Quand Marie masse Jésus

Nous vous proposons la lecture de ce passage des évangiles selon Saint-Jean qui s'appelle l'Onction de Bthanie, chapitre 12 d'une rare beauté et dont une scène de massage contient à elle toute seule une parabole du Christ.

Évangile de Jean 12, 3-7

12.1 Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie, où était Lazare, qu'il avait ressuscité des morts.
12.2 Là, on lui fit un souper; Marthe servait, et Lazare était un de ceux qui se trouvaient à table avec lui.
12.3 Marie, ayant pris une livre d'un parfum de nard pur de grand prix, oignit les pieds de Jésus, et elle lui essuya les pieds avec ses cheveux; et la maison fut remplie de l'odeur du parfum.
12.4 Un de ses disciples, Judas Iscariot, fils de Simon, celui qui devait le livrer, dit :
12.5 Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cent deniers, pour les donner aux pauvres ?
12.6 Il disait cela, non qu'il se mît en peine des pauvres, mais parce qu'il était voleur, et que, tenant la bourse, il prenait ce qu'on y mettait.
12.7 Mais Jésus dit : Laisse-la garder ce parfum pour le jour de ma sépulture.
12.8 Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne m'avez pas toujours.
 
Marie, la mère de Jésus, procède à un massage des pieds de son fils avec un parfum de nard, en fait elle "oignit" écrit Saint-Jean puisque le terme massage n'apparaît qu'au XIXème siècle. Ce massage-là apparaît entre ombres et lumière. Les ombres de la mort parcourt l'ensemble du portrait, de Lazare présent au repas donné en l'honneur de Jésus qui le fit revenir d'entre les morts, à celle de Judas, livreur de juste, par lequel Jésus à son tour entrera dans la mort. Marie est la source lumineuse de cette scène mais la source d'un tableau que l'apôtre Jean nous présente comme déjà connu dans son achèvement par Jésus. Par le fait, Marie préfigure une sorte de toilette du mort avant que celle-ci n'apparaissent. Elle ne regarde pas le prix de ce nard parce la contingence de l'observation est hors contexte face à l'immensité de ce qui se joue de douleur pour elle et d'espoir pour tous. En fait, cette image incandescente de la femme/mère est violemment érotico-thanatoïde mais là c'est à la forme thanatoïde que nous nous efforcerons de dégager. Marie, par ce geste assez étonnant pour une femme de basse extraction sociale, est le focus de la dissension en massant les pieds de son fils avec du "nard pur de grand prix".
"Judas Iscariot, fils de Simon, celui qui devait le livrer dit" avec justesse que le vendre au profit des pauvres aurait été plus convenable que de le répandre inutilement sur les pieds du Seigneur. L'observation est juste à ceci prés que la nature de Judas est connue de Jésus et de Jean qui écrit cet évangile. "Judas Iscariot, fils de Simon, celui qui devait le livrer" douzième apôtre devient le treizième avec Jésus et en même temps le traître. Le personnage se dessine de façon encore plus appuyée ligne 6 : "Il disait cela, non qu'il se mît en peine des pauvres, mais parce qu'il était voleur, et que, tenant la bourse, il prenait ce qu'on y mettait."
En fait c'est la poursuite de la dimension morbide de Judas qui, non content d'être celui qui trahira Jésus en conduisant les soldats jusqu'à lui, il se double d'un voleur nullement en peine du sort des pauvres mais les utilisant sans vergogne, pour que le maximum d'argent rejoigne la bourse qu'il détournait. Tout ceci est su donne et de l'homme une image archétypique de la mort. Il en est son messager corrompu.
 
La Vierge Marie se fait alors masseuse, rien d'étonnant à cela qu'en on connaît le rôle des femmes, soient-elles mères mais ici, nous n'avons pas n'importe laquelle. Il s'agit de Marie, de la Vierge, même si cela n'est pas spécialement simple puisque que Saint-Jacques est souvent présenté comme l'aîné de Jésus, comme son frère mais cela n'empêche pas que cette Marie-là reste est Mère de Jésus et la figure féminine du christianisme. Ce qui est étonnant dans cette parabole c'est que le massage se distribue comme un message.
"
12.7 ... Laisse-la garder ce parfum pour le jour de ma sépulture.
12.8 Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne m'avez pas toujours.
On est au coeur de l'Onction de Béthanie pour l'option que nous défendons ici, Jésus se sait condamné et demande qu'on laisse Marie garder ce parfum pour le jour de sa sépulture. Ce n'est pas la nature dispendieuse de Marie qui est condamné puisqu'il sait la pureté du coeur de Marie en contrast avec la noirceur de celui de Judas, mais ce nard doit être gardé pour le masser dans la mort. La nature sublime de ce cadavre hors du commun demande que ce nard de prix soit celui qui l'accompagne, il demande que massage lui soit fait le jour de sa mort. Le parfum du Christ est lié à cette onction et l'onction au massage et le massage au message. Ce n'est pas, je vais mourir mais je dois mourir pour que s'accomplisse la volonté de Dieu. Peut-être, que si le mot massage avait été connu au début de notre ère n'aurions-nous pas parlé d'onction mais de "Massage de Béthanie". Est-ce que ce mot de massage aurait put prendre un sens premier dans cette vie hors du commun ? La main, tant présente dans l'ensemble des évangiles, aurait-elle pu devenir massante et résonner/raisonner autrement dans ce psaume ? Nous ne le saurons jamais mais, nous voici en situation de faire émerger de cette longue histoire de la religion chrétienne un ensemble de scènes illustrant des massages primitifs et hautement symboliques. Le massage messager d'une parole sainte mais annonciateur de sa mort. Se constitue ici une sorte d'opposition manichéenne entre un massage mariale et une contestation par avarice du précurseur de la mort. Le message intéressé de Judas se heurte au massage désintéressé de Marie et c'est Jésus lui-même en tant que bénéficiaire de ces largesses prend Judas sur son propre terrain terrestre. Des pauvres vous en aurez toujours mais moi, vous ne m'aurez pas toujours. Le prix de l'ongent n'a aucune importance, seul le massage compte dans ce qu'il contient d'augures. C'est ma mort mais au-delà de ma mort il y a la fragrance, il y a le message que je vous ai délivré.
Ce massage n'est donc pas un massage de mort mais un massage porteur d'enseignement que le destinataire demande comme accompagnateur de son dernier voyage. Comme toute cette épopée, ce massage est plein de lumière, fait pas Maris, reçu pas Jésus. Peut-on dire que masseurs et masseuses sont les héritiers de Marie ? D'une certaine façon oui, nous sommes des toucheurs, des toucheuses d'élus.
 
 

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Dimanche 20 juillet 2008

 

 

 

 

Christique-massage

Le Christ n'est qu'amour, il est offertoire, don dans la forme comme dans l'esprit, les bras écartés de celui qui jamais dans la violence ne saurait exprimer ce qui défini l'homme dans son désire de paix. Giflé, insulté, mutilé, préféré à Barabas, c'est-à-dire au pire, pour être extrait à toute clémence comme si la peur des crimes du second s'effaçait devant le potentiel de paix insoutenable du premier par la remise en cause des intérêts individuels d'une organisation sociale matérialisée par les marchands du Temple. Jésus est un massage collectif, une infrastructure autour de laquelle s'enroule l'imagination humaine comme un lierre sur une treille que sont devenu les évangiles. C'est une histoire de redressement de sépultures, c'est une forme anthropomorphique donnée par la nature à l'homme qui va s'employer à la façonner. Dans ce concentré d'amour imarssessible toute violence s'annule puisqu'elle n'a pas de répondant mais toujours dans une attitude bicéphale Amour/Violence, Violence/Amour indissociable à leur construction. Cette quête d'absolu, d'équilibre ultime, de spiritualité forte est celle de tout massage par nature barrocentrique vis-à-vis de ces deux opposés qui s'affrontent, se repoussent et s'attire inévitablement. Masseur ou massé sont tout à tour, Christ, foule accusatrice, cloueur d'homme, lanceur de pierre, de javelot scélérat, Mère, disciples, à la fois Pierre et Judas. Cette épopée s'écrit malgré nous dans chaque massage comme dans chacun de nous, dieu est, violence est. A quel moment suis-je le couleur, le traître, le corps qui sous les mains des autres ne perçois que l'amour dans l'intention de chaque geste ? Là, comme dans les évangiles, chacun de ces gestes prend un sens, celui de l'élu, celui du vivant.

 

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