Masseurs,
laissez le temps à ceux qui n'en n'ont pas !
Par
Alain
Cabello-Mosnier. P/O le CFDRM
Libre de droits non commerciaux.
Rédigé
à Paris le : mercredi 23 juillet 2014
Masseurs,
laissez le temps
à ceux qui n'en n'ont pas !
Ne
vous-dites-vous jamais que vous en avez parfois assez
de travailler à l'heure
à la Monsento ? De masser comme on plante
du maïs génétiquement modifié,
comme on calibre des légumes pour répondre
à des normes européennes ? Si encore tous
les corps que nous avions avaient les mêmes gabarits
! Masser une heure ou une heure trente c'est
comme éplucher une pomme de terre pour la rendre
ronde à des fins réglementaires. Alors
bien sûr que masser par segment
de 5 minutes
vous donne des prestations parfois biscornues à
la façon des carottes tordues, prennent des formes
d'appendices étranges, de patates ornées,
de trisomies légères et rieuses, mais
au moins répondent-ils aux exigences du goût
et de la nature telle qu'elle est. Ce qui est fou,
c'est que c'est nous les masseurs lanceurs d'alertes
qui travaillons de façon segmentaire qui passons
pour les fous du village, ces matérialistes qui
veulent "compter le temps
et en vendre les secondes" mais n'a-t-on jamais
vu masseur à la criée vendre sa
minute comme d'autres vendaient leurs allumettes ? Nous
ne vendons rien, nous mettons simplement à la
disposition de ceux qui viennent nous voir le temps
qui leurs semble nécessaire, 5 minutes supplémentaires
n'est jamais que la forme segmentaire de ce vous proposez
déjà par paquet de 12 ou de 18, voulez-vous
que je vous dise ? Nous sommes les botanistes de demain
qui ne faisons que respecter les cycles naturels de
chaque personne.
On
devrait créer entre masseurs des "Jardins
à massage",
nous devrions tenter de travailler autrement, arrêter
de suivre ce que nous impose l'habitude lasse des temps
précontraints. Lorsque l'on demande dans
nos établissements à nos massé(e)s
la durée qu'ils veulent, ils optent évidemment
pour ces durées fixes, nous sommes réglés
sur les rythmes circadiens terrestres, l'heure
est la chaîne du temps qui nous retient mais
n'avez-vous jamais vu homme se lever instantanément
à la première sonnerie de son réveil
? Nous sommes d'un laxisme à l'éveil
qui confine à la poésie, des dictateurs
de nous-mêmes qui s'octroient les 5mns supplémentaires
que notre sommeil réclame contre l'avis de toute
raison. Mais alors, pourquoi à tant
aimer notre repos négligerions-nous celui des
autres en massage ?
C'est
fascinant de voir combien l'évidence parvient
parfois à échapper à la vigilance
de notre esprit et s'accommoder tant bien que mal de
"ce que doit être un massage".
J'enrage, mais j'enrage à devoir me tenir à
la porte des autres pour être conforme à
ce que quelques droits coutumiers ont finit par imposer
comme un produit tout frai sorti des dernières
études sur les rythmes humains.
Masser
1h revient à éplucher une pomme avec un
couteau et d'en enlever toute difformité coupable
quel que soit l'âge de la personne, ses massos-antécédents,
ses envies, ses attentes, ses besoins. Alors d'aucuns
nous disent masser à vue, dépassant
souvent l'heure
prévue mais cela est aussi vrai que la bête
du Gévaudan avait la forme que la
terreur des habitants voulait bien lui donner. C'est
de ces mythes que naissent les contes et leurs frères
mal-faits que l'on nomme mensonges. Compilez l'état
de nos pauvres vertèbres en fin de journée
et de vos séances, mettez-y une once de nature
humaine, un zeste de routine, une gousse d'appréciation
esthétique sur le corps que l'on malaxe et la
gentillesse des mots se heurtent rapidement à
la cruauté des faits. Prolonger ses massages
à qui veut l'entendre n'est pas les prolonger
à qui veut en bénéficier, alors
que celui qui les comptes permet-il au moins à
son massé de le savoir et d'être
en mesure de le vérifier. Nous ne sommes pas
des Jésus
de Nazareth mais seulement des paysans de
la peau, l'héroïsme des massages
fantômes n'est pas notre commun, mais nous sommes
si bons à nous affairer sur ces vallées
auxquelles personne ne prête attentions. Le sexe arrogant ne voit que
ce qu'il veut voir, infâme borgne, vicieux et
inculte et que seule une bonne connaissance de la sexualité
ou du massage permet de révéler,
le faisant ainsi passer de la bête à l'homme.
En
vérité, si l'on y réfléchie
bien, toute personne travaillant à l'heure utilise
le segment
de 5 minutes
à ceci près qu'elle le vend par pack de
12... Néanmoins, sur la disposition de nos massages
il a une méprise de forme, car un artisan qui
travaille à l'heure ne tarifie jamais au prorata,
il vous facturera 1h, 2h, 3h etc. Donc, si je puis me
permettre cette trace de perspicacité, travailler
à l'heure implique qu'elle contienne 60 minutes,
mais qu'en est-il de ceux qui proposent des massages
d'1h30 ? Ils ne font qu'ajouter à leur pack de
12 6 segments supplémentaires pour en former
un de 18. Ne serait-il pas plus logique de laisser
les gens décider eux-même de la durée
définitive de leur massage ? Mes ami(e)s,
je vous le dis tout de go, vos ventres sont vides et les
épluchures que vous laissez à vos pieds font de bien mauvais
souliers alors que la laine des minutes
que vous jetez, vous chausserait comme jamais. Le
massage
français n'est rien d'autre qu'un
autre projet de culture, c'est par lui que je parviens
à mes fins et à satisfaire mes forts besoins
d'occident et de ce temps
si spécial qui est le fruit invariable du désir
tout comme celui de la frustration de Tantale .
Laisser quelqu'un prolonger son massage c'est
un index qui exige son lot de réponse, il gratte
la seconde et rêve d'étirer le temps jusqu'au
pied de son lit. Masser, c'est se permettre le temps,
c'est l'organiser comme un potager dont le cadastre
serait infini. Ne pas organiser l'anarchie séancielle,
c'est devenir le garde-chasse pointilleux d'un agenda
qu'il se plaît à se penser chargé.
Nous travaillons pour un salaire, l'heure nous rétribue
et se laisser rémunérer par les secondes
n'est pas faire travailler les enfants, c'est apposer,
au bout d'un doigt inerte le sien, pour que le ressenti
soit la compréhension du vécu. Le massage
est le plafond de la chapelle Sixtine à l'envers, là
où les deux êtres qui se rencontrent sont
La Création d'Adam par Michel-Ange ,
le masseur-créateur invente le massé,
lui insuffle vie, et ce n'est pas parce que sa main reste dédaigneuse
comme un adolescent ingrat que nous devons nous priver
de la joie de donner cette vie. Qu'importe ce qu'il
en fera, qu'il soit là est déjà
en soi un miracle.
Laissez
le temps à ceux qui n'en n'ont pas ! Dieu
se moque du temps
puisqu'il se pique d'être éternel, quel
ombrage pourrait-il tirer de mon athéisme sourcilleux
et bagarreur ? Adam
lui n'en a pas, votre massé, en dispose
d'encore moins et voilà que vous jouez aux comptables
obséquieux soucieux de renter dans ces frais
de planning. Je suis heureux d'avoir écris
ce texte en ce mercredi soir, un texte sur le temps
alors que j'arpentais, encore suppliant comme un apôtre,
appelant mon esprit à trouver les mots pour dire
combien j'ai envie de masser davantage et autrement
les gens que je reçois. Tiens, ça
me rappel un autre texte que j'avais écris en
2007 Dieu,
le premier des masseurs... D'ailleurs,
chaque massé n'est-il pas en tenue d'Adam
?
Je
suis obnubilé par le temps, par sa distribution,
par comment procède ce mécanisme fin qui
se fait art éphémère, sieste
raffinée et spiritualité ombragée
des pampilles des doigts lourds comme des
fleurs. "...et dans sa main à elle il y
avait une main, une belle
main avec des doigts qui chantaient", vous connaissez
cette chanson de Piaf "Les blouses blanches
"
? Je travaille sur un logiciel de gestion de temps,
je veux que cette pure merveille que j'ai constitué
pour mon Institut en 2007 soit sur le marché
des masseurs et leur laisser l'opportunité
de mieux vivre qu'ils ne vivent actuellement parce que
ce peuple de peu, est le véritable charpentier
de nos chairs qu'il restaure et surtout, il comprend.
Eléments associés : massage
horaire
; Massage segmentaire...
Alain
Cabello mercredi 23 juillet 2014 |