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Mots clefs :  
Mysterious skin, Gregg Araki, Joseph Gordon-Levitt, pédophilie, prostitution, homosexualité, massage, Vermeer, Neil, Zeke, Alain Cabello-Mosnier

 

Mysterious skin


Joseph Gordon-Levitt dans le rôle de Neil, prostitué masculin attendant le client dans un square de jeux.

Par Alain Cabello-Mosnier.
P/O le
CFDRM
Libre de droits non commerciaux.

Rédigé à Paris le : le samedi 30 août 2009

 

Mysterious skin de Gregg Araki Information ouverte dans une nouvelle page avec Joseph Gordon-Levitt Information ouverte dans une nouvelle page, par sa graphie mais surtout par le sens même de son histoire, contient une des plus belle scène de massage du cinéma.
Lorsque la voix off de Neil Mc cormick (
Joseph Gordon-Levitt) se fait entendre au début du film c'est pour dire

_ "L'été de mes huit ans, j'ai joui pour la première fois". Le scénario est planté. La pédophilie traverse ce film de bout en bout avec deux types de comportements diamétralement opposés, le rejet de Brian pour lequel son viol est enfoui et ne refait surface que par le vague malaise d'avoir vécu quelque chose d'extra-terrestre et Neil qui le vit très frontalement jusqu'à devenir un prostitué homosexuel aux comportements destructeurs. Le jeune garçon recherche dans des partenaires plus âgés que lui cet entraîneur de baseball qui l'a abusé mais aux yeux desquels il avait l'impression d'exister enfin.

Devenu jeune adulte il monte à New York où les hommes se succèdent pour posséder l'espace d'un instant ce garçon magnifique et ténébreux. Il rencontre Zeke de Los Angeles, un homme séro positif rencontré dans un club. Contre de l'argent il le suit chez lui. Dans sa chambre tout est blanc, et les seules notes de couleurs sont deux bougies rouge est un portait rapproché du visage de La Jeune Fille à la perle Information ouverte dans une nouvelle page, du peintre Vermeer au-dessus de son lit. Lorsque Zeke retire sa chemise, apparaissent les tâches brunes caractéristiques du syndrome de Kaposi qui est une des maladie opportuniste du sida, disséminées sur tout son corps.

Zeke ne demande pas davantage que d'être touché dans tous les sens du terme, la beauté de Neil, sa jeunesse et ses blessures l'atteindront d'une certaine façon. Le dialogue est saisissant.

_"Si tu pouvais juste me frotter le dos.
J'ai besoin...
qu'on me
touche.
Fais-moi du bien."

Je pense qu'il n'est pas anodin que Zeke n'emploie pas le verbe masser. Son manque de contact est tel que le simple massage lui semble une proximité qu'il ne peut plus se permettre de souhaiter.

_Si tu pouvais juste me frotter le dos.

Cette scène est insoutenable. Ce désir violent, irrépressible d'être touché qu'il formule par "frotter" c'est-à-dire qu'il sait n'être pas en mesure d'avoir davantage de la part de ce garçon fuyant auquel il dit d'ailleurs "Tu es d'une beauté exquise". Neil ne perçoit bien sûr pas tout ce qui se passe chez cet homme en fin de vie qui ne s'adresse même pas à lui lorsqu'il dit "_J'ai besoin qu'on me touche". Qu'importe qui me touche mais j'ai besoin "qu'on" me touche. Ce n'est pas une envie de vieil homosexuel mais un besoin anthropologique, désespéré ".

Quand il s'allonge sur le lit, Zeke saisi l'oreiller comme si l'attente de ce toucher lui été plus douloureux maintenant qu'il l'avait demandé.

Neil lui pose les mains sur le dos, d'abord hésitants ses doigts révèlent plus qu'il n'aurait pensé. Zeke émet les gémissements de celui qui ne sera peut-être plus jamais touché par un garçon si jeune, si sublime. Neil semble atteint de plus en plus profondément par ce massage qui ne dit pas son nom. D'ailleurs, personne n'en à vraiment dans la tête de Neil, même ses amis les plus proches restent définitivement éloignés de ce qu'il vit vraiment.

Neil lui masse le dos de façon maladroite, touche ces tâches et finit par croiser le regard de cette jeune fille de Vermeer. C'est peut-être la seule fois de sa vie que Neil se retrouve face à lui-même dans le regard d'une autre que lui impose les circonstances de ce massage. L'intensité de ce visage d'un autre temps entre en résonance avec des blessures qu'on ne rencontre jamais si jeune. Ses yeux se perdent dans ceux de la jeune fille tandis que lui reste ancré au monde par ses mains sur le corps d'un homme qui comme lui n'est plus que gémissement. Tout trois sont liés et pourtant enfoncés chacun dans sa réalité propre. Vermeer dans son monde de douleur au 17ème siècle, Neil paré de la beauté mais dont le coeur n'est déjà plus depuis bien longtemps celui d'un enfant comme les autres et enfin Zeke perdu dans son désir de prolonger encore un instant se délire du toucher, l'être à tout prix, quitte à payer. C'est le massage qui les rejoint et lie leur dérive l'un à l'autre. Masser en peinture signifie donner les premiers traits, dessiner les bases de ce qui sera un portrait. Vermeer a par ses doigts, livré aux hommes ce regard qui communique avec celui de Neil qui, par ses mains, transpose l'indicible volonté d'être "touché" et se laisse prendre à ce que ses doigts, son regard et ses sens lui laissent comprendre de lui-même.

 

Immédiatement après, on voit Neil courir sous un échafaudage. Il va rejoindre Wendy, son amie de toujours au courant de son parcourt. La conversation est très intéressante. La première image de cette rencontre vers laquelle il va, sont les mains de Wendy tenant une théière dont le bec une eau bouillante dans une tasse fumante. Sur cette image rassurante fuse un "Tu as fais attention ?" de Wendy. Voici le dialogue de Neil :

_ "Oui, je te dis que je me suis juste branlé pendant qu'il matait.

C'est la première fois que je suis gêné."

Wendy lui demande si sa pratique n'était pas à risque. La réponse de Neil répond qu'il n'a fait que se branler de Zeke. Cette finalité logique pour ce type de rencontre ne colle bien sûr pas avec ce qui c'est joué dans le massage et le dialogue qui suit le traduit à merveille. Neil tente de ramener ce qu'il à vécu à une simple masturbation mais rajoute dans la foulée "C'est la première fois que je suis gêné". Cette scène n'est pas filmée mais ce qu'il raconte peut laisser penser qu'elle s'est effectivement passée quand il rajoute que le regarde de Zeke le regardant se masturber devant lui l'a gêné. Ce n'est pas l'act en tant que tel qui peut déstabiliser un garçon pratiquant des fist fuking à l'âge de huit ans. Non, c'est la percussion du regard de Zeke, le sien et celui de la jeune fille qui furent à l'origine de ce malaise.

 

Wendy est dans son rôle de stabilisateur quand elle dit :

_ "Tu pourrais trouver un moyen plus sûr de faire du fric.
Comme tout le monde."

C'est précisément ce que Neil ne parviendra jamais à être, la réponse de Neil est superbe.

_ "Oui peut-être.

Il boit une gorgée de thé et reprend

_ Je ne l'ai dit qu'à toi. (il parle de son parcourt depuis son enfance)"

_ "Je sais."

_ "Je ne l'ai jamais dit à Eric, ni à maman.

Il y en a qui trouverait ça dément, ou monstrueux...

Mais ce qui est arrivé cet été-là fait partie de moi. Je n'ai jamais eu cette sensation, ni avant ni après. comme si... J'étais unique."

_ "Neil, tu avais huit ans."

_ "Il m'aimait vraiment. il y a eu d'autres garçons, mais... j'étais son trophée. Son seul amour."

Ce massage, cette connection, le focus de Vermeer, le dos malade de Zeke ramène Neil à la réalité. Il y a un moyen plus sûr de faire du fric et la réponse c'est "Je ne l'ai dit qu'à toi..." Ainsi, ce n'est pas l'argent si dur à gagné pour un jeune homme qui débarque à New-York qui pré-détermine ses choix de vie mais bien l'option qu'un autre à pris à sa place qui contraint sa vie. Le problème n'est pas l'argent, c'est l'enfance et comment on se retrouve propulser à devoir compter pour un autre plus vieux que soit au détriment de sa propre existence.

C'est le massage qui orchestre, déclenche ce retour sur soi brutal. Le fait de toucher ce dos, de n'être pas regardé comme on peu l'être par le "client payeur" mais d'être amené à libérer autre chose. Ce temps aménagé par le massage qui soudain laisse, impose à Neil une introspection forcée. Le temps ne s'écoule pas de la même façon quand le touché d'un massage ne demande pas les mêmes retours de satisfaction qu'exige la sexualité. Neil donne quelque chose de plus alors qu'il été plutôt toujours enclin à prendre par l'entremise de la prostitution conformément à ce qu'on lui à appris. Prendre, prendre encore et ne jamais se retourner alors que là, c'est cet homosexuel malade qui, en lui tournant le dos lui impose cette confrontation.