CFDRM > Dossiers > CV Alain cabello > Lorsque la tradition devient perverse
Page créée le : vendredi 13 juin 2014, 9:18
Article précédent L'origine artéfactuelle du forfait horaire en massage 11-07-14

 

 

 

Lorsque la tradition devient perverse

 

Par Alain Cabello-Mosnier.
P/O le
CFDRM
Libre de droits non commerciaux.

 

Rédigé à Paris le : samedi 24 mai 2014


Lorsque la tradition devient perverse

Arrêtons la tradition lorsqu'elle devient un mode alimentaire nécrophage, le massage dispose de ses propres ressources.

Jean-Marie Tjibaou dit "La recherche de l'identité est devant, jamais derrière." Le modèle est devant, donc par conséquence à venir, dans l'action des sujets. Le massage doit se tenir face à ce qui advient et renoncer à cette auto-momification traditionaliste et chronique dans laquelle d'aucuns s'enkystent pompeusement. Masser ne fait pas de vous un égyptol
ogue renommé.
Même les ductus contemporains qu'effectuent les masseurs en agrégeant avec plus ou moins de bonheur plusieurs techniques (il serait plus juste de dire "bribes de techniques") supposées appartenir à telle ou telle méthode se revendiquent d'hier et renoncent à écrire pour demain.
Masser est une sorcellerie sans écriture, c'est par le texte et la rencontre que nous saurons avancer.
Chaque masseur que nous sommes est un guérisseur en son village qui oeuvre comme il peut passant des milliers d'heures à masser en Harpagon de ses savoirs qu'il jalouse aux autres et enterre par son renoncement. Ses anciens exercices gisent comme un caveau noir et poussiéreux que plus personne n'ose interroger.
Masser sans enseigner c'est recouvrir les heures de son travail à coup de remblais de ses propres mains. La peau que vous malaxez c'est le sable de votre propre sépulture. Celui qui masse enterre, celui qui enseigne l'art du massage piétine en ramenant tout à lui mais celui qui massage et enseigne sème, partage, disperse.

Vous voulez savoir si vous êtes bon masseur ? Alors commencez par vous dire que vous êtes mauvais et interrogez ces arts anciens.
_ Faites-vous masser, faites-vous masser en vous abandonnant complètement sans résister, faites-vous masser de nouveau par cette même personne et retenez le plus que vous pourrez, écoutez l'orgue de ses doigts, écrivez la partition telle que vous l'entendez dans votre tête.
_ Massez quelqu'un de critique, interrogez son insatisfaction ronchonne, ses manques vicieux, et oubliez à l'instant le dithyrambe de ses flatteries comme le sable des arènes. Si vous recherchez le compliment, faites comédien, vous serez applaudi.
_ Faites-vous masser par des "enseigneurs" (néologisme de Marcel Jousse) pas par des maîtres, ils sont des imposteurs qui dominent l'incompétent car si vous savez vous situer vis-à-vis d'eux, vous saurez garder votre esprit critique. La maitrise ne fait pas de vous un maître mais un professeur, elle fait de vous un relayeur, un passeur.
_ Observez des séances de massages non par vidéo mais in situ, soyez le tiers toléré dans une séance, faites-vous oublier et regardez comment le corps du masseur bouge, vole au-dessus de la personne, s'y exprime. Ne faites rien d'autre un jour que de le regarder comme lors d'un cours des Beaux-Arts, puis un autre jour prenez des notes comme un étudiant de la Sorbonne, puis un autre encore disputez à la façon d'un péripatéticien ou d'un examinateur, intervenez dans le massage, posez des questions.
Relisez ultérieurement vos notes, revenez sur telle passe, soyez grossier et insistant à l'égard du masseur-enseigneur, interrogez-le comme au comme au 36 Quai des Orfèvres jusqu'à ce que vous ayez compris le pourquoi du comment de tel geste préféré à tel autre.

Il devra donner sens à vos questions, expliquer pourquoi, parce que ce qu'il fait a ce moment-là ce n'est pas de l'habillage horaire d'un incompétent qui s'emmerde, c'est une écriture disposant de sa propre sémantique et ce qu'il dit avec ses mains, il doit pouvoir le répéter, l'expliquer avec sa langue.

Alain Cabello
samedi 24 mai 2014