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Qui sont les Bamana ? Les Bamana sont l'un des groupes les plus étudiés de l'Afrique de l'Ouest. Ils se situent de chaque côté du fleuve Niger bien que la majeure partie se trouve à l'ouest et au sud du Mali actuel. Des textes arabes du IXe siècle en parlent déjà. Leur langue est le Bambara. massage se dit Mosi et masser, caresser Saalo.

Chez les Bamana comme chez les Dogon (Mali), le massage des mort est important et pas sans lien avec la naissance.
"Tel le mouvement moteur de la vie, le désir d'assouplissement est au centre des rites obituaires. Sans Dyigi le corps devient cependant rigide et il existe une volonté de supprimer ce passage, de nier l'existence de la mort par une apparence de vie rendu au cadavre par le biais de la souplesse. Chez les Dogon, les neveux sont préposés au rasage des cheveux et au
massage corporel destiné à ralentir la rigidité cadavérique. Les Bamana ont la même volonté : les articulations sont massées en vue d'être assouplies et les enfants mort-nés sont enterrés avec un membre brisé. La rigidité corporelle est une hantise et les mères veillent à ce que les enfants n'en soient jamais atteints : ils viennent du monde des ancêtres et ont vécu neuf mois dans la même position que le cadavre dans la tombe. La rigidité étant le symptôme de la mort les élongations des membres durent jusqu'à ce que l'enfant ne soit "plus tendre", elles évitent la rigidité tout en positionnant les articulations toutes neuves."
Sources Nadine Martinez-Constantin 
Formes et sens de l'art africain TDM Fiche technique (page 160) Non libre de droits.

Ainsi donc, les mères Bamana massent-elles leur nouveau-né pour les dissocier du monde des ancêtres avec lequel l'enfant partage la position fœtale mais pas seulement. Le ventre est mis en parallèle avec la tombe dans laquelle le bébé partage bien des aspects comme la position, les yeux fermés et parfois le devenir, lorsque pour l'enfant mort-né, le ventre est assimilé à une petite tombe pour lui. Le rapport à la mort est ici inversé dans le sens de la vie mais toujours par rapport à elle. L'enfant est massé notamment sur les articulations selon le même procédé que pour les défunts en vu de les éloigner de cette rigidité corporelle caractéristique. C'est une action directe, manuelle auxquelles les mères Bamana s'adonnent en vue d'accrocher l'enfant à la vie et de l'empêcher, physiquement de retourner dans le monde des mort par le massage. Le massage joue ici un rôle central d'accompagnement dans la vie comme dans la mort en lui maintenant le plus de souplesse possible.
L'articulation garde alors son objectif en permettant le déplacement mais par l'entremise des autres par lequel passe d'ailleurs tout enterrement. La notion de souplesse source de vie est défendue jusque dans la mort pour garder au corps le plus de vitalité possible permettant son départ et son accueil. C'est une vie dans laquelle on intervient comme pour le nouveau-né en
massant les articulations du mort mais en en ré-interprétant le sens. Il ne s'agit pas, comme chez le nouveau-né d'arriver dans la vie mais d'arriver dans la mort exactement dans les même conditions et positions dans lesquelles on est venu au monde. Le massage reste une action majeure de la part des vivants pour accueillir ou accompagner mais toujours vis-à-vis de la mort.
Articulation-
massage combinent à la fois le mouvement, le geste que permet la vie mais aussi une transition forgeron d'un esprit de mort. Les proches s'accaparent le mort tout autant qu'ils s'en préservent en permettant au défunt d'être le mieux accueilli possible.

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Jeudi 10 juillet 2008

Sources : Lexique Bambara