir l'exercer sans que son crible sélectif
ne devienne une sélection discriminatoire et/ou
soit ressentie comme telle. Comment communiquer publiquement
sur ce type de massage sachant que le masseur pourrait
ne pas avoir envie de masser chacun de la même
manière et ce, sans que le demandeur ne se sente
exclu ? Je pense qu'il s'agirait de marquer une sorte
de nécessité articulaire (subjective et
suggestive) propre à cette technique dépendant
d'autres facteurs que ceux du simple marché.
Là encore, tous les masseurs ne pourront pas
parcourir avec la même aisance le corps d'autant
de clients avec la langue qu'ils le feraient avec les
mains mais au moins disposeraient-il d'un modèle
disponible, d'un cadre d'exercice.
Qui dit massage buccal ne dit pas nécessairement
massage lingual
L'avènement du "Têtier"
Il
s'agirait donc de spécifier ce massage en le
décomposant en autant variantes possibles permettant
au masseur de proposer un génériquable
qu'il pourrait moduler selon la personne en présence
tout en évitant les problèmes éthiques.
Le
massage estampillé "Têtier"
pourrait assez logiquement se périphériser
autour du visage, du front, des joues, des cheveux,
du nez tandis que la bouche, par un phénomène
d'"osculation
",
ne serait réduite qu'à ses courbes de
surface "lèvres"
pour se redéployer ensuite à convenance
autour d'outils plus ou moins profonds "langue, dentition, salive etc". Le massé
lira donc cette "assertion
buccal" dans ses déclinaisons génériques
vagues comprenant que celle-ci se restreigne aux lèvres
ou se généralise à la bouche. Il faut donc davantage
parler de massage
buccal que de massage
lingual et préférentiellement de
massage têtier
pour générique que de massage
buccal afin de laisser à chacun la compréhension
intuitive que celui-ci puisse s'ouvrir ou se fermer
au grès des rencontres.
Cette
approche particularisante
peut se constituer autour des éléments
propres à la bouche
- Massage labial (externe et/ou interne) avec
l'extérieur & l'intérieur des
lèvres
- Massage lingual (avec la force de la langue,
sa texture, sa chaleur etc)
- Massage salivaire (humidités, coulures)
- Massage dental, (striures, raclages, mordillements)
- Massage par anhélation (souffle, biais
des haleines)
- Odorat
- Goût (flaveur)
- (Options) (thés chauds)
Massage labial (externe et/ou interne) avec l'intérieur
& l'extérieur des lèvres
Le
Labial
externe est un massage de première approche qui
valide la présence buccal dans ses intentions
d'ouverture même s'il ne procède pas d'elle.
La bouche se dessine ici autour de son relief de surface.
Je trouve fameux et poétique d'aller chercher
la peau de l'autre avec celle de nos lèvres pour
restituer quelque chose de ses motifs carmins gonflés
sur la map-peau d'un receveur inconnu. C'est comme ce
procédé d'imprimerie dont la pression
délicate viendrait s'éditer en élégance,
en durée, en moment et en chaleur.
Dans
la version interne, lorsque la lèvre qui se déplie,
entre-ouvre ses discrets emportements jusqu'à
s'encombrer de la présence de l'autre, se conjugue
l'esprit de deux rencontres. L'humidité intérieur
de nos nuits buccales se propagent et s'assèchent
à mesure que le visage avance. C'est par les
lèvres que l'on vient se fourvoyer dans les poils
les plus noirs, les soies les plus lisses, les deux
sphères aux alcools de couleurs qui s'arrondissent
sous le socle des orbites figés.
Le
massage labial est l'approche la plus poétique
qui soit et nécessite des masseurs et des massés
capable de la transmettre au-delà de ses effets
les plus surprenants. C'est une rose d'intérieur
qui s'effeuille en méthode, en plaisir et en
orgueil.
Massage lingual
Elle
sort, elle se tend, se distord comme tête-en-doigt,
comme l'index dénonciateur qu'elle est dans une
bouche faite pour dire. Ici elle dit, elle fait, elle
goûte, elle mouille, elle surprend, elle lèche,
elle s'invite sur toutes ces faces. Le corps de nos
locuteurs, en la proposant, en la choisissant, veulent
de cette sensation, de ces retours grenelés,
s'ouvrir ou se prêter à elle, à
son étrange rencontre.
C'est
tellement surprenant je trouve... La bouche s'ouvre
et d'elle s'échappe une continuité de
gorge et de ventre, une chaleur humide, un mouvement
d'insecte adorable et rose.
Personnellement
je trouve cela magique que de parvenir à s'engoûter
de cette vipère délicieuse et durablement
insolite. Le massage devient noble dès qu'il
peut devenir possiblement tout en se laissant alternativement
actionner partout et avec tout. Le corps par le corps,
du dehors vers le dedans.
C'est
vraiment là que le massage devient une rencontre
en quittant son modèle économique pour
se faire philosophie d’expérimentation. On sort
de la technique, de l'habitude, du lénifiant
pour le désordre ensorcelant de l’instinct.
Massage salivaire
Avec
ce que la langue apporte il y a la source inépuisable
de ces perles d'eau qui se glissent entre langue et
dents, peau de nous et peau de vous. Être massé
par la salive de son masseur, pas ses sensations qui
viennent semblables à des pleureuses épancher
le regret d'avoir attendu si longtemps pour se laisser
aller à l'ancienne magie théologale !
Cracher,
rendre eau et pousse-langue, s'aventurer là où
seul le désir tout nu ne vient jamais que prendre
à la réalité le mensonge de ce
qui est pour restituer un ajout de conversion. La salive,
cette merveilleuse texture d'effroi, de convoitise qui
s'étire au-delà de nous pour lier et désaltérer
l'autre jusque dans un lèvres à lèvres
formidable et bourré de relais.
Si
l'on aime la corps, il faut aimer la salive cette rivière
de soi pouvant se rejoindre jusque dans la confluence
d'un baiser qui pourrait s'annuler dans l'art de nouer
deux personnes misent sans intention de rester lier
mais juste raccourci ici, maintenant.
Oui
mais quelle salive amener, celle naturelle à
la bouche amené à l'autre, sur l'autre
par la capillarité de la langue, le bavement
ou celle crachée, expulsée comme giclure
? Peut-on masser comme les
Seereer Siin du Sénégal en crachant
non plus pour soigner mais laisser voir ?
Des sources
du savoir aux médicaments du futur, Fleurentin, Pelt et Mazars, Ed. IRD, 2002
p. 341-342 : Le massage, une forme de traitement dans la médecine
traditionnelle chez les Seereer Siin du Sénégal, par Doris Burtscher, Felicia Heidenreich
et Simone Kalis paragraphe 6. Pour [Le traitement],
nous lisons : "Il crache sur ses mains et les passe
sur le corps du malade de haut en bas. Par la salive,
il transmet la force de ses prières sur le corps
malade. Il répète la prière en
crachant sur la personne et en la caressant, jusqu'à
ce que le malade sente une amélioration."
Massage dental
Les
dents ne sont pas sans intérêts venues
avec leur étau d'ivoire, de dure anatomie faite
pour prendre, enserrer, mastiquer tendrement l'armoise
des jours, l'absinthe blanche des peaux huilées.
Il s'agit de strier par elles, de pousser dans la peau
une herse délicate qui oblige à se demander
ce qui se passe là où ça passe.
Pourquoi fait-il cela ? Pourquoi me mange-t-il pour
me restituer autrement mis ?
En
consultant toutes les variantes du massage se déploient
une suite d'initiatives, de façons, de registres
dédiés et parfois détourner de
leur fonction biologique. Les dents sont là pour
mâcher, mastiquer et pas pour masser alors que
c'est cela qu'on se propose de faire.
Nous
devenons des teneurs de la fonction détournée,
des enregistreurs de biais diverses.
Massage par anhélation
Exploitation
en double haleine par le massage en séance, respirer
l'haleine de son massé, sa chaleur, son odeur
buccal, percevoir l'humidité de celle-ci et répandre
celle du masseur sur l'ensemble des téguments.
Il s'agira d'expérimenter le souffle d'autrui
sur soi, partout et en tout lieu.
Ce
qui est intéressant dans cette arborescence de
la bouche c'est qu'elle instruit de ses composants,
de ce qu'il est possible de faire, de ce que l'on souhaite
se voir faire ou pas. Imaginez un massage fait avec
les dents, hersé par elles ou par le seul souffle
de votre masseur ? Ne heurte-t-on l'alliage des bols
kansu du Tibet
pour en rediriger les ondes vers le corps afin de communiquer
avec lui ? Faut-il donc laisser à l'Asie le privilège
de cette mystique en allant chercher dans d'autres matériaux
qui existe déjà dans notre propre corps,
imaginé pour lui ?
Personnellement,
je désire souffler sur un corps, j'ai envie de
le respirer, de les respirer, airs et hommes aux nus
effets, chargés d'eux-mêmes. Je veux creuser,
entrer, fouiller de mille manières.
Massage bucco-olfactif
Voici
une fonction que l'homme peine à admettre en
dehors des chemins de socialisation que constituent
l'art culinaire, humer des vins, des parfums mais trouve
et souvent recherche aussi dans la sexualité.
Odeurs génitales, odeurs de d'anus, de pieds,
d'aisselles, d'haleine le matin au réveil lorsque
l'on se veut à l'écoute de nos désirs
de partenaires allongés dans le matin. Allongé
tout comme l'est notre massé que l'on peut commencer
à circonscrire de cette façon en le respirant
dès le déshabillage dans son horizontalité
en train d'être défaite, dans un début
d'échéances nues et chaudes, allongé
et encore respiré, pris jusqu'entre ses fesses,
jusque dans la paille de ses aisselles, dans le cornet
de sa bouche, les ventilations de ses narines aux ailes
mystérieuses. Respirer pour mieux masser, masser
par la respiration non plus soufflée mais sentie.
Massage goûté (Goût,
flaveur)
Ces
passages parmi les plus secrets, souvent de fait inaccessible
au massage devient ici une cherche, une conscientisation
de ses goûts corporaux en tant que sujet dévoilé.
Il s'agit juste de cela, juste de goûter l'autre,
de goûter votre massé partout où
il peut l'être jusqu'à que ce parfum en
bouche devienne ce parfum en corps et que le respirer
soit le goûter et que le goûter revienne
à le respirer telle que la flaveur nous invite
à le faire.
La
flaveur, cet art de retourner en bouche ce que nous
avons pris par le nez et de retrouver dans notre palais
l'odeur faite goûte.
(Options)
Par
la bouche, avec la bouche, sur la bouche, dans la bouche
peuvent se succéder bien des saisons, des aliments
expérimentaux. Il est donc possible d'amener
bien plus que ce que la bouche elle-même peut
produire par des apports extérieurs pouvant venir
contenter la peau, la surprendre, l'effrayer, la réchauffer
par des thés chauds que l'organe englouti (nez,
doigts, bourses, pénis, gland, orteils etc...)
saura reconnaître et transformer en expérience.
Le baiser : un massage de la langue par
la langue
Je m'amuse à identifier
le fil du cocon de ce bombyx du mûrier qu'est
la bouche si pleine de ce papillon d'incertitude pour
tirer dessus et l'embobiner autour d'une cannette d'essais.
Que
le baiser soit un massage par destination est indiscutable,
il l'est et rien ne pourrait l'extraire de cette divine
réalité mais, en massage à proprement
dit, le baiser reste-t-il toujours un baiser et surtout,
faut-il continuer à l'appeler comme ça
? Autrement dit, dans notre environnement professionnel,
peut-on encore parler de baisers lorsque deux langues
se rencontrent, se conjuguent pour s'adjoindre autre
chose que cette conjonction des apex aux salives innombrables
? De la même manière que nos doigts huilés
formulent une écriture sur la peau lorsqu'ils
la parcourt, n'y a-t-il pas là une écriture
de la bouche aux encres parotides ? Les lèvres comme un seau
de cire rouge se brisent à l'adresse de celui
pour lequel elles s'ouvrent sur leur imperceptible message
de rencontres. Oui mais, ici, dans nos arts anciens
qui se reforment aujourd'hui et ce, sous les doigts,
et langues de ceux et celles qui s'en veulent les exécutants
mystérieux, doit-on parler de baisers ?
Tout
est plaçable en massage et il serait merveilleux
de considérer le baiser à partir de sa
base seule technique comme rétifiée dans
quelque chose de nouveau. Je pense que fondamentalement,
massage et sexualité, désir et pornographie
sont liés mais ce que je tente d'opérer
ici c'est une annulation des forces pour aller vers
une énergie plus fossile.
Non.
Non, à mon sens, nos langues ici s'endorment
comme deux dragons naissants et découragés
ci-tôt la tête dehors, qu'il s'en retournent
s'endormir dans leur œuf de soie et d'ivoire. Le baiser
est une alchimie dont l'apparition n'est possible que
dans l'athanor des serments possiblement nés.
En massage, je ne veux pas de cette vocalisation parce
qu'elle change trop pour se transfigurer en quelque
chose de plus pratique, primitif, pour devenir la vraie
faille des profondeurs de l'homme entrouverte pour l'exercice
de l'expérience.
Donc
ce baiser qui n'en est pas un et que rien embrasse lorsqu'à
l'orée de ses espaces où l'on vient se
nicher et dire les sens tels qu'il échoit à
la bouche de les dire, devrait se trouver un nom qui
succède à un renouvellement.
Il
ne faut donc, à mon sens, jamais parler de baisers
par trop connexe à l'amour ou à ses nombreux
affects mais d'une série lingua
testa, au sens latin de (« coquille »),
d'entrevues subalternes et convaincantes venues écrire
ici une autre histoire sous le seul registre du massage.
Ici,
la bouche n'est pas seulement pénétrée
par la langue du masseur mais celle du masseur l'est
aussi par celle du massé qu'il vient frotter,
se masser avec la sienne, contre la sienne, sur le sienne.
La
langue du masseur viendra masser les joues intérieures
du massé, ses dents, sa cavité penetrale,
rouge de chaleur.
_________
L'on
pourrait d'ailleurs s'essayer à une déclinaison
pratique, un droit d'accession, un lexique de nature
et d'ordonnances :
MASSAGES
EN GUEULE
- Massage
en gueule : en héraldique la couleur
rouge se dit gueule,
ainsi, massage
en gueule me parait être le vocable
le plus approprié pour désigner la
bouche et sa couleur, l'emploi de celle-ci comme
outil de préhension et comme prolongement
spontané impliquant aussi le visage. Massage en gueule
sera donc le terme générique pour
désigner l'emploi du visage partitionné
sur les valeurs de son choix ou total.
- partitif
: Massage en gueule
partitif désignera l'esprit de la
partitionné sur une sélection choisie.
- in
corporis : massage
en gueule in corporis sur tout le corps,
sans restriction, y compris dans la bouche.
LES
PARTITIONS
- Lingua
testa totalis : entrée définitive
sur un massage à bêchevet, c'est-à-dire
de quinconce et d'habitudes. Rend la bouche accessible.
- Lingua
nasus : massage des narines avec la langue
dans une intention massante.
- Lingua
per lingua : massage de la langue par la
langue.
- Lingua-inguinalis
(totalis) : massage aux aines atroces - massage
de sa partie vivante - lingua-Ignudo-inguinal
- Lingua-axillaria
(totalis) : massage sous les bras par la langue.
- Lingua
vegetatio : partout où il y a des
poils
pubis, aisselles (pas
de déodorant) - cheveux (pas
de gel) - poils dans les fesses
(odorant, cruel et légitime)
- L'oscule
en... : l'oscule est la bouche, un dé
de bienfaisance tendu au-dessus des régions
de soi que l'on souhaite se faire masser.
- L'oscule
en nuque : il s'agit de masser la nuque avec
la bouche. L'oscule en genoux, en creux poplitées,
en oreille, l'oscule en main, en pieds etc
- Osculum
infame : massage de l'anus avec la langue,
la bouche. Osculum signifie "petite bouche".
L'Osculum infame fut dans le réquisitoire
contre les Templiers supposés baiser l'anus
du maître de l'Ordre en jurant fidélité
au Diable.
Conclusion
Nous
avons là parmi les accès au massage le
plus surprenant si l'on s'en tient à rester sur
le corps s'allongeant pour l'occasion afin de s'essayer
à autre chose. La bouche comme un tout totalisant
vient se refermer sur cet ensemble qu'on expérimente
à deux.
"Prenons
et mangeons-nous en tout car ceux-ci ne sont rien d'autres
que nos corps livrés à nous, pour tous
et bien peu de temps encore."
Je
ne veux pas masser sans avoir tout expérimenter,
tout pris, tout bu, tout senti et enfin, tout synthétiser.
Je voudrais m'exprimer dans les noirs, m'essayer à
aborder le corps sans attentes, sans préjugés.
C'est ce texte qui se posera comme la manifestation
flagrante de ma curiosité et de mon absolutisme.
¦©Alain
Cabello-Mosnier
(MASSEUR & poète gay)
mercredi
26 décembre 2018
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