Essai (Lundi 24 mars 2008)

Une édition par l'image et le texte

Les livre racontent toute une histoire souvent faite de protagonistes, d'hommes, de femmes dont le tenant de la tradition est le roman mais le livre de massage raconte lui une tout autre histoire, celle du corps lui-même ou plutôt des corps distincts qui le compose. Si ces livres jouissent d'une réputation moyenne ce n'est pas tant par le contenu qu'il révèle que par l'image qu'il contient en grand nombre. Cela procède du voyeurisme qu'il suggère en montrant des corps à moitiés nus qui semblent remplacer le sacro-saint contenu écrit par l'inanité graphique de la photo toujours supposée moins abouti que le texte. La photographie reste, encore aujourd'hui un sous produit des arts picturaux forcément moins noble que la peinture classique qui peine à s'imposer dans le monde de l'art parce qu'elle organise cet automatisme de la reproduction à l'identique qui est la voie de la banalisation. Le réalisme en peinture choque tout autant que le réalisme sans phares de la photographie comme d'ailleurs le réalisme dans le nouveau roman à heurté comme le massage dérange.
L'écrit lui nous vient de plus loin et il est des époques où le scribe, le "sachant-écrire" été un personnage aussi important qu'ont pu l'être pendant des siècles les écrivains publics. La détention des symboles porteurs de sens on permis l'émergence de la grammaire qui était au moyen-âge un des sept arts libéraux. Il existe toujours cette pé-éminence de l'écrit à charge de volumes sur la peinture et à fortiori sur la photo qui montre un corps suspect de souillures auquel le massage participe par ses entrées trop évidente sur l'intime décrété de tous. Alors, ces corps vautrés sous des flash sans concessions ont beaux en appeler au retour aux origines, il n'empêche qu'on montre par la gravure ce qui se cache encore dans la cité. Ainsi le livre de massage n'a guère la partie belle de l'édition tout comme celle d'ailleurs de nos bibliothèques respectives, parce qu'il ne pas dit par l'image ce que l'on persiste à vouloir lui faire développer par l'écrit. Cette dichotomie dans l'édition est la même qui se rejoue par le corps. Le souci de l'image est en conflit permanent avec l'esprit qui cherche continûment un corps qui fasse sens mais seulement avec ce qui lui est utile pour sa bonne compréhension. "pourquoi ce corps a-t-il besoin de s'exhiber ? Son fonctionnalisme sensitif le rend dépendant de l'autre". Le corps lui reproche à l'esprit son cartésianisme, sa rigueur et son intransigeance. "Pourquoi cet esprit préservé par l'inflexible occiput qui conserve, même blanchi par la mort, le prestige de la connaissance peut-il s'extraire d'un corps qui le place pourtant si haut ? Vivre sans répondre au contingences de l'autre voue ce couple indélébile à des déséquilibres que le massage participe à se retrouver. Le corps et l'esprit, l'image et le scriptural sont le contenu d'un même ensemble que l'Être tend à rassembler spontanément. Ce livre mal-aimé de nos étagères les moins accessibles c'est cette relation ambiguë que nous entretenons avec nous-même. A la fois achetant et cachant cet ouvrage qui parle de nous puisque le corps ou l'esprit en a suscité l'acquisition.

L'oeil organe noble mais ambiguë par le rapport qu'il entretient avec la vérité supposée irréfutable parce que vue et son caractère numineux que seule les paupières permettent d'occulter. La nuit même ne saurait entraver la crudité de la vision par les moyens que cet homme-dieu a su mettre à la disposition seule et unique du voir. Les filtres qui permettent cette variation dans l'accès aux connaissances de la chose vue sont l'inconscient et la sélectivité de la mémoire. C'est là que le corps carné rejoint le corps céphalo-rachidien, c'est par l'orbite que l'on passe de l'accès au dehors à ce qui est dedans et surtout derrière. L'organe visible, préhensile, visible, descriptif, et cette ONU de la pensée qu'est le cerveau, certes, un organe aussi, mais un organe dont on ne voit rien de la fonction organique. L'oeil au service de la photo, le cerveau au service du texte. L'un noble mais passif qui devient le simple transmetteur de l'information à l'autre qui en régit les fonctions.
Essayons d'aller plus loin dans la réflexion. Le livre sans image est pour l'enfant le must de ce qui est difficile. L'ouvrage imagé est pour l'adulte le must du récréatif. Le récréatif abandonnant de fait du contenu au profit du bien-être passif relayé par une simple numérisation de l'oeil. L'ouvrage traitant du massage subordonné par ce qu'il contient d'images au livres de contenu qui en est dénué. Qu'avons-nous d'autre ? Une frontière culturelle, sociologique, anthropologie qui oppose l'oeil au cerveau, doit-on croire ce que l'on voit ? Doit-on se fier à ce que l'on pense ? Les effets d'optiques bien connus nous montrent que l'oeil est faillible. Le cerveau lui-même n'est à l'abris de tout soupçon et peu percevoir des choses qui n'existent que dans le crédit qu'il y apporte, schizophrénie, paranoïa, délires etc. Dans le livre de massage il y a de l'image certes mais il y a aussi du texte ce qui pourrait s'apparenter dans les années 70 à "je suis une femme mais je pense" et ce discourt qui n'est plus tenable aujourd'hui ramène à des automatismes culturels qui se reporte aussi sur le livre. Ce qu'il y a de résiduel dans une prétendants miss France étudiante en économie se retrouve dans l'image au service de la démonstration d'une technique dont le texte serait du même tonneau. Ce qui est intéressant dans ce constat c'est que la nature des femmes ne préjuge en rien de leurs capacités cérébrales pourtant les propos sus-citée nous montrent nos archaïsmes culturels et l'emprunt de nos habitudes sociales. En massage il en va de-même on ne conteste pas la présence de la pensée, de la philosophie dans le massage mais à la première publication il entre en opposition avec les acquits de notre construction collective. Il est bien net qu'aujourd'hui en France, la dimension philosophique des massages est complètement évacuée. On ne les retrouve plus dans la pensée moderne mais seulement dans les strates d'une archéologie du touché. Cette pré-éminence de la photo et d'une technique isolée de ses bases réflexives nous donne un juste aperçu de cette opposition corps/esprit. Rusticité des photos, rusticité du texte et oubli pur et simple de nos fondamentaux culturels. Rajoutez à cela une législation qui "anatomise" le massage dans une description froide du Code de la santé publique. Placez le cadavre dans les frigos du médical congeler dans un lapidaire exercice illégal de la médecine. Prenez la qualité des praticiens en France qui le deviennent pour quatre cent cinquante euros sur un week end et terminez le tableau par les éditions que l'on voit fleurir et vous disposez d'un avis certes partial mais ô combien révélateur de la position du corps dans la société française de 2008.